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Август
2024

Hermann Goering veuf trop tôt ?

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Le chef nazi aurait-il pu être détourné du chemin qui le conduisait vers le pire par sa femme qui est décédée prématurément ? Quel peut être l’influence politique de l’époux ou de l’épouse d’un dirigeant au sein d’un couple? Le regard de Philippe Bilger.


Quand l’horreur absolue a eu lieu et que l’Histoire, avec le nazisme, et le communisme dans un autre registre, a été meurtrie à perpétuité, il est vain voire indécent de tenter de faire comme si les tragédies étaient réversibles. Je n’aurai pas cette impudence. Je voudrais seulement m’interroger sur une question qui m’a toujours intéressé : l’influence des femmes, des épouses sur certaines gloires ou malfaisances historiques. Il n’est pas un homme, même le moins dépendant qui soit, qui puisse se dire totalement détaché de l’influence de la personne avec laquelle il vit. Alors est-il permis de se demander si, en certaines périodes, l’horreur aurait pu ne pas détruire telle ou telle personnalité, si le destin ne l’avait pas privée trop tôt d’une sollicitude bienfaisante ?

À la lecture de l’excellente biographie d’Hermann Goering par François Kersaudy, je n’ai pu m’empêcher de me projeter dans une supputation rétrospective sur ce que serait devenu Hermann Goering s’il n’avait pas perdu en 1931 son épouse, une aristocrate suédoise rencontrée en 1920 à 27 ans, et épousée en 1923. Il est essentiel de noter qu’Hitler a été appelé au pouvoir en 1933, par le maréchal Hindenburg longtemps très réticent.

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Entre la baronne Carin Von Kantzow et Hermann Goering, ce fut un véritable coup de foudre. Il fut en totale adoration devant elle jusqu’à sa disparition prématurée. Elle ne cessa de lui rendre au centuple cet amour, tant elle affronta pour lui mille épreuves aussi bien dans les débuts de sa vie politique que sur un plan personnel. Malgré la fragilité de sa propre santé, elle fut infatigable, dévouée, efficace, entreprenante, suscitant l’estime et la considération de tous ceux qui la rencontraient, très écoutée par son mari qui percevait à quel point elle lui était nécessaire pour apaiser un tempérament peu ordinaire : héros aviateur lors de la Première Guerre mondiale, légende allemande puis jeune homme confronté aux difficultés de l’existence après sa démobilisation, avant sa rencontre avec Hitler et la fascination que ce dernier lui a inspirée. La mort de son épouse en 1931 a probablement libéré chez Hermann Goering – il s’est remarié en 1935 avec une actrice qui ne s’intéressait pas à la politique et ils ont eu une fille – des dispositions, des excès, des outrances, des ridicules, une conception vaniteuse et narcissique de l’existence et, le pire, une indifférence à l’égard de la morale qui l’a conduit, aux côtés d’Hitler, à valider, à justifier et à commettre les horreurs qu’on connaît.

Un deuil mortifère

Carin Goering avait une sorte d’admiration naïve pour Hitler qui faisait le galant homme avec elle et lui baisait la main mais beaucoup se sont demandé si, en raison de sa qualité humaine, elle n’aurait pas détourné son mari des ignominies nazies dont il a été un protagoniste essentiel. On n’en sait rien. Hermann Goering s’était mué en un tel clone de Hitler, sombrant dans un mimétisme délétère, qu’il n’est pas certain que la relative normalité de l’épouse aurait eu le moindre effet sur ses dérives criminelles ultérieures condamnées à Nuremberg. Même si pour les diplomates et les gouvernants étrangers, Hermann Goering a été perçu, dans la hiérarchie nazie, comme le plus accessible, familier et sincère. Il en a beaucoup joué.

Il me semble qu’on a le droit cependant de s’abandonner à cette approche hypothétique tant elle apporte un peu d’espérance fictionnelle dans un univers sans rémission. Je le fais d’autant plus volontiers que dans Wikipédia, largement inspiré par le savoir de François Kersaudy, on n’appréhende pas du tout ce point qui d’ailleurs n’aurait pas eu sa place dans une relation factuelle et historique.

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Autant je crois sur un plan général à l’influence même non directement sollicitée d’une épouse ou d’une compagne, autant me perturbent, dans notre monde démocratique où l’élection donne la seule légitimité, ces conseils officieux, ces interventions occultes, ces actions discrètes qui permettent de s’arroger une importance sans l’ombre d’un mandat. Je suis persuadé que pour certaines personnes de notre vie publique, des libertés se sont manifestées, et pas toujours pour le meilleur, quand les vigies tutélaires que sont parfois les femmes ont disparu. Elles n’étaient plus là pour faire barrage, entre l’être aimé et le réel, aux médiocres tentations et possibilités de dérives. C’est tout à fait autre chose que de se livrer à cette interrogation saisissante : Goering aurait-il pu être arrêté à temps ?

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