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Réguler le prix de vente de l’électricité sans égard à son prix de revient et à la marge producteur

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C’est manifestement ce que cherche à faire une archéo-administration de l’économie n’hésitant pas à falsifier le concept d’équilibre offre-demande et à maquiller le coût exorbitant d’un appareil de production électrique devenu antiéconomique. Pour cette administration, l’accès au prix bas de l’électricité est avant tout un droit opposable par quiconque, auquel l’État est prioritairement tenu de répondre coûte que coûte, et non la conséquence heureuse de la pratique économique et industrielle rationnelle qu’il a le devoir de promouvoir. Non seulement notre gouvernement se prétend capable d’accomplir cette mission supérieure sans bafouer les exigences élémentaires de ladite pratique, mais il laisse cyniquement croire à la légitimité de la décorrélation entre prix de vente et prix de revient du KWh pour y parvenir.

 

Quelle qu’en soit la forme, le principe ARENH doit survivre

En novembre dernier, sourd aux prières du principal industriel détenant la compétence en la matière, le socialisme aux affaires a décidé de la « nouvelle régulation » du prix de l’électricité promettant aux Français une baisse de 10 à 15 %, dès février 2025, que la non moins socialiste opposition RN s’est empressée de porter à 30-40 %, en cas d’accession au pouvoir. L’inénarrable Commission de Régulation de l’Énergie (CRE), dont le député Jean-Philippe Tanguy demande à juste titre la suppression, proposait quant à elle de tordre le bras d’EDF en arrimant ladite régulation à un prix de référence de 60 euros le MWh, auquel, Dieu merci, le pouvoir n’a pas souscrit en s’en tenant aux 70 euros proposés par le PDG Luc Rémont.

Après huit mois de « test » d’un schéma réputé prendre la suite de l’inique ARENH, le gouvernement Attal se rend à l’évidence que le procédé n’a aucune chance de fonctionner et qu’il y a lieu de trouver autre chose pour baisser le prix de l’électricité à nos entreprises. L’option privilégiée consisterait à laisser EDF signer des contrats de long terme avec ses concurrents (!) et avec les entreprises, ce qu’elle pratique déjà avec un succès plus que mitigé pour la santé de l’opérateur historique. Car, si ce dernier est parvenu à décrocher quelque 1600 contrats au prix de référence d’environ 70 euros le MWh, c’est au prix de 60 euros garantis sur dix ans que des consommateurs intensifs comme Arcelor-Mittal-Dunkerque, ou GravitHy-Fos-sur-mer ont décroché la timbale.

Conscient qu’EDF 2024 n’a pas les moyens d’investir dans de nouveaux réacteurs tout en baissant les prix du KWh, un Luc Rémont désormais placé sous la férule d’un État profond ne craignant plus d’agir à visage découvert devrait rechigner à donner dans des pièges commerciaux aussi grossiers. Car, dépossédée de ses politiques tarifaire et industrielle par un gouvernement sous influence, rien ne garantit à l’entreprise la capacité d’honorer des productions exagérément différées, ni celle d’échapper aux probables dédommagements prévus dans ces contrats léonins, en cas de défaillance.

De toute façon, ces garanties ne sauraient être apportées par les contrats pour différence envisagées avec l’accord de la Commission européenne, semblables à ceux conclus avec le gouvernement britannique pour l’exploitation de la centrale EPR d’Hinkley Point. Certes, ils permettent de vendre l’électricité à un prix stable et régulièrement revu sur la base des coûts de production, mais tant que la falsification de ces derniers restera la prérogative du principal inspirateur de l’État profond, la CRE, non seulement la détermination de ce prix restera aux mains d’un gouvernement de percepteurs, mais la marge tolérée à l’entreprise EDF restera outrageusement mesurée.

 

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La supercherie d’une surcapacité de production conduisant à des prix négatifs du MWh

Allez savoir pourquoi les hérauts de la régulation à tout crin ne prônent pas davantage de l’orienter vers ce qui déclenche le providentiel mécanisme marchand d’un contrôle des prix dont le consommateur ne profitera jamais ! Mi-juin 2024, par exemple, une France réputée produire trop d’électricité à certaines heures de faible demande, selon Bloomberg, a vu son mégawattheure électrique se négocier à – 5,76 euros sur le marché de gros, le prix négatif le plus bas atteint depuis quatre ans.

En spécialistes avisés, d’aucuns, chez les observateurs, se croient autorisés à en déduire que la production française d’électricité se porte bien, notamment du fait que la part des énergies renouvelables ne cesse d’y croître. De 14 % du total pour l’éolien et de 10 % pour le solaire, soit déjà 24 % en tout, cette puissance non pilotable de notre parc de production sera en effet passée à 34 % en 2028, 17 % pour l’éolien – dont 3 % offshore – et à 17 % pour le photovoltaïque.

Nullement interrogée par la décision d’arrêter Golfech 2, Cruas 2 et Tricastin 1 sur la période, quand l’essentiel de KWh renouvelables seulement à leurs heures inondait de force le système électrique, la Bourse européenne de l’énergie va même jusqu’à pronostiquer une baisse de 28 % du prix de l’électricité française pour 2025. Français, soyez attentifs à vos factures de fin d’année, car, au 1er semestre de 2024, le nombre d’heures de vente de l’électricité à prix négatif a été de 233, contre 53 en 2023 !

Et, de fait, le graphique ci-dessous élaboré par l’association Sauvons Le Climat dit mieux qu’un long discours combien la puissance de notre parc électronucléaire est contrainte de faire du yoyo quand il y a du vent et du soleil, jusqu’à devoir diminuer de moitié. Hélas, tôt ou tard, un tel régime de production imposé se révèlera intenable, ne serait-ce qu’à cause d’un coût de la maintenance nucléaire tendant à devenir prohibitif et, surtout, à cause de la génération d’un volume non moins prohibitif d’effluents liquides par ce suivi de charge outrancier.

Dès 2019, le n°84 de la Lettre géopolitique de l’électricité alertait sur le bilan des conséquences néfastes d’un investissement public toujours plus abusif dans des parcs éolien et photovoltaïque dont la production dite fatale doit trouver à chaque instant son exutoire, quel qu’en soit le prix à payer par la collectivité. Or, c’est plus encore à n’importe quel prix que, le plus clair du temps, le système électrique doit s’accommoder de l’absence partielle ou totale de cette production largement putative. Non seulement une telle dérive n’a jamais cessé de s’aggraver mais, cinq ans plus tard, le loisir dont jouit une incurie généralisée de planifier à discrétion ses aberrations socio-économico-industrielles reste intact.

On ne retiendra que les éléments suivants dudit bilan, à mettre en perspective du fait que, occupant 24 % de la puissance totale du parc, éolien et photovoltaïque pourtant prioritaires n’en produisent que 14 % des KWh :

  • En 2017, 95 % des investissements énergétiques de l’Union européenne – soit 38,8 milliards de dollars sur 40,9 – bénéficiaient à un solaire et à un éolien qui, depuis, n’ont cessé d’en truster 96 % dans tous les programmes.
  • Il apparaît une grave contradiction entre la baisse des coûts de production du solaire et de l’éolien et l’augmentation des factures d’électricité. Un périodique économique fort connu a pu écrire : si solaire et vent sont si bon marché, pourquoi fabriquent-ils une électricité si chère ?(Forbes-23/4/2018. « If solar and wind are so cheap, why are they making electricity so expensive? »). La réalité, aujourd’hui, est que les factures d’électricité sont lourdement grevées par les [considérables] aides aux renouvelables et que la baisse [relative] de leurs coûts de production n’a pas stoppé les hausses appliquées aux consommateurs. L’industrie allemande n’a résisté que grâce à des dégrèvements sur les taxes [finançant les] renouvelables de l’ordre de 2 à 3 milliards d’euros par an.

 

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Les Anglais le savent mieux que quiconque dont le gestionnaire du réseau, National Grid ESO, s’exclamait « It’s wind o’clock ! », le 9 août 2019, pour annoncer fièrement le record établi par la production éolienne dont venait de l’informer RenewableUK : 47,6 % de la production britannique ! Hélas, au même moment, la foudre provoquait une panne de routine sur le système national de transport d’électricité, dont le traitement aurait été sans conséquence sur tout système orthodoxe, ce que n’était manifestement pas celui-là. Tandis que l’incident initial était corrigé en 80 millisecondes, des ruptures en cascade s’ensuivirent sous l’action de protections fréquence et tension très susceptibles, conduisant de loin en loin au délestage de 1130 MW, une seconde après le coup de foudre. Résultat : plus d’un million de Britanniques pâtirent de cette perte de production, de même qu’aéroport, trains, distribution d’eau et hôpitaux dont celui d’Ipswich qui perdit ses générateurs de secours.
L’Office gouvernemental britannique pour le marché de l’électricité et du gaz (Ofgem) expliqua ainsi les causes de cette panne géante :

« L’inertie est une forme de réponse en fréquence qui est intrinsèquement fournie par une grande installation rotative, synchronisée avec le système.Lorsque la fréquence du système chute, ces générateurs ralentissent. Leur énergie de rotation stockée est automatiquement transférée au système électrique. L’inertie totale du système aide à contrecarrer les changements de fréquence du système. »

Ajoutant :

« Nous considérons que l’ESO devrait garantir une inertie du système suffisante pour gérer les variations de fréquence conformément à ses obligations, et éviter un effet domino de pertes de production distribuées ».

Ce que l’Ofgem appelle inertie des installations est la faible pente de la droite de statisme schématisée ci-dessous, constituée des points de fonctionnement – des couples fréquence-puissance – de toute machine tournante consommant une énergie stockée. Étranger aux énergies éolienne et photovoltaïque subies, le concept de statisme s’applique également à un ensemble de machines dont il caractérise le réglage dit primaire. Toute perturbation réseau donne ainsi lieu au déplacement linéaire automatique d’un point de fonctionnement individuel ou collectif se stabilisant rarement à 50 Hz. Doit alors intervenir le réglage secondaire dit fréquence-puissance consistant à fournir ou à retirer aux machines le différentiel de puissance ΔP les amenant à un point de fonctionnement à 50 Hz différent du précédent, par déplacement de la droite de statisme parallèlement à elle-même.

Ces réglages de la puissance active, auxquels l’éolien est inapte, sont indispensables au maintien de la stabilité d’un système électrique. Le réglage de la tension l’est tout autant, auquel l’éolien n’est pas plus apte, incapable de fournir ou d’absorber la puissance réactive requise. Aussi, lorsque ce dernier entre pour près de 50 % dans une production électroénergétique, imagine-t-on sans peine à quoi peut conduire une perturbation de la fréquenceet/ou de la tension du système, tout désordre affectant l’une laissant rarement l’autre indifférente.

 

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Comment permettre au pays d’accéder à une électricité réellement moins chère ?

Tant que les Français n’admettront pas et ne feront pas valoir que la transition énergétique ne peut pas être celle qu’on leur vend à prix d’or depuis trop longtemps et que l’approvisionnement électrique du pays est avant tout une affaire nationale, leur électricité ne peut que rester chère, voire de plus en plus chère. Au demeurant, s’ils y étaient décidés, quel gouvernement et quel parlement réellement décisionnaires pourraient-ils saisir avant longtemps la salutaire prise de conscience, voire mettre efficacement en demeure de reconsidérer complètement la politique énergétique nationale ?!

La socio-économie française erre désormais sur un bateau ivre dont l’équipage et les passagers commencent tout juste à réaliser qu’ils ont eux-même saboté la propulsion.