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Le glyphosate a rendu la jument malade : l'agriculteur condamné à indemniser son voisin, dans l'Allier

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Ils lui avaient demandé de « nettoyer » leurs deux champs en cette fin septembre 2023.

Exit l’ambroisie, le chiendent et le chardon, pour « y mettre bien propre (sic) », précise le prévenu, à la barre du tribunal correctionnel de Moulins, ce mercredi 4 septembre. Cet exploitant agricole, qui a notamment ces deux parcelles en gestion via un bail, dans l’Allier, entreprend donc de « passer du glyphosate » avec le tracteur et son « pulvé » attaché derrière. Du matériel acheté un an auparavant auprès d’un céréalier du coin : 24 m de large, 12 m de chaque côté. Ce dimanche 24 septembre au matin, « le climat permettait » l’opération. Et « quand on est agriculteur, on travaille tous les jours et on fait ce qu’on peut quand on peut ». Alors c’est parti.

Un SMS

Ces parcelles ont un voisin. Ce voisin a notamment une jument/grand poney qu’il fait paître dans sa propre parcelle, mais ça lui arrive aussi de la placer dans ces terrains riverains, signe que tout ce voisinage cohabite plutôt bien (mais ça, c’était avant). Ce voisin est prévenu par l’un des propriétaires par sms qu’un traitement à côté de chez lui a été effectué. Une fois que c’est fait. L’animal n’est pas au bord de la prairie à ce moment-là. Il était maintenu dans un enclos plus loin. Dans ce sms, ce message de prudence : « Nous avons fait désherber le champ, nous vous prévenons pour que votre cheval ne mange pas l’herbe du terrain ».

Diarrhées

Le propriétaire du cheval comprend que le terrain en question est celui du voisin qui le prévient et, quelques jours plus tard, déplace son cheval dans un autre de ses enclos. Las, le bord de ce pré, limitrophe, était contaminé à l’herbicide, a conclu l’office français de la biodiversité (OFB), appelé à la rescousse. Le tribunal montre les photos d’une bande herbeuse jaunie d’1 m de large et de 15 m de long.

La jument s’en est sortie, mais elle a eu des diarrhées, avec un traitement et un suivi vétérinaire « pendant quatre mois ». Au cours de l’audience, l’exploitant, sur la défensive, va d’abord dire qu’il n’y avait « pas de vent » et que le pulvérisateur, « équipé d’un boîtier électronique », travaille « à 50 cm du sol » et qu’il est « précis ». Il n’a « pas pu déborder », d’autant plus que l’engin n’a pas « accroché la clôture », signe qu’il a « respecté les distances ». Il explique que la bande jaunie est probablement du fait « de la sécheresse » et des résistances diverses : « L’herbe grasse est restée verte alors que les graminées sont grillées ». Et encore : « Ça fait 40 ans que j’utilise des herbicides ».

« Pas précis » et « mal maîtrisé »

Le tribunal estime de son côté que l’appareil utilisé n’est « pas aussi précis » qu’il le pense et qu’il n’a « pas totalement maîtrisé » le traitement, « mal réalisé ». Le prévenu finit par dire que, « peut-être il y avait du vent ». Qu’avant, il faisait faire. Et qu’il a « fait confiance » en ce matériel « passé au contrôle » et éprouvé déjà dans une autre exploitation pour faire lui-même cette fois-ci.

Grand soupir de Me Gard, pour le propriétaire de la jument : « Mais enfin, un céréalier doit laisser une bande de 5 mètres en bordure. Ici, on n’est pas du tout sur les mêmes échelles, on est sur des parcelles de 1.600 m² ». Pour l’avocat, l’agriculteur a « utilisé son certificat phyto pour satisfaire des intérêts particuliers » et transformer un pré « en pelouse ». Il demande 2.000 € de réparations cumulées, entre frais de justice, soins, préjudice matériel, préjudice de jouissance (la jument de loisirs n’a pas pu être montée).

"Vous remboursez la victime et on n’en parle plus"

Relevant qu’il est difficile d’être agriculteur aujourd’hui, car obligé d’être pointu dans de nombreux domaines, la procureure s’appuie sur le constat de l’OFB et le diagnostic du vétérinaire pour requérir une peine, « une simple sanction-réparation » : « Vous remboursez la victime et on n’en parle plus ». Me Mesones, pour la défense, plaide la relaxe et conteste ces deux « constats matériels » : « On n’a pas eu le résultat de prise de sang de la jument et on n’est pas sûrs, via analyses, que la bande jaunie soit bien du fait du traitement de mon client ». L’affaire se termine avec 950 € à verser au plaignant dans les six mois. À défaut, il risque une amende de 1.000 €.

Mathilde Duchatelle