Le Puy-de-Dôme n'échappe pas à la précarité grandissante, surtout à la campagne, alerte le Secours populaire
"Vous aimez les courgettes ? C’est la saison, profitez-en !" sourit une bénévole en désignant une cagette pleine de légumes. La porte s’ouvre, se ferme, s’ouvre à nouveau. Et les "bonjour" fusent, fermes ou timides. Le jeudi, seul jour d’ouverture de l’épicerie solidaire, il y a beaucoup de passage.
L'association veille à mettre à disposition des fruits et légumes frais.
Au rez-de-chaussée de ce bâtiment en pierres, situé rue du Puy, à Tauves, un panneau discret indique sobrement : "Secours populaire". Gracieusement mis à disposition par la mairie, ce local est l’une des cinq antennes puydomoises de l’association. Une présence nécessaire en zone rurale, qui lui permet de toucher un public dont la précarité est exacerbée par l’isolement géographique.
En moyenne, 30 % des Français ont du mal à accéder à une alimentation équilibrée. Ce chiffre monte à 36 % en milieu rural.
, souligne Adrien Thépot, secrétaire général du Secours populaire du Puy-de-Dôme. Extraits du 18e sondage annuel d’Ipsos sur la pauvreté et la précarité en France et en Europe, paru hier, ces chiffrent montrent une cristallisation des difficultés liées au manque d’argent dans les territoires reculés.
Vivre avec moins de 1000 €Ici, tous les problèmes sont exacerbés. Émilie* et Roger*, qui résident à la Bourboule, le savent bien. Accéder aux espaces d’aide est parfois compliqué. "Nous n’avons pas de voiture, regrette Émilie. C’est une amie qui nous emmène ici." Le couple farfouille entre les étagères de l’épicerie solidaire. Moyennant 20 €, ils pourront repartir avec trois sacs cabas remplis. De quoi tenir la semaine, pour ces parents d’un petit garçon de 12 ans. Comme eux, de nombreux bénéficiaires fréquentent les lieux depuis plusieurs années.
On fait comme on peut pour survivre, reconnaît la mère de famille. Si on ne venait pas ici, on ne mangerait pas aussi bien et équilibré.
Aujourd’hui, le Secours populaire de Tauves vient en aide à environ 25 familles de la commune et des environs. Un chiffre qui ne cesse d’augmenter depuis son ouverture, il y a 5 ans. Selon le sondage d’Ipsos 2024, 62 % des Français ont connu ou sont sur le point de connaître une situation de pauvreté. C’est 4 % de plus qu’en 2023. Et les associations caritatives le constatent. "Nous recevons de plus en plus de travailleurs pauvres et de retraités", se désole Adrien Thévot.
C’est le cas de Christian. Un café à la main, cet ancien boulanger raconte timidement ses difficultés. À 74 ans, le retraité doit vivre avec moins de 1.000 € par mois. "Mais il y a pire que moi", relativise-t-il. Pourtant, l’homme est bien obligé de faire appel aux associations caritatives, pour faire des économies. "J‘ai beaucoup de factures d’électricité en retard. Ma maison est très mal isolée. Le propriétaire dit qu’il va s’en occuper, mais vous savez…" fait-il en haussant les épaules.
Marc, bénévole, vient tous les jeudis à Tauves pour aider le Secours populaire.
Daniel, lui, fait partie des bénéficiaires dont la situation s’est aggravée suite à la réforme des retraites. Avec beaucoup de pudeur, cet ouvrier agricole, également travailleur handicapé, se confie sur sa situation. Alors qu’il travaille depuis l’âge de 16 ans, il se retrouve dans une situation de grande précarité, à devoir vivre avec moins de 500 € par mois. "J’aurais dû partir à la retraite au mois de juin. À cause du changement de loi, j’ai encore un an et demi à faire. Mais la ferme où je travaillais a fait faillite et j’ai perdu mon emploi. À mon âge c’est compliqué d’en retrouver."
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Elora Mazzini