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Nouveau Premier ministre : "Michel Barnier, c'est un peu le retour de l'ancien monde"

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«Mon cher Michel, garde ton calme ». C’est le conseil donné par l’ancien président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker à son ami Michel Barnier, ex-commissaire européen (deux fois), ex-ministre (quatre fois), ex-négociateur du Brexit et désormais Premier ministre. Il lui en faudra sûrement. Lecture de cette séquence politique avec le politologue Roland Cayrol.

Un été qui laissera des traces

« Les tergiversations de l’été laisseront évidemment des traces. On a vécu une chose absolument inédite sous la République : cette frénésie d’un Président face au Parlement, ce régime ultra-présidentiel devenu un régime parlementaire mais dans lequel le Président arrive à maintenir un rôle, une influence. Et peut-être même à tirer son épingle du jeu. »

 

 

Le RN a-t-il eu le dernier mot ?

« On a beaucoup d’inconnus pour la période qui s’ouvre. La recherche effrénée du président de la République consistait à éviter d’avoir un gouvernement qui soit immédiatement censuré. Il a voulu jouer en même temps le rôle du Président et le rôle du Parlement en faisant des conjectures. Il s’est rendu compte que les impétrants qui retenaient le plus l’attention politico-médiatique, Bertrand et Cazeneuve, risquaient d’être démis de leurs fonctions. Cela fait longtemps que le RN est au cœur de cette histoire, et pas seulement ces derniers jours. Dans ces conditions, il nomme le seul qui n’est pas susceptible d’être immédiatement censuré. C’était une tâche impossible qu’il est peut-être en train de réussir ».Photo AFP

Ses atouts

« Emmanuel Macron nomme un Premier ministre à la personnalité extrêmement lisse. C’est la qualification qui revient le plus souvent. C’est aussi un négociateur, qui a prouvé qu’il était capable de mener des discussions vaille que vaille, jusqu’au bout. Il nomme quelqu’un de droite, depuis toujours, aux convictions anciennes. Il est à la fois un gaulliste et un européen. On va retrouver une division gauche/droite. L’ensemble des formations de gauche vont immédiatement voter contre lui. Le RN ne le fera pas, lui laissant la possibilité de passer entre les gouttes au départ. Il montrera probablement dans son discours d’ouverture qu’il respecte tous les partis, RN compris. Il va sûrement échapper à la motion de censure initiale et permettre une alliance de droite. Mais on ne sait pas combien de temps cela durera ».

Ses faiblesses

« Ses points faibles, ce sont ses points forts.

Ce n’est pas quelqu’un qui peut provoquer un choc dans l’opinion publique, qui a un charisme extraordinaire. Il n’a jamais montré non plus une capacité d’imagination extrêmement forte en politique. Il avait le terrible surnom d’ailleurs repris par Jacques Chirac de “crétin des Alpes”.Roland Cayrol, politologue

Sous une République dans laquelle les médias et les réseaux sociaux jouent un rôle si important, il n’est pas quelqu’un qui va pouvoir briller de mille feux auprès de l’opinion publique. »

Couple exécutif

« Le fonctionnement du couple exécutif ne devrait pas poser de problèmes. Michel Barnier a des convictions fortement ancrées à droite, une droite républicaine, mais il a toujours été Macron-compatible. D’autre part, il est très attaché aux institutions de la Ve  République. Il aura du respect pour le Président, il n’essaiera pas de marcher sur ses plates-bandes. Sur ce plan, il n’y a pas trop de risques, ni pour l’un, ni pour l’autre. »

Une « élection volée » ?

« C’est un grand classique des démocraties parlementaires. Même si Jean-Luc Mélenchon n’arrête pas de dire qu’il a gagné, il est à une centaine de sièges de la majorité absolue et les gens n’ont pas voté pour un programme mais pour le front républicain ».

Et les ministres, maintenant ?

« Rester, c’est l’espoir très peu caché de pas mal de ministres démissionnaires. Ce ne serait pas très habile.

Si à au personnage lisse de Barnier, s’ajoute un gouvernement dans lequel la continuité est affirmée, cela serait une erreur politique car il y a une attente de changement qu’il serait bon de satisfaire.

Choisir un homme de 73 ans n’est pas un message de renouveau. C’est un peu le retour de l’ancien monde politique, d’une façon ancienne de faire de la politique. Peut-être que la composition du gouvernement permettra de corriger un peu ça. »Photo AF

Dossiers prioritaires

« Le futur gouvernement va devoir s’atteler à la loi électorale sur la proportionnelle, tant cela est devenu un sujet. Barnier ne pourra y échapper. La seconde discussion sera sur le budget, au regard de la situation économique difficile de la France. Il va falloir prendre en compte le déficit, tout en répondant à des attentes réelles des Français sur le pouvoir d’achat ou l’efficacité des services publics. C’est peut-être inatteignable. »

Dissolution en vue ?

« Je crois qu’on n’échappera pas à une nouvelle dissolution. On peut avoir un régime qui pendant quelques mois affronte la tempête en faisant le gros dos, mais cela ne résout pas le problème de l’absence de majorité, et d’une chambre tout de même ingouvernable. Je ne vois pas d’autre issue qu’une dissolution dans un an. Et il est très probable qu’on remettra à la présidentielle un certain nombre des dossiers les plus difficiles, comme la réforme des retraites, pour que ce soit les Français qui tranchent le nœud gordien »

Florence Chédotal