Deux mois à pied et 2.000 km : un Bourbonnais va à Santiago et à l’essentiel
Benoit Caruyer, originaire de Couzon, a choisi la voie de Vézelay, moins prisée que celle du Puy, puis le chemin du Nord en Espagne, pour rallier Saint-Jacques-de-Compostelle.
Un parcours qui a conjugué efforts, liberté et contemplation. Et aussi de terribles blessures aux pieds. Il raconte.
Laine de mouton« Je suis parti fin avril et pendant des semaines, il a tellement plu que je marchais les pieds mouillés en permanence. Les frottements ont provoqué des plaies, que j’ai gardées sur la moitié du parcours. Une chose qui m’a un peu soulagé, c’est à La Souterraine, quand un pèlerin m’a donné de la laine de mouton pour en garnir mes chaussettes. Ces douleurs m’ont parfois fait douter… Mais elles sont indissociables du voyage, que je voyais comme une nouvelle rencontre avec moi-même.
Dès les premiers kilomètres, vous entrez dans une forme d’introspection, le rythme vous porte, l’organisme s’habitue et ressent de moins en moins la fatigue. La pensée chemine et vous devenez de plus en plus disponible pour vivre pleinement l’instant présent. Ça permet de retrouver une forme d’émerveillement, d’apprécier les odeurs, les paysages. Après un gros dénivelé dans les Pyrénées par exemple, je me suis retrouvé au-dessus d’une mer de nuages. C’était grandiose. J’ai ressenti une immense satisfaction de me trouver là, la sensation d’être privilégié. »
Partir à pied de chez soi se fait sous le signe de la sobriété. Mais, pour parer à toutes les situations lors des soixante jours de voyage, Benoit Caruyer avait prévu un chariot rempli d’affaires, « trop encombrant ; je l’ai laissé après deux semaines pour ne garder que mon sac à dos. »
Pouvoir se contenter de très peu rappelle que la société nous crée de faux besoins. Et la simplicité sait parfois prendre des allures de luxe : « Vous n’imaginez pas le bonheur d’une polenta bien chaude un certain soir dans ma gamelle en fer-blanc et je ne suis pourtant pas un grand fan de polenta ! J’ai eu froid, parfois faim, et je l’avoue, je me suis alors fait la promesse de quelques plats bien précis au retour. »
Côté hébergement, Benoit a abandonné la tente en raison de la pluie et apprécié le gîte en dur pour se laver et faire sécher ses affaires. « Chaque étape bouclée est une sensation forte : vous posez le sac, vous oubliez presque instantanément les douleurs, les galères, la fatigue et vous vous sentez juste bien ! »
Bénéfices physiques et mentalPlusieurs semaines après son retour, les bénéfices physiques sont là : « Je me sens en forme et deux mois de marche, sac au dos, ça vous affûte pas mal la silhouette ! D’autant plus que j’ai préféré marcher quasiment tous les jours. Prendre une journée entière de repos, ça vous casse pour repartir. »
Le bénéfice est aussi mental : « cumuler les kilomètres, avaler les dénivelés, ça surprend, ça rend confiant et ça devient une satisfaction. Vous validez votre objectif et vous avez envie de faire la promotion de ce qu’on gagne sur le plan personnel avec cette expérience. »
La voie de Vézelay est moins fréquentée que celle du Puy, mais le Bourbonnais a fait de belles rencontres : « les échanges sont faciles, peut-être parce qu’on sait qu’on ne se reverra pas. J’ai rencontré très tôt un jeune belge parti de Namur et nous avons cheminé ensemble sur presque toutes les étapes. »
Le bus « pour redescendre »Après 2.000 kilomètres à pied jalonnés d’émotions fortes, l’arrivée à Saint-Jacques a été plutôt décevante : « Santiago a beau être la destination finale, j’ai eu une sensation de banalité. Je retrouvais la foule, les touristes… J’ai fait deux étapes au-delà pour rejoindre l’océan et Fisterra, la fin de la terre, puis je suis rentré en bus jusqu’à Clermont-Ferrand puis en train jusqu’à Moulins. Le bus, c’est un bon tempo pour redescendre du nuage. Vous avez vécu deux mois à 5 kilomètres à l’heure et soudain, l’environnement va à nouveau très vite. J’étais heureux de rentrer, mais ce contraste est saisissant. »