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Август
2024

Il y a 80 ans, la ville d'Issoire était libérée après plus de quatre ans d'occupation

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Issoire occupé, mais Issoire, bientôt libéré. Telle est la ville sous-préfecture du sud ouest du département du Puy-de-Dôme, à l’été 1944. À Issoire, comme dans de nombreuses villes encore sous le joug de l’occupant allemand, les nouvelles des succès alliés (le débarquement en Provence et la libération de plusieurs villes dans le sud), passent d’une oreille à l’autre, suscitant un vif enthousiasme et surtout l’espoir, enfin, de jours meilleurs.  Enthousiasme, mais nervosité et envie d’en découdre, encore davantage, aussi, parfois, chez les résistants et maquisards. C’est dans l’intervalle du 24 au 27 août, que se joue la grande histoire d’Issoire, en tout cas les événements qui concentrent les étapes de sa libération.Libération de la ville d'Issoire en 1944 : Entrée dans la ville. Dès le  24 août, les Allemands commencent à quitter Issoire mais la reddition n'est pas signée. Les FFI prennent toutefois leurs quartiers en ville, dès cette date et défilent en ville. Photo conservée aux archives municipales d'Issoire ; cote : 41 FI 1. Il y a tout juste 10 ans, en 2014, une lectrice de La Montagne, enfant lors des événements, intervenait d’ailleurs pour corriger la date du 27 août, présentée jusqu’alors unanimement comme celle où tout s’était joué. Erreur. En tout cas partiellement. Elle assurait alors que 

les derniers affrontements avec les Allemands s’étaient bien déroulés le 24 août, mais des accrochages ont eu lieu dans les environs jusqu’au 26 août

 décrivait-elle.

Soit, au moins trois jours de caches, d’embuscades, de chassés-croisés et de face-à-face avec l’ennemi. 

Trois jours décisifs

Trois journées martiales mais décisives pour Issoire, dont plusieurs moments ont d’ailleurs été capturés sur la bande par l’Issoirien Roger Servouse, quincailler de son état, et dont les films, amateurs, sont de précieux témoignages non seulement de cette époque mais de l’atmosphère électrique qui régnait dans la ville, à l’aube de sa  libération (lire ci-dessous). Son occupation remontait à novembre 1942.  Dans le courant de l’année 1944, le ton monte dans l’arrondissement. La traque des résistants s’accentue. Mais la détermination de ces derniers ne faiblit pas, y compris après la prise en otage d’habitants, tels que ceux du village d’Esteil, incendié, le 14 juin, pour avoir abrité un groupe de Francs-Tireurs et Partisans ; ou quand, le 30 juin est ordonné le bombardement de Saint-Floret après un accrochage entre maquisards et soldats allemands ; ou suite aux affrontements de Chaméane, le 30 juillet, où une importante colonne allemande détruisit le château où s’étaient réfugiés des FFI. Chacun de ces événements, prépare, d’une certaine manière, l’estocade finale, la tension ne faisant que monter, dans les deux camps.

Les Allemands détournés au dernier moment

La libération d’Issoire s’est finalement jouée aux abords de la ville elle-même.

Le  1000e Régiment de sécurité allemand, est toujours en position, au quartier de Bange. Le 25 août, sur la route du Broc, une colonne allemande qui se dirigeait sur Issoire, est détournée. "Si les Allemands étaient entrés, ils l’auraient dévastée", estimait Guy Assaleix, ancien résistant, dans un entretien accordé à La Montagne, en 2002. 

Du 24 au 26 août, au Broc, à Pardines et, entre Authezat et Coudes notamment, les combats faisaient rage. Les FFI locales prennent position sur ces principaux axes. L'Etat-major du 4e bataillon et de la 15e Cie s'installe à Parentignat.

Le 25 août, « la mitraille et les tirs ne cessèrent pas de la journée », rappelait Georges Devidal, dit “Jojo” ou “Dupois”, dans ses mémoires Le capitaine F.T.P.F Georges Devidal raconte… 1940-1945, parues en 1982. Les FFI ont tenté par tous les moyens de stopper les déplacements allemands qui tentaient de se regrouper sur Clermont-Ferrand. De nombreux résistants tombent alors. Parfaitement incorrect, donc, d’affirmer qu’il n’y eut pas de combats dans le secteur. Et pourtant… C’est une sorte d’intox ou de petite histoire, persistante, instillée depuis une déclaration du lieutenant américain, qui avait clamé, lors de la prise de fonction du sous-préfet, à la Libération : "Vive Issoire, non libéré mais évacué." Une déclaration fermement désapprouvée par le capitaine Georges Devidal. Il dénonce, dans ses écrits, une vision quasi blasphématoire de ce point de l’histoire.Prise de fonction du sous-préfet à la Libération, à Issoire, devant la sous-préfecture. Photo des archives municipales d'Issoire cote : 41 FI 40.

Le sacrifice des gens d’ici

Au fil de ses mémoires, parues en 1982, il se confia sur ce point : 

"C’était bafouer le sacrifice de nos chers disparus, qui n’avaient refusé aucun sacrifice pour la grande cause de la libération du sol national. Qu’ils soient de Chaméane, du Petit Parry, de Pardines ou de Saint-Germain-Lembron chacun a participé à la libération d’Issoire […]

"Mon indignation fut grande car nous ne méritions pas pareil affront. Nous pleurions nos morts et voilà qu’un officier américain niait que la ville d’Issoire ait été libérée. Je pensais au fond de moi-même aux quatre longues années de luttes, de souffrances, mais aussi d’espoir que nous venions de vivre. Je pensais aux sacrifices volontairement consentis par celles et ceux qu’animait la flamme de la Résistance. Je pensais à ces innombrables anonymes qui nous avaient rejoints, jour après jour, à ces soldats sans uniforme qui formèrent cette puissante et redoutable armée “des ombres”. Je pensais à ces femmes et à ces hommes de croyances diverses et qui, en dépit de toutes leurs divergences, surent trouver en ces heures tragiques, le chemin de l’unité, qui aboutit finalement à la reddition sans condition du monstre hitlérien", confiait-il dans ses pages, contenant encore toute son émotion.

Il y a 80 ans, une bataille a marqué à jamais le village de Chaméane

Une succession de face-à-face, de combats, puis la fuite...

Le 26 août, les combats font rage. "Avec la nuit, le combat se durcissait. C'est dans le chemin des Quinze que tombait le F.T.P.F. Bailler, à l'endroit même où se trouve la pierre gravée à sa mémoire. Une des patrouilles ennemies parvint jusqu’au quartier de l’hôpital par la rue de Lavaur et un civil, un vieillard innocent, sera la dernière victime de la barbarie nazie à Issoire. Les occupants hitlériens quitteront la ville, après ces combats meurtriers et, un peu plus tard, franchiront l’Allier au pont Pakowski, sur le territoire de la commune de Nonette. Voilà comment se déroula la vraie libération d’Issoire", rappelait l’ancien résistant, disparu en 1979. La ville recouvrait la liberté le 27 août 1944 : un long défilé sur les boulevards venait célébrer celle-ci, tant attendue, tandis qu’un grand bal, spontané, a lieu sur la place de la Montagne, qui avait encore son kiosque à musique. Les Issoiriens pouvaient, enfin, danser.

Marie-Edwige Hebrard

Photos : Archives municipales d'Issoire

Sources : Archives municipales d'Issoire ; Le capitaine F.T.P.F Georges Devidal raconte... 1940-1945, paru en 1982.

 

Une projection pour "voir" la libération d'Issoire  

Les Archives départementales du Puy-de-Dôme proposent une soirée autour du thème de la libération du département en 1944. Les archivistes et un historien, Pascal Chabaud, animeront la soirée. Des images filmées dans les villes occupées, souvent inédites ou en tout cas méconnues, seront projetées. Des images qui témoignent de l’implication des résistants et leur lutte acharnée pour la victoire. La soirée s’articulera autour de la projection de trois documents vidéos retraçant la libération des villes de Thiers, Clermont-Ferrand et Issoire. Les images tournées dans cette dernière sont l’œuvre de Roger Servouse, quincaillier, dont la boutique était située près des zones occupées par les Allemands. Entre le 22 et le 24 août, il a filmé des instants décisifs pour la ville, avec sa caméra 9,5 mm. Ces scènes qui contextualisent la libération de la ville sont précieuses pour les historiens et la mémoire collective.

Pratique. Le ciné-conférence aura lieu le jeudi 29 août, à partir de 18 h 30, aux Archives départementales du Puy-de-Dôme, 75 rue de Neyrat, à Clermont-Ferrand. Réservation conseillée au 04.73.23.45.80.