VoltR, la start-up qui offre une seconde vie aux batteries au lithium
" Au départ, VoltR n'était pas une idée d'entreprise ", confie l'entrepreneur Alban Regnier. La start-up angevine fondée en 2022 est en réalité née d'une rencontre entre le fondateur et PDG d'Okamac, entreprise spécialisée dans le reconditionnement d'ordinateurs Apple, et Barbara Pompili, alors ministre de la Transition écologique. Au moment de sa rencontre avec la ministre, la société d'informatique d'Alban Regnier marche à plein régime : une centaine de salariés, 45 millions d'euros de chiffre d'affaires, une place dans le classement French Tech 120... " En échangeant avec elle, j'en ai profité pour lui soumettre l'idée que la France soit la tête de proue de la structuration d'une filière de reconditionnement de batteries au lithium, à l'échelle européenne, se remémore-t-il. Ce serait une belle image pour la France à envoyer à ses partenaires, car il y a derrière des enjeux de souveraineté, mais aussi des enjeux économiques et écologiques ". A cet instant, le trentenaire ne se doute pas que son idée s'apprête à se concrétiser. " Barbara Pompili a trouvé l'idée très intéressante et m'a encouragé à la réaliser. Mais j'étais déjà à la tête d'une entreprise très rentable ", souligne le dirigeant, convaincu " qu'un projet d'une telle ampleur relevait plutôt de la force de frappe d'un Etat. "
VoltR, une startup industrielle française spécialisée dans le reconditionnement de batteries au lithiumC'était sans compter sur l'insistance de la ministre et de ses collaborateurs, qui mettent aussitôt à disposition des fonds pour conduire une étude faisabilité et financer les premières machines. " Mais je n'étais toujours pas intéressé ", relate l'entrepreneur. Cependant, la presse ne va pas tarder à faire son entrée dans la danse : " des journalistes m'ont approché en me demandant de parler des batteries, alors que je n'en savais pas grand-chose. J''ai commencé à recevoir des tas de mails de gens importants prêts à me soutenir dans ce projet. Ça a logiquement commencé à me trotter dans la tête ", reconnait Alban Regnier. Habité par l'envie d'avoir plus d'impact, le PDG d'Okamac, qui murissait jusqu'alors un projet de reconversion dans l'agriculture, décide de sauter le pas - sans se hâter pour autant. " Je ne voulais pas aussitôt abandonner mon entreprise. Je me suis dit que, pendant un an, j'allais incuber VoltR au sein d'Okamac. J'ai embauché trois ingénieurs pour l'étude de faisabilité technique et deux chargés de projet pour la faisabilité économique. " Six mois plus tard, les résultats s'avèrent plus que concluants : " ils avaient réussi à faire une batterie de vélo plus performante qu'une neuve grâce à des batteries de MacBook récupérées dans nos poubelles. " Convaincu par le potentiel d'une telle entreprise, il décide finalement de vendre Okamac pour se focaliser à 100 % sur ce nouveau projet résolument ancré dans l'économie circulaire.
La solution VoltR : reconditionner les batteries grâce à l'IA pour assurer la souveraineté nationaleLe reconditionnement des batteries en fin de " première vie " s'avère donc non seulement crucial pour la transition écologique et énergétique, mais également pour la souveraineté et économique de la France. " 94 % des batteries qu'on importe sur le sol européen viennent d'Asie ", majoritairement de Chine, rappelle Alban Regnier. D'autant que les batteries envoyées au recyclage conservent généralement 80 % de leurs capacités de stockage en énergie, soit un immense gisement à portée de main trop largement ignoré. " Il faut empêcher que ce gisement de batteries, qui est un des plus importants au monde, ressorte d'Europe, défend à-bras-le-corps l'entrepreneur. Si ces batteries sont déjà là, pourquoi ne pas les réutiliser plusieurs fois ? " La jeune pousse angevine travaille dès lors sur la valeur résiduelle de ces batteries et ce " jusqu'à épuisement de la valeur ". Mais comment atteindre voire surpasser les performances du neuf avec des batteries de seconde vie ? La solution de VoltR consiste à appliquer un escalier de performance : si une batterie de MacBook arrivée à 80 % de valeur résiduelle n'est plus considérée comme performante, celle-ci peut néanmoins l'être pour un autre type d'équipement (vélo, trottinette, scooter, etc.) moins gourmand en densité d'énergie volumique. C'est ainsi que la deeptech est parvenue, pour son premier prototype, à " concevoir une batterie de vélo plus puissante que le neuf à partir de batteries de MacBook à 70 % de leur état de santé. " Et ainsi de suite : une batterie de vélo à 80 % servira à créer une batterie neuve pour une perceuse, qui elle-même pourra plus tard servir de batterie neuve pour un luminaire, etcetera. " La grande force de VoltR, c'est de savoir tirer des fils entre une fin de première vie et un début de seconde vie ayant une demande en performance correspondant à la fin de la première ", constate Alban Regnier, qui explique avoir recours à l'intelligence artificielle afin de caractériser plus finement les batteries récupérées et prédire leur fin de vie. " Sans IA, VoltR n'existerait pas ", avoue-t-il.
Economiser 1 % de l'empreinte carbone totale de la France d'ici 2030 grâce au reconditionnement des batteriesExclusivement positionnée en BtoB, la deeptech s'adresse à tous types d'entreprises et travaille sur tout type de batterie, à l'exception des voitures. La société d'Alban Regnier abrite déjà dans son portefeuille une quarantaine de clients, dont Leroy Merlin, Scania, Somfy ou encore Famoco. Pour s'approvisionner en batteries, VoltR peut à la fois compter sur les stocks de ses clients, mais également sur les deux éco-organismes agréés - Screlec et Corepile - qui gèrent la collecte et le recyclage des piles et accumulateurs portables, ainsi que des recycleurs historiques tels que Paprec, Veolia, Suez et consorts. " L'idée est de travailler les flux de masse et de récupérer un maximum de ces batteries qui sont encore utilisables, détaille le chef d'entreprise. On estime qu'aujourd'hui 70 % des batteries qu'on jette peuvent être réutilisées ", y compris des batteries neuves importées sur le sol européen mais jamais utilisées - celles-ci constituent d'ailleurs entre 30 à 40 % du flux entrant de batteries de la start-up. " L'impact écologique qu'on estime pouvoir avoir sur ce projet est faramineux et nous motive quotidiennement ", souligne à juste titre Alban Regnier. Pour se faire un ordre d'idée, ce dernier estime que si son entreprise parvient à remplir ses objectifs d'ici 2030, c'est jusqu'à 1 % de l'empreinte carbone totale de la France qui pourrait être économisé. L'entrepreneur milite ainsi pour développer au maximum la filière du recyclage et s'assurer d'utiliser les batteries jusqu'au bout. " Même une batterie à 0 % de valeur résiduelle a toujours ses métaux constitutifs, constate-t-il. Or, à partir du moment où l'on extrait et raffine ces métaux, on peut refaire une nouvelle batterie. " D'où l'intérêt, pour la start-up, de travailler main dans la main avec les acteurs de la filière du recyclage et tendre vers un stockage de l'énergie éco-responsable.
Une deeptech accompagnée par Bpifrance qui ne manque pas d'ambitionsDans son développement, VoltR a pu notamment s'appuyer sur l'accompagnement prodigué par Bpifrance pour se structurer et optimiser sa croissance. " On a très vite compris qu'on était une activité industrielle à fort potentiel de développement, de croissance et d'impact. Il fallait qu'on s'entoure des meilleurs experts et qu'on soit aidé ", témoigne le PDG. Dans cette optique, la deeptech décide d'intégrer un Accélérateur, programme phare de l'Accompagnement de Bpifrance. Celui-ci permet aux dirigeants de structurer leur entreprise et d'accélérer leur développement grâce à un suivi intensif et sur-mesure de 12 à 24 mois alliant conseil, formation et mise en réseau. VoltR a ce faisant rejoint, en avril dernier, la 4e promotion de l'Accélérateur Néo Startups Industrielles. " On a toujours eu en tête cette volonté d'être utile à la société, donc d'intégrer des capitaux publics. Pour nous Bpifrance était un acteur nécessaire ", ajoute Alban Regnier, qui confie avoir un temps rêvé de nationaliser VoltR lors de la naissance du projet, avant de se rendre compte des difficultés inhérentes à une telle idée. Le dirigeant optera plutôt pour l'ouverture de la société en SAS, " mais avec l'idée d'avoir du capital public dès le début, précise-t-il. De toutes les offres d'incubateurs qui se présentaient à nous, l'Accélérateur était celle qui avait le plus de sens, par son expertise, sa reconnaissance et le fait que ce soit Bpifrance qui le porte. "
La jeune pousse, membre de la communauté du Coq Vert (lancée par Bpifrance en partenariat avec l'ADEME et le Ministère de la Transition écologique), est aujourd'hui bien déterminée à passer à l'échelle. Après une première levée de fonds en amorçage de 4 millions d'euros lui ayant permis de prouver l'efficacité de sa solution, la start-up angevine, sursollicitée par les investisseurs, peut d'ores et déjà espérer une levée de fonds supplémentaire largement au-delà de ses attentes. Celle-ci devrait cette fois se situer autour de 50 millions d'euros et permettra à VoltR d'ouvrir sa première usine de 5 000 m2 ainsi que d'automatiser l'ensemble de son process. A horizon 2030, la deeptech projette d'ouvrir trois usines dans trois pays européens, articulées à cinq sites de stockage de batteries, afin d'atteindre les 60 millions de cellules reconditionnées par an et les 150 millions d'euros de chiffre d'affaires. " L'ambition, c'est de devenir leader du reconditionnement des batteries au lithium en Europe. Toutes nos prises de décision tournent autour des moyens de massifier et de généraliser notre solution. On est vraiment en train de de structurer ça et on se fait bien accompagner ", conclut, confiant, le PDG.
Pour l'anecdote Alban Regnier a démarré son aventure entrepreneuriale avec Okamac, à 19 ans seulement ! Alors qu'il est en première année d'école de commerce, le futur PDG de VoltR commence par reconditionner des MacBook pour gagner un peu d'argent de poche et financer ses études. A sa grande surprise, son activité va rapidement se développer et faire ses preuves. " J'ai toujours voulu devenir entrepreneur, mais je ne pensais pas l'être à 19 ans... ", reconnait-il. Avec un business plan entre les mains, il ne lui reste plus qu'à trouver une solution pour créer son entreprise. Or, la même année sera créé le statut d'auto-entrepreneur. " Je suis passé dans la légalité ! ", ironise-t-il. Précurseur sur le marché, Okamac est depuis devenu le leader mondial du reconditionnement d'ordinateurs Apple. Aujourd'hui, la société compte 150 salariés, génère 45 millions d'euros de chiffre d'affaires et fait partie du French Tech 120. Cet article a été publié initialement sur Big Média VoltR, la start-up qui offre une seconde vie aux batteries au lithium