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Август
2024

"Au début, il y eut un cheval qui parle..." : de l'Alsace à l'Allier, leur histoire est digne d'un conte

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Au commencement, un coup de foudre inattendu

Que se serait-il passé si Claude n’avait pas parlé à Gamino ? Si, un jour du début des années 2010, aux côtés de son cheval, il avait mis le cap vers l’ouest plutôt qu’au centre ? Tout un hameau de Ferrières-sur-Sichon aurait-il fini par prendre l’accent alsacien ?Pas si sûr, à vrai dire. Car vu d’Alsace, l’Allier, c’est loin. Un genre de terra incognita. Mais Claude Bonnot, cavalier-voyageur, a donc parlé à son cheval. Qui lui a dit d’aller vers le Massif central. Et qui l’a finalement mené sur les rives du Sichon. Depuis, Claude n’a plus bougé. Il n’est pas le seul : c’est une véritable communauté venue du Haut-Rhin qui s’est établie là, sur les hauteurs de la Montagne bourbonnaise, avec vue imprenable sur le ballon d’Alsace. Pardon : sur le Puy-de-Dôme.

Après quatre ans de travaux, Florence et Mickaêl ont pu ouvrir la maison d'hôtes de leurs rêves.

Une communauté ? Une vraie troupe de joyeux lurons, en tout cas. Dont l’histoire est semblable à celle d’un joyeux conte. Au commencement, il y eut Claude, donc, dès 2013. Lui, le cavalier écrivain (auteur du livre J’en ai parlé à mon cheval… et il m’a répondu, NDLR.) est passé par l’Allier un peu par hasard. En quête d’une terre nouvelle où s’établir, la soixantaine franchie, il est tombé sous le charme de ce hameau de Mounier Haut, à Ferrières.

Et puis, un rêve devient réalité  

La suite, c’est Florence, sa fille, qui la raconte : « Comme mon père avait trouvé et apprécié cet endroit, il nous l’a montré, à moi et à mon compagnon. Nous aussi, on avait pour projet de s’installer quelque part en France pour créer une chambre d’hôtes, mais sans vraiment savoir où. On en a vu, des biens à vendre (rires). Mais en arrivant ici, à Ferrières, on a tout de suite été séduit par le lieu. Et puis, les prix de l’immobilier étaient plus accessibles qu’en Alsace ».

Les logements insolites sont particulièrement prisés des clients du Grand Roc. Alors, en famille, tout ce beau monde a acheté un hameau de 44 hectares. Une partie serait pour Claude, le papa, avec sa conjointe Brigitte. L’autre, pour Florence et son compagnon Mickaël, jeunes trentenaires qui y ouvriraient le gîte de leur rêve. Ce qui fut fait en 2017, après de longs travaux. « Car quand on est arrivé, notre maison, c’était juste une étable », rembobine Mickaël. « On a dû tout refaire, par nous-mêmes, sauf pour les travaux les plus compliqués. Heureusement, on a les copains et la famille qui ont aidé. »

Des copains qui deviennent des voisins

De nombreux compagnons de travaux, notamment venus d’Alsace, qui eux-mêmes ont fini par être charmés par le site. À l’image de Matthieu et Mathilde, qui se cherchaient un point de chute après un tour du monde… à vélo les ayant menés jusqu’en Australie. « Après ce voyage, on a fait une formation pour devenir chevriers », restitue Matthieu. « On a eu des expériences en Haute-Savoie, dans l’Ardèche. Et puis on a décidé de venir s’installer ici, en rachetant une ancienne ferme abandonnée. »C’est là, depuis six ans, à la ferme de la Gièze, que Matthieu et sa compagne élèvent près de 80 chèvres, produisant jusqu’à 500?crottins par jour, les mois de forte demande. « On vend nos produits sur les marchés, à Ferrières, Saint-Just-en-Chevalet, Noirétable. On a aussi des points de dépôts jusqu’à Cusset », précise le fromager, qui a même récemment acquis… des cochons. « Et ça a été une vraie émotion de faire mon premier saucisson sec », sourit celui qui se fait une joie d’habiter à deux pas de ses copains, Florence et Mickaël. Il y a mieux : même sa mère Catherine a fini par le rejoindre, avec son compagnon Bernard, ouvrant un gîte du côté du village voisin de La Guillermie.

Matthieu, un ami alsacien a fini par rejoindre ses amis en devenant chevrier.Mais cette communauté venue d’Alsace n’était sans doute pas encore assez grande : le frère de Florence, Benoit, a aussi fait le trajet depuis l’est de la France. Ainsi que Florian, un ami de Mickaël. De quoi former une joyeuse bande, donc, rejointe depuis par Léo et Julia, les enfants de Florence et Mickaël, qui sont eux nés… à Vichy. Et qui n’ont donc pas vraiment l’accent alsacien.Un accent dont leurs parents, eux, gardent évidemment des restes. « On le retrouve surtout quand on parle entre nous, ou quand on va en Alsace », relève Florence. Même si ces retours dans leur terre d’origine ne sont plus si fréquents.

Mais dans ce cadre idyllique, il faut aussi travailler

Car il y a de quoi faire, dans un hameau transformé en vrai petit village dont le gîte du Grand Roc est l’épicentre : il y a là cinq chambres d’hôtes (vouées à devenir un gîte de groupe dès la fin d’année), six emplacements de camping, trois logements insolites, une piscine, une aire de jeu, et même… une piste d’ULM. Et ce petit paradis en a vu passer, du monde, cet été. « On a des gens qui sont de passage, d’autres qui restent quelques jours, c’est varié. On a aussi des groupes qui viennent, pour des réunions familiales ou de travail. Et on a des cavaliers, bien sûr. » Des hôtes qui tous apprécient la grandeur du lieu, ses murs de pierre garnis de fleurs, et cette vue, imprenable, sur les volcans.

« Pour s'intégrer, au départ, c'était un peu compliqué. Surtout que les enfants n'étaient pas encore à l'école. Mais peu à peu les gens ont vu qu’on était là pour travailler »

Un décor idyllique, surtout, pour une famille et des copains qui ne regrettent pas d’avoir choisi l’Allier pour terre d’accueil. « L’architecture est différente en Alsace, avec les maisons à colombage », sourit encore Florence. « Mais désormais, je pense que je préfère les paysages d’ici. On ne regrette pas d’être venus. Par contre, quand on a des copains d’Alsace qui viennent, ils sont parfois surpris. Eux, c’est des citadins, ils ont l’habitude d’aller chercher le pain à pied (rires). Nous, les courses, c’est au Mayet ou à Vichy. »

Du haut de leur domaine, la joyeuse troupe a une vue imprenable sur la plaine et sur les volcans.

Et ils vécurent heureux... 

Mais cette vie au rythme de la campagne, le couple, tout comme leurs proches, ne l’échangeraient aujourd’hui pour rien au monde, eux dont l’intégration au territoire est désormais totale. « Au départ, c’était un peu compliqué, d'autant que les enfants n'étaient pas encore à l'école, or ça permet de créer du lien  », note Florence. « Mais après, les gens du coin ont vu qu’on était aussi là pour travailler. Et ils sont contents de voir qu’on a redonné de la vie à des lieux abandonnés », poursuit Matthieu. De la vie, et une âme aussi. À l’accent encore un peu alsacien, mais au cœur désormais bien bourbonnais.

Pierre Geraudie

Photos François-Xavier Gutton