Il traverse la France à pied en hommage aux militaires et pompiers blessés en service pour la France
C’est escorté de Vincent Bonnin, commandant de la compagnie des sapeurs-pompiers de Saint-Flour, où il a été hébergé, que Jean-Louis Martinez a franchi le porche de la montée des Chèvres, après une quinzaine de kilomètres depuis Ruynes-en-Margeride. Sacs à dos d’une vingtaine de kilos sur le dos, épinglé de nombreux écussons des départements et régions qu’il a déjà parcourus depuis son départ il y a près de quatre mois, le marcheur marseillais, militaire à la retraite, est affûté. Il est à la moitié de son périple qu’il a débuté à Colmar, le 1er mai, où il s’est rendu en train depuis son petit village natal de Roquefort-la-Bédoule (Bouches-du-Rhône) qu’il rejoindra début novembre, au bout de quelque 5.500 kilomètres. « Je suis parti de Colmar, car il fallait bien commencer quelque part. Et puis je voulais finir à la maison », explique-t-il.
Apaiser les post-traumatismesUn voyage qu’il prépare minutieusement depuis octobre, avec l’aide et le soutien de sa compagne qui gère, à distance, la logistique des hébergements. « Je suis autonome, je peux dormir dehors, mais je n’ai pas pris de tente, un sac de couchage me suffit. Mais jusqu’à présent, j’ai toujours été logé », affirme-t-il avec satisfaction. Car depuis qu’il a décidé de se lancer dans cette aventure, un peu folle, il est très suivi sur les réseaux sociaux, notamment à travers sa page Facebook dédiée, « Des km pour apaiser leurs maux », qui compte aujourd’hui près de 5.000 followers. Et qu’il alimente chaque jour de photos et vidéos, permettant à sa communauté de le suivre en temps réel, de ville en ville, et lui offrir le gîte et le couvert. L’occasion de rencontres qui le nourrissent, le motivent et le font avancer, chaque jour davantage.
Car je ne peux pas dire que c’est facile, mes pieds sentent bien les ampoules. Mais quand je me réveille le matin, je suis porté par tous ces gens qui me suivent. Je ne peux pas les décevoir.
Mais c’est surtout à tous ces gendarmes, policiers, pompiers et militaires blessés, qui ont servi la France, qu’il pense. À toutes ces victimes de « blessures physiques, mais aussi psychologiques », insiste-t-il. Car ce sont celles-ci qui sont peut-être les plus traumatisantes. Elles ne se voient pas, elles restent enfouies, puis ressurgissent bien des années plus tard, sans crier gare. Et il sait ce que c’est, lui, que de souffrir d’un post-traumatisme. Le 4 novembre 2004, à Bouaké, en Côte d’Ivoire, lors d’une opération militaire, Jean-Louis Martinez a vu neuf de ses copains mourir sous ses yeux et 43 autres blessés. Mais ce n’est que bien plus tard, en 2011, lorsqu’il a pris sa retraite, que les blessures se sont réveillées. Si aujourd’hui, il assure ne plus en souffrir (lire par ailleurs), « on n’en guérit jamais, mais on apprend à vivre avec », il sait que d’autres n’ont pas eu, ou n’ont pas, cette chance. Et c’est pour eux, « ces femmes et ces hommes meurtris », pour « les mettre en valeur », pour leur rendre hommage et les soutenir dans leur combat qu’il a décidé de se lancer ce défi.
J’y pensais depuis 8 ou 10 ans, mais je n’étais pas prêt, ni physiquement, ni moralement, ni familialement. À 69 ans, je me suis dit “c’est maintenant ou jamais". Car si je dois partir, je préfère partir avec des remords plutôt qu’avec des regrets. Et puis, j’ai subi une opération et le chirurgien m’a dit qu’il fallait marcher. Ça a été le déclencheur.
Ainsi, depuis octobre dernier, il marche et marche encore et s’entraîne, « tant physiquement que mentalement ».
Sur les routes et les chemins qu’il parcourt depuis le 1er mai, Jean-Louis Martinez saisit alors toutes les occasions pour sensibiliser la population et « mettre en avant médiatiquement ces blessés, afin que le pays sache qu’ils existent, qu’ils ont accompli leurs devoirs. Maintenant, c’est à nous de faire savoir, qu’ils ont des droits que la France leur doit », assure-t-il.
Récolter des fondsUne cause qui a particulièrement touché le commandant de la compagnie des sapeurs-pompiers de Saint-Flour. « Je suis un ancien militaire, militaire un jour, militaire toujours. Et des copains, j’en ai perdu moi aussi. C’était donc important pour moi d’accompagner Jean-Louis, de Ruynes-en-Margeride à Saint-Flour, en hommage à mes copains partis ». Et de l’accueillir dans les casernes de Ruynes et Saint-Flour. « C’était le minimum qu’on puisse faire ». Et pour aller plus loin encore dans la démarche, Jean-Louis Martinez a ouvert une cagnotte en ligne sur Leetchi pour collecter des dons qu’il reversera, à l’issue de son périple, à deux associations qui œuvrent pour les blessés : « Les invaincus » au profit des militaires et « Breizh thin red line » au service des sapeurs-pompiers blessés dans l’exercice de leurs fonctions et des familles de sapeurs-pompiers décédés. Pour l’heure, il a déjà récolté plus de 13.000 €.
L’écriture pour exorciser ses mauxEn 2011, lorsque Jean-Louis Martinez prend sa retraite, après 38 ans de service dans l’armée, sa blessure post-traumatique refait surface et lui joue de mauvais tours. Il décide alors d’écrire « pour exorciser tout ça », dit-il. Son premier ouvrage, "Des mots pour des maux", lui vaut de nombreux retours positifs de blessés militaires, « qui me remerciaient, car je disais ce que je ressentais, ce qu‘eux n’arrivaient pas à exprimer ».
Ils m’ont poussé à écrire un deuxième bouquin, "Le silence de la mémoire", mais ça a été un petit livre. Je ne suis jamais arrivé à la fin, car ça me faisait ouvrir des portes que je ne voulais pas ouvrir. Je n’ai pas pu aller plus loin.
Mais il en ressortira victorieux. « Mon post-traumatisme s’est réglé à l’écriture de ces livres », assure-t-il.
Pour faire un don, se connecter sur Leetchi, « Des Km pour apaiser leurs maux », via la page Facebook du même nom, ou lui remettre directement un chèque. Pour tous renseignements, marcher un bout de chemin ou tout simplement échanger avec lui, contacter Jean-Louis au 06.26.64.77.43.
Isabelle Barnérias