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Сентябрь
2024

"C’est d’un cynisme absolu" : ulcérés, les maires du Puy-de-Dôme refusent la responsabilité du déficit de l'Etat

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« L’augmentation extrêmement rapide des dépenses des collectivités territoriales […] pourrait à elle seule dégrader les comptes 2024 de 16 milliards d’euros. »

Voilà le message passé lundi par le ministre démissionnaire de l’Économie Bruno Le Maire aux communes, intercommunalités, Départements et Région à travers une lettre aux parlementaires et destinée, évidemment, à fuiter. Message reçu cinq sur cinq : pointés du doigt, les représentants de ces collectivités locales, dans le Puy-de-Dôme comme ailleurs, sont ulcérés.

« Un écran de fumée »

Quelles que soient les sensibilités, les élus ont la même réaction. Et la même analyse. « C’est insupportable de la part de quelqu’un qui a creusé la dette publique et qui veut maintenant détourner le regard de ses responsabilités. Encore plus à un moment où il ne peut rien faire, s’emporte le président de Clermont Métropole et maire de Clermont-Ferrand Olivier Bianchi (PS). C’est d’un cynisme absolu. »

Olivier Bianchi Aussi agacé, Frédéric Bonnichon (LR), président de Riom Limagne et Volcans et maire de Châtel-Guyon, estime que :

Le Maire essaie de faire croire que son incapacité à gérer la France depuis sept ans serait due aux collectivités, ce qui est un scandale »

Pour Tony Bernard, président de Thiers Dore et Montagne et maire de Châteldon, Bruno Le Maire veut « dissimuler ses propres turpitudes. Le ministre trouve un écran de fumée que je trouve fumeux. » Flavien Neuvy, secrétaire général de l’association des maires de France du Puy-de-Dôme et élu à Cébazat, estime que le ministre « cherche un bouc émissaire. C’est plus pratique de dire que c’est la faute des autres. »

Une injustice en travers de la gorge

Les collectivités territoriales ont l’obligation légale d’avoir des budgets de fonctionnement à équilibre. Difficile dans ces conditions de creuser la dette. Surtout quand l’État n’est pas soumis, lui, à la même obligation. « Oui, le déficit de l’État dérape et les dépenses des collectivités augmentent, mais il n’y a aucun lien entre les deux, c’est un non-sens », déplore Frédéric Bonnichon.

Frédéric Bonnichon « C’est prendre les gens pour des imbéciles, continue Tony Bernard. Les finances de l’État sont tellement dégradées qu’il a sans doute dans sa tête un mauvais coup pour prendre de l’argent aux collectivités. Pourtant, ça fait huit ans que les collectivités contribuent à hauteur de 11 milliards d’euros par an à améliorer les comptes publics qu’elles n’ont pas dégradés, elles?! Tout cela est crassement démagogique. » 

Sur les 3.000 milliards de dette de l’État, les collectivités territoriales pèsent 200 milliards, soit 7 %, calcule Flavien Neuvy. Et les communes représentent 2,5 %. 

Flavien Neuvy Une injustice d’autant plus grande que, comme le rappellent tous les élus, les dépenses des collectivités sont souvent imposées par l’État lui-même. « Les dotations de l’État ne sont pas des cadeaux, ce sont des transferts de compétences. Une décision de l’État pour décentraliser », continue le maire de Cébazat. « Les déclarations du ministre ne manquent pas de toupet : depuis des années, les collectivités territoriales subissent les transferts de charge non compensés d’un État parfois démissionnaire », abonde le président du Département Lionel Chauvin (LR).

Lionel Chauvin « Si on regarde dans le détail les augmentations de nos dépenses (400.000 € pour Châtel-Guyon, deux millions pour RLV entre 2023 et 2024), la moitié pour RLV et les deux tiers pour Châtel-Guyon sont dues à l’État », évalue Frédéric Bonnichon, citant notamment la hausse de la rémunération des fonctionnaires.

Et demain??

Les collectivités territoriales préparent toutes leur budget 2025. Comme l’État, censé le voter dans un mois. Les propos de Bruno Le Maire ont plongé les territoires dans le même flou que Paris. « Nous nous sommes réunis et la seule inquiétude de tout le monde était “Comment on fait?? Avec quels moyens??” C’est un flou invraisemblable », se désole Olivier Bianchi. Même son du côté de Thiers. 

On avance prudemment sur nos budgets avec ces incertitudes mais heureusement, ce n’est pas le ministre qui vote le budget mais le parlement et je fais confiance à nos représentants nationaux, qui ont eux un ancrage sur nos territoires, pour ne pas piquer dans les poches des collectivités. 

Tony Bernard Idem à Châtel-Guyon. « Si les dotations de l’État sont rabotées, il faudra bien ajuster nos projets et nos dépenses. On ne peut pas vivre au-dessus de nos moyens, contrairement à l’État qui peut emprunter ce qu’il n’a pas pour faire fonctionner les services publics. Certaines collectivités avaient dû fermer leurs piscines lorsque les factures d’énergie ont explosé?! On est dans le grand brouillard pour préparer 2025. » Et Flavien Neuvy d’enchaîner la métaphore. « Quand vous roulez dans le brouillard, vous ralentissez. »  

‘‘La situation financière catastrophique est de la responsabilité exclusive de l’exécutif. Nous nous rapprochons sans aucune raison objective externe, sans crise, à des niveaux de déficits que nous avons connus lors de la crise sanitaire. C’est inacceptable et peut-être insupportable." Jean-François Husson (ex-LR), rapporteur général de la commission des finances au Sénat, le 4 septembre, après avoir pris connaissance du document trans mis par Bercy.

Simon Antony et Arthur Cesbron