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Сентябрь
2024

Quatre morts lors d'une fusillade dans un lycée aux États-Unis : un expert décrypte le profil de ces "tueurs nés"

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Au lendemain de la fusillade tragique qui a frappé mercredi 4 septembre 2024 le lycée Apalachee en Géorgie (États-Unis), Alexandre Rodde, chercheur spécialisé dans l’étude des tueries de masse, revient sur ce phénomène alarmant. Auteur de Passage à l’acte - Comprendre les tueries en milieu scolaire paru en 2020 (éditions Kiwi), l'universitaire décrypte les causes de ces événements et analyse pourquoi les établissements scolaires aux États-Unis sont si souvent la cible de telles attaques.

Quelle a été votre première réaction en apprenant ce qui s'est passé dans ce lycée en Géorgie ?

Je me suis dit : le phénomène reprend. Chaque année, il y a beaucoup de fusillades de masse aux États-Unis — l’année dernière, il y en a eu environ 600 — mais une trentaine d'entre elles atteignent le seuil de tuerie de masse. Parmi ces tueries, la majorité ont lieu dans des contextes familiaux. Les événements comme celui qui a eu lieu dans cet établissement en Géorgie, dans un espace public, sont plus rares. On en compte généralement autour de sept à dix cas par an. 

Cette année, on avait constaté une réduction du nombre de tueries de masse. Ce qui vient de se passer en Géorgie marque une reprise du phénomène. Cela faisait presque un an et demi qu'il n'y avait pas eu de tuerie de masse en milieu scolaire. 

Est-ce que cette fusillade ressemble à celles que l’on a déjà vues dans d'autres écoles ?

Oui, cela semble être le cas, même si les détails sont encore limités puisque l'enquête est en cours. Ce que nous savons pour le moment, c'est que l'attaquant était un élève qui présentait déjà des signes inquiétants, comme c'est souvent le cas aux États-Unis. Il avait accès à une arme qu'il n’aurait pas dû avoir, et la manière dont l'attaque a été menée, avec une entrée dans l'école suivie de coups de feu contre des élèves et des enseignants, est similaire à d'autres attaques précédentes.

Dans votre livre, vous mentionnez l'apparition de ce phénomène dans des pays où cela était rare auparavant, comme le Brésil, le Mexique, la Russie ou même la France. Est-ce qu’il y a une forme de contagion ?

Oui, il y a une forme de contagion. Nous avons observé le premier cas de tuerie de masse en milieu scolaire en France en 2017, avec la fusillade de Grasse. Il y a eu huit blessés, dont quatre par balles. Le tireur, un adolescent, voulait clairement reproduire un événement comme celui de Columbine, aux États-Unis. Il voulait faire un "Columbine français". Depuis, ce phénomène s'est répandu dans d'autres pays. En Russie, par exemple, il y a eu plusieurs cas à Kazan, Moscou, et Perm, ainsi qu’en Crimée. En Allemagne aussi, ce phénomène est devenu plus fréquent.

Quelles sont les principales motivations des jeunes qui commettent ces attaques en milieu scolaire ?

Les psychologues ont identifié trois grands types de tireurs en milieu scolaire. Le premier type est celui des tireurs à tendance psychopathique, qui cherchent à détruire le maximum de vies et de biens. Ils veulent marquer les esprits, comme les auteurs de la fusillade de Columbine (NDLR, deux élèves, Eric Harris et Dylan Klebold, ont tué douze élèves et un professeur, et blessé plus ou moins grièvement vingt-quatre autres élèves, dont trois qui tentaient de fuir le 20 avril 1999 à l'école secondaire Columbine (Columbine High School située à Columbine près de la ville de Littleton, dans le comté de Jefferson, dans l'État du Colorado aux États-Unis) qui envisageaient même de détruire toute la ville d'à côté, puis l'État. Le second type est celui des tireurs schizo typiques, souvent des jeunes souffrant de troubles mentaux graves, qui voient la fusillade comme un dernier acte de leur vie. Enfin, il y a les tireurs traumatisés, issus de milieux sociaux très difficiles, qui ont souvent été victimes de violences physiques ou sexuelles, et qui voient la fusillade comme une forme d'échappatoire.

Pourquoi les États-Unis sont-ils particulièrement touchés par ces fusillades en milieu scolaire ?

La grande disponibilité des armes à feu est un facteur clé. Aux États-Unis, il y a un accès beaucoup plus facile aux armes, ce qui facilite ce genre d'attaques. De plus, ces fusillades sont devenues une sorte de "script social", un modèle que certains jeunes en difficulté choisissent de suivre.

Êtes-vous inquiet quant à la prolifération de ce type d’attaques en France ?

Lorsque j’ai écrit mon livre en 2020, nous n’avions connu qu’un seul cas de tuerie en milieu scolaire en France, celle de Grasse. Depuis, plusieurs tentatives d’attaques ont été déjouées, comme à Montpellier en 2019 et au Havre en 2021. Même si ces attaques restent rares en France, il y a une vigilance accrue, et plusieurs tentatives en milieu scolaire ont été empêchées grâce à des signalements. Le phénomène reste très rare, mais il semble en augmentation, en France en tout cas. 

Recueillis par Nicolas Faucon