Du lycée Blaise-Pascal de Clermont-Ferrand à "Zorro" avec Jean Dujardin : rencontre avec Émilie Noblet
Même si elle figure au générique de la prestigieuse série Zorro, Émilie Noblet n’a pas oublié les Combrailles qui l’ont vue grandir, Saint-Georges-de-Mons, le cinéma La Viouze des Ancizes et le lycée Blaise-Pascal de Clermont-Ferrand où est née sa vocation. Comme tous les anciens de la section ciné qui se sont prêtés au jeu (à découvrir dans les prochaines semaines), l’Auvergnate a accepté de faire des flashbacks, pour retracer en pointillés sa vie et sa carrière. L’entretien prend la forme d’un abécédaire parce que l’on ne pouvait pas échapper au « Z comme Zorro »…
A comme années lycée
"Quand je vais à Clermont de temps en temps, je passe devant Blaise-Pascal. Alors je me sens vieille, ça oui (rires). Mais je me rappelle la citation sur la façade : “Penser fait la grandeur de l’homme - Blaise Pascal”. Je voyais ça tous les matins… C’étaient de belles années à Blaise-Pascal. J’ai aimé mes cours de cinéma, j’ai aimé être interne à Jeanne-d’Arc et traverser la rue deux fois par jour. En fait, ça correspond à la naissance d’une vocation, d’une vraie vocation. Qui m’amènera notamment vers la Fémis puis vers la réalisation."
B comme Benigni
"Le film de Roberto Benigni "La vie est belle" a été un déclic pour moi. Par son sujet mais aussi par l’humanité, l’humour. Il y a quelque chose dans le mélange de ces genres qui m’a bouleversée. Profondément."
C comme comédie
"Je pense que c’est une grande partie de ma sensibilité. J’en ai fait plusieurs et c’est grâce à cela que j’ai pu accéder à Zorro, évidemment. C’est la suite un peu logique… Cela aurait été plus étonnant qu’on me propose un film d’horreur (rires)."
D comme Dujardin
"C’est un professionnel de très haut niveau. Jean, c’est quelqu’un qui travaille énormément. Et il a un instinct assez fou… Le personnage de Zorro, il était clairement fait pour Jean, c’était du caviar, c’était un délice."
E comme équipe
"Ce sont des piliers, sans eux on ne peut rien. J’avoue que dès que je peux les citer, je les cite. Et je pense que la reconnaissance mutuelle est essentielle. Maintenant, je cherche à les imposer systématiquement, je ne veux pas que ce soit les producteurs qui m’imposent l’équipe technique parce que je sais avec quelle personne j’ai besoin de travailler."
F comme Festival du court métrage
"Cela fait trois ans que l’on me demande d’être jury mais à chaque fois je suis en tournage, je ne peux pas. Franchement, si l’année prochaine je suis libre et qu’on me le propose, j’y vais… J’adore ce festival, j’adore la qualité des films. C’est le meilleur selon moi avec Poitiers qui est un festival de films étudiants que je trouve génial. Ce sont deux endroits importants pour moi [d’autant qu’elle a reçu à Clermont le prix Canal + en 2014 pour Trucs de gosse, NDLR]."
J comme jobs en tous genres
"En arrivant à Paris pour les études, je n’avais pas d’argent. J’ai fait beaucoup de tafs alimentaires, j’ai été vendeuse de vêtements, hôtesse d’accueil de cinéma, j’ai travaillé dans une boîte de nuit…, enfin j’ai fait mille trucs. C’est aussi là que j’ai commencé à écrire des scénarios en me rendant compte que ça me plaisait beaucoup. Et là que j’ai rencontré le métier d’acteur. J’ai assisté aux spectacles de gens de ma génération et je me suis mise à côtoyer beaucoup de jeunes comédiens et à les adorer."
L comme long métrage
"J’ai beaucoup tardé à faire mon premier long métrage. Au total, j’ai réalisé sept courts métrages et le dernier date d’il y a longtemps. J’avais des propositions de producteurs pour partir sur un long mais c’est moi qui m’empêchais, ou ce n’était pas le bon moment, ou j’avais besoin de passer par d’autres chemins avant d’arriver au long métrage. Mais j’y suis arrivée !" [Bis Repetita, avec Louise Bourgoin, est sorti en salles au printemps 2024, attirant un peu plus de 100.000 spectateurs, NDLR].
"J’étais en plein montage de Zorro quand le film est sorti, si bien que j’ai eu un rapport assez serein aux critiques et au nombre d’entrées. J’ai été globalement très contente de l’accueil presse. J’ai lu, je crois, l’intégralité des critiques Allociné des spectateurs, qui sont parfois violentes, parfois drôles et touchantes, mais ça m’intéressait de voir tout le paysage qui entourait le film. Au niveau des entrées, j’ai été contente de passer la barre des 100.000, c’est super chouette pour un premier film !"
N comme Noé et Noémie
"La rencontre avec Noé Debré sur Parlement a été importante parce que ça m’a amenée à Zorro. Et ça m’amène à un autre projet que je développe avec lui donc il y a quelque chose qui s’installe sur la durée. La rencontre avec Noémie Lvovsky, sur la série Loulou, a été importante aussi. Elle m’a beaucoup encouragée dans l’écriture de mon film et dans la vie. Elle fait des films dans lesquels je me retrouve. Elle a un humour, une sensibilité qui nous rapprochent."
P comme Parlement
"Le succès de ma première série, HP, m’a conduite vers d’autres projets dont Parlement. J’ai trouvé les textes extraordinaires. La série a eu un succès étonnant, assez tardif. Elle est sortie en 2019, avec d’abord un succès critique mais pas public. Or, là, je me rends compte qu’il y a vraiment pas mal de gens qui ont vu la série. Et c’est chouette… Parlement, ça me correspond. C’est une comédie, c’est ma sensibilité. Et c’est quand même génial de rendre accessible le monde du parlement européen à tous. Je pense que c’est un peu ce que je recherche, dans la vie, dans les projets : une espèce de rassemblement de film populaire et de film d’auteur."
Z comme Zorro (*)
"Cette série, c’était jusqu’ici le plus gros défi de ma carrière, à plusieurs égards. Parce que c’était la première série avec un casting que je trouve dingue, c’était le haut du haut du panier [Jean Dujardin, Grégory Gadebois, Audrey Dana, André Dussollier entre autres, NDLR]. J’avais très envie de faire une série d’époque aussi : que ce soit la recherche, la direction artistique, les décors, les costumes, c’était tellement ambitieux…
Il y avait également ce truc en plus de la madeleine de Proust : de 40 à 80 ans, nous avons tous en tête le Zorro des années 50. Donc le fait de réaliser ce que l’on regardait quand on était petit, il y a quelque chose de super enthousiasmant…
Enfin, c’est une série où le mot d’ordre était d’aller le plus loin possible. Toujours plus, toujours plus… Et parce qu’elle mélangeait une direction artistique extrêmement classique de film d’époque très documenté avec un texte de comédie de boulevard, cela donnait une originalité au projet qui fait que je n’ai pas pu le refuser."
(*) Zorro est disponible depuis hier sur la plateforme Paramount +, avant France Télévisions à Noël.
Thierry Senzier