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Август
2024

Ces archives emblématiques de la libération de Moulins

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Peu à peu, la mémoire laisse place à l’Histoire. Après 80 ans, la libération de Moulins devient un lointain souvenir pour les quelques survivants. De la Seconde Guerre mondiale, dans la cité préfectorale, il ne restera bientôt que des monuments commémoratifs, des noms de rues, des photos, des livres et autres traces écrites.

Quelques-unes sont soigneusement conservées aux Archives départementales de l’Allier. « Il nous est parvenu surtout des documents datant l’Occupation, ou de l’épuration, mais finalement peu de la Libération », avertit Véronique Poupin, directrice adjointe des Archives de l’Allier, spécialiste de la guerre de 1939-45.

« C’était du délire ! On en pleurait... »

Il reste néanmoins quelques journaux. Le jour de la libération de Moulins, l’actualité de la ville n’était plus couverte par un quotidien local. La publication collaborationniste Le Progrès de l’Allier avait disparu le 20 août (à Moulins en tout cas) et ce n’est que le 11 septembre que la première édition du journal Valmy, organe d’information du Comité de Libération, est diffusé pour la première fois. Ses colonnes racontent la folle journée du 6 septembre à Moulins :« C’était du délire ! On en pleurait.]...] Bientôt tout le monde eut son ruban, sa petite cocarde, son drapeau. Jamais l’étendard national ne fut plus honoré. Les Cours, la place du Théâtre, la place d’Allier, la rue d’Allier, l’avenue Théodore-de-Banville furent envahis par une foule endimanchée, qui acclamait les autos des FFI.]...] on brûla des brochures de la propagande allemande. Et des femmes qui avaient fréquenté notoirement des soldats d’occupation, avaient les cheveux tondus. Moulins et sa région sont enfin libérés. »Archive journal Valmy à la libération de Moulins, paru le 11 septembre 1944. Archives départementales de l'Allier

En plus, bonne nouvelle, cette presse de l’époque est consultable par tout un chacun sur le site des Archives de l’Allier ! Des mois et des années plus tard, ce même journal évoquait encore la libération et l’Occupation, avec les nombreux comptes rendus de procès d’épuration de la Cour de Justice de l’Allier. Par exemple, en février 1945, une Yzeurienne était frappée « d’indignité nationale » à vie et condamnée à 20 ans de travaux forcés pour avoir dénoncé son amant à la Feldgendarmerie après une dispute, en 1942. Celui-ci détenait des armes. Il avait alors été arrêté et déporté en Allemagne. Archives journal Valmy, un compte rendu de procès d'épuration daté du 10 et 11 février 1945. Archives départementales de l'Allier

Des traces écrites des sabotages de la Résistance

Les journaux ne sont pas les seules archives qui nous sont parvenues de cette période. Certaines autres traces témoignent d’une « montée en puissance de la Résistance bourbonnaise avant la Libération ». Notamment dans les semaines qui ont suivi le débarquement en Normandie. De nombreuses attestent de sabotages contre les forces d’Occupation. Comme cette note du préfet de l’Allier, datée du 4 juillet 1944. Elle informe le secrétaire d’État à l’Intérieur, de Vichy, que la « voie ferrée du Paris-St Germain-des-Fossés a été coupée à l’aide d’explosifs à 2 kilomètres au nord de la gare de la Ferté-Hauterive », le 29 juin à 5 h 30. Une note léguée avec de nombreux autres documents de l’époque par Georges Rougeron, une figure bourbonnaise du XXe siècle.Note du préfet de l'Allier en 1944 qui évoque un sabotage de voie ferrée. Archives départementales de l'Allier

Plâtrier à l’origine, il a aussi été résistant, secrétaire départemental du Comité de Libération de l’Allier, maire de Commentry, président du conseil général de l’Allier, sénateur, et il a obtenu un doctorat en histoire. Grand collectionneur, il a laissé à sa mort, en 2003, « plusieurs mètres linéaires » de documents aux Archives, comme l’explique Véronique Poupin. 

Dans ses dossiers, on trouve aussi des tracts appelant au sabotage, des « papillons qui étaient parfois largués depuis les airs », des éditions du Franc-Tireur (l’un des journaux clandestins pendant l’Occupation, ou encore des exemplaires de l’appel du Comité départemental de libération aux citoyens, les incitant à prendre les armes, en août 1944.

Localement, bien d’autres personnalités ont légué aux Archives des documents éloquents datant de la Guerre. Dans le fonds Yvonne-Monceau (fondatrice du musée du folklore, maintenant musée de la Visitation) se trouvent des bandes dessinées de propagande antisémite éditées par l’État français. 

Apportez vos archives de la Guerre

Véronique Poupin en profite pour passer un message. Les archives départementales de l’Allier participent à l’appel national de collecte concernant la Libération et l’Occupation. Depuis début juillet, pendant le marché du vendredi matin à Moulins, un archiviste vous accueille à la Mal-Coiffée pour recevoir vos dons ou dépôts. Sinon, rendez-vous directement aux Archives départementales, au château de Bellevue, à Yzeure.

« Nous sommes particulièrement à la recherche de traces du quotidien. Par exemple des photos des queues devant les magasins, alors que la nourriture était rationnée. Ou bien des lettres envoyées ou reçues d’Allemagne à un proche qui effectuait son Service du travail obligatoire ».

Chaque document permettra d’éclairer encore davantage l’histoire locale et d’étoffer les archives, dans lesquelles viennent puiser les historiens, les professeurs et les passionnés et les curieux. À vos greniers ! 

Emeric Enaud