L'heure de la rentrée a sonné pour Ruffin, qui espère éviter une traversée du désert
François Ruffin s'est fait discret pendant l'été. Évoluant dorénavant loin des partis, avec sa seule micro-formation Picardie Debout, il est ainsi l'une des rares figures de gauche à ne s'être toujours pas affichée avec Lucie Castets.
Selon l'entourage de la candidate de la gauche à Matignon, elle a bien été invitée au "meeting festif" du député samedi, mais n'est pas sûre de pouvoir s'y rendre.
Sa rentrée, François Ruffin l'organise à Flixecourt, dans sa circonscription, où il a été difficilement réélu en juillet face à une candidate RN.
Une victoire au prix de son divorce, fracassant, avec La France insoumise et Jean-Luc Mélenchon, dont François Ruffin s'était déjà éloigné depuis quelque temps.
"Un désaccord profond, électoral et moral, s'est installé, enkysté, et a pourri depuis deux ans. Il ne pouvait qu'éclater", a-t-il expliqué cette semaine à Libération.
Avec ses collègues Clémentine Autain, Alexis Corbière, Hendrik Davi et Danielle Simonnet, réélus comme lui, l'ancien journaliste a quitté le groupe insoumis à l'Assemblée pour rejoindre celui des écologistes.
François Ruffin comptait entraîner dans son sillage d'autres députés insoumis proches de lui, comme Damien Maudet et Christophe Bex - qui avait même annoncé pendant l'entre-deux tours qu'il suivrait son collègue de la Somme là où il irait.
En vain.
- "Dur" de partir -
"Nous, on était convaincus que Ruffin avait une assise et que plusieurs députés partiraient avec lui. Il avait pourtant un capital sympathie auprès d'environ 25 d'entre eux", pose un cadre insoumis.
"C'était hyper dur pour eux de partir", regrette pour sa part un des anciens frondeurs.
Car au moment de la constitution des groupes, LFI et le PS bataillaient pour savoir qui aurait le plus gros groupe à l'Assemblée. Une situation dont on pensait alors qu'elle permettrait de choisir le candidat de la gauche pour le poste de Premier ministre.
"Ca n'a pas poussé les camarades à partir", soupire l'ancien frondeur.
Surtout, François Ruffin et les anciens Insoumis espéraient initialement rejoindre le groupe communiste.
Mais, selon plusieurs députés, la présidente de La Réunion Huguette Bello, proche des Insoumis et dont le soutien était convoité en raison de son influence auprès des élus ultra-marins, avait interdit au groupe communiste d'accueillir les anciens "frondeurs".
"Il a perdu ses nerfs"
Pourtant, le choc de la dissolution de l'Assemblée pas encore digéré, François Ruffin avait insufflé une dynamique à gauche en proposant très rapidement la création d'un nouveau "Front populaire" pour lutter contre l'extrême droite aux législatives.
Une sortie "pile poil au bon moment" saluait alors un frondeur Insoumis, alors que l'élu de la Somme bénéficiait d'une solide aura à gauche, puisqu'il était perçu comme l'un des plus petits dénominateurs communs du NFP, une personnalité capable de rassembler derrière elle.
"C'est sûr que son arrivée n'est pas à la hauteur de son départ pendant cette séquence", reconnaît un autre de ses proches.
"Il ne fallait pas braquer les militants LFI", ajoute cette même source. "Mais sept personnes sur 10 lui parlaient de Mélenchon" de manière défavorable en porte-à-porte, dit-il, ce qui a poussé le réalisateur de "Merci Patron!" à qualifier le fondateur de LFI, dont il fut un temps proche, de "boulet" et "obstacle" à la victoire.
"Ruffin a perdu ses nerfs", estime le cadre insoumis, qui juge que les sorties du partisan de l'union des bourgs et des tours étaient "improvisées" et mal calibrées.
L'intéressé a au contraire estimé par la suite que ses déclarations lui avaient fait "gagner des voix par centaines".
Reste à savoir de quoi l'avenir sera fait pour lui.
"Ruffin va se taper une petite traversée du désert. Bon il l'a un peu cherchée en même temps", note un élu insoumis qui n'a pas coupé les ponts avec le Picard. "Mais il reviendra d'une manière ou d'une autre, c'est comme ça la politique", ajoute-t-il.
Constat partagé par le proche du fondateur de Picardie Debout: "ça reste une figure populaire à gauche. Et il parle aux gens en dehors des cercles militants".