Que symbolise le nouveau monument inauguré à Vichy ?
C’est au cœur de la cité thermale que les alliés et le maquis défilèrent, il y a 80 ans, lors de la libération de la ville. C’est désormais ici que les résistants se rappelleront à la mémoire des Vichyssois, et plus exactement, sur et aux abords de la place Charles-de-Gaulle et de l’hôtel de ville. Un choix hautement symbolique, comme le précisait lundi 26 août Frédéric Aguilera, maire de Vichy, lors de l’inauguration du nouveau monument à la Résistance et des nouvelles plaques de rue, puisqu’ils sont installés près de « cette poste, dont le rôle fut central pour choisir Vichy comme capitale, et à proximité de notre hôtel de ville, devant lequel le général de Gaulle prononça un discours le 17 avril 1959 ».
Une consécration pour les artistes vichyssoisMarion et Patrick François, couple de sculpteurs vichyssois, ont été sélectionnés par un jury composé notamment d’associations d’anciens combattants, pour réaliser l’œuvre monumentale qui s’élève dorénavant sous les cimes des arbres de la place.
« En termes de symbolique et de visibilité, faire un monument comme ça, dans notre ville… C’est une consécration, confie Patrick François. La demande était de rendre hommage non seulement à la Résistance, mais également aux résistances, car elles sont malheureusement toujours d’actualité, ainsi qu’à charles de Gaulle. C’était assez complexe ».
Le 26 août 1944, il y a 80 ans, Vichy était libérée du joug allemand
Les artistes ont pourtant répondu avec brio, en soumettant un projet qui a séduit le jury au premier coup d’œil. Composé de deux mégalithes en béton, symbolisant un mur, un rempart, une frontière… Le monument s’ouvre sur des mains qui s’enlacent. « Elles représentent la liaison du réseau de résistants, ceux qu’on appelait “les petites mains de la résistance”, mais également la tension et la solidarité durant un conflit ». L’espace entre les deux colonnes symbolise quant à lui un passage, une brèche à travers ce mur qui enferme, tout comme la scission entre celles et ceux qui, en temps de guerre, doivent faire un choix : celui de se soumettre, ou de résister.Les trois gigantesques mains qui s'enserrent sont celles des artistes eux-mêmes, moulées tout d’abord dans la cire, avant d’être coulées dans le bronze, par un atelier bordelais. « On a pris les nôtres, parce que c’est ce qu’on avait sous la main ! », sourit la sculptrice Marion François. Les cadres dentelés des plaques, également en bronze, présentes sur le monument, rappellent les bords des photographies de l’époque. Et si le bronze présente d’ores et déjà un aspect bleu-vert, c’est pour « apporter de la couleur, et de la joie ». Car cette sculpture est, certes, bâtie pour commémorer les luttes, mais également pour célébrer les résistances.
De nombreux symbolesTruffée de métaphores, l’œuvre dessine également, sur les restes d’une troisième colonne presque détruite (celle qui complète le “mur” principal derrière celle-ci), la silhouette du général de Gaulle. « Durant la Résistance, il était une voix plus qu’une personne, explique Marion François, d’où ce choix. Il est placé sur les restes de cette colonne, car il a bâti la Résistance sur les débris de la défaite ».
En rappel aux quatre notes, les célèbres « pom pom pom pom », introduisant les émissions de Radio Londres, quatre points ont été glissés, à plusieurs reprises, dans le texte gravé sur le monument. Enfin, de multiples gouttes viennent ponctuer les mégalithes de part et d’autre, comme des pulsations irrégulières du temps qui passait alors, des jours qui se comptaient en attendant la libération, des poitrines qui battaient la chamade, de peur, de surprise, d’impatience.
L’aspect minimaliste du monument donne toute sa puissance au message, et la bouleversante pièce de bronze, en trait d’union, sublime la sculpture. C’est dire le cœur que les artistes ont mis à l’ouvrage, pour réaliser le chef-d’œuvre, en quelques mois seulement.
Un hommage personnel aux résistants de sa familleCar l’hommage universel rendu aux résistances à travers celui-ci, est également un hommage intime et personnel de Patrick François, à sa famille.« Mon grand-père était un résistant infiltré, speaker à Radio Vichy. Il venait tous les jours en train d’Aubière pour collecter des informations à l’Hôtel des Nations. Mon oncle, également résistant, a été arrêté, torturé, déporté, mais il est revenu des camps. Quant à mon père, il s’est engagé à 19 ans dans un maquis des Pyrénées. Des années plus tard, il entonnait parfois le chant des partisans… ».C’est au son de cet hymne, interprété par une chorale, que le monument a été inauguré, hier matin, devant des centaines de personnes.
Texte Sandrine Gras
Photos François-Xavier Gutton