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Август
2024

Entre l’omelette et la queue du chat

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Nous avons vu dans le « Faits d’hier » de dimanche dernier que, dans la Creuse rurale d’autrefois, le mariage était plus une affaire d’intérêts que de sentiments. Mais auparavant, il fallait se fiancer. Le jeune homme ayant fixé son choix sur une jeune fille ne pouvait la rencontrer qu’accompagné d’un ami ou d’un parent, « l’ambassadeur ». Lui seul prenait la parole, vantant les qualités et la situation de fortune du prétendant. S’il était agréé, il pourrait se rendre dans les foires les fêtes, les bals, fréquentés par la jeune fille et même la raccompagner chez elle après le bal, surveillée par sa mère, mais d’assez loin pour ne pas gêner les amoureux. Si « l’ambassadeur » avait réussi à faire prendre son protégé en considération par la jeune fille et ses parents, ils étaient reçus à leur table. Lors de cette entrevue, l’omelette était souvent de rigueur (Saint-Médard, Sous-Parsat, Ars, Ajain, Toulx-Sainte-Croix) : si la jeune fille la préparait, c’était bon signe, mais si c’était sa mère, mieux valait renoncer. Quant aux coquilles d’œufs, si la mère les rassemblait puis les jetait au feu, c’était bon signe, mais si elle les jetait une à une par la porte, il était inutile d’insister.

La femme « achetée » à ses parents

Il y avait de curieux présages : à Toulx-Sainte-Croix, si le jeune homme marchait par mégarde sur la queue du chat de la jeune fille, c’était de bon augure, mais si celle-ci marchait sur la queue de son chat, le mariage éventuel serait retardé d’un an. Dans les communes proches du Berry, si on priait le prétendant de tenir la queue de la poêle, on pouvait considérer le mariage comme conclu, mais si on laissait traîner dans la maison des sacs pliés, c’était un refus formel. Lorsque « l’ambassadeur » avait bien mené les négociations préliminaires et acquis la certitude que son protégé serait accepté, on convenait du jour de la demande en mariage, effectuée le plus souvent par le père du jeune homme (Gentioux, Faux-la-Montagne, Royère, Bourganeuf, Mourioux, Nouziers), généralement un samedi soir. Le jeune homme, ses parents et « l’ambassadeur » se retrouvaient chez la jeune fille pour un repas, avec pour plat de résistance du jambon salé aux choux, la promise ayant confectionné un gâteau à la crème, un clafoutis ou des beignets aux pommes pour montrer ses talents culinaires. À la fin du repas, les parents et « l’ambassadeur » jetaient les bases du contrat de mariage, en dehors des jeunes gens. Bien qu’ils se soient mis d’accord, il arrivait que les parents discutent encore devant le notaire pour obtenir davantage de la partie adverse, ce qui aboutissait parfois à une rupture. En plus de la dot en or ou en argent, la fiancée recevait un trousseau et un meuble (armoire, bonnetière, coffret à linge). À Saint-Martial-le-Mont, les parents de la fiancée offraient une brebis, un agneau, une huche garnie du trousseau, tandis que le fiancé offrait à ses beaux-parents une somme de cent ou deux cent francs, prix d’achat de sa femme. À Glénic, lors de la demande en mariage, le jeune homme se présentait seul chez les parents de la jeune fille, qu’il « marchandait » en leur offrant une somme d’argent ; si elle était jugée insuffisante, le marché lui était refusé. Précisons que cette demande ne se faisait que lorsqu’on était assuré du succès. Curieuses traditions (!) tout de même.

Source. « Les âges de la vie - Naissance, mariage et décès : rites et coutumes », collection Les Carnets de la Creuse, Société des Sciences Naturelles, Archéologiques et historiques de la Creuse.