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Август
2024

JO Paris 2024 : les Bleus du volley, ensemble dans la légende

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« Excusez-moi un instant, il faut que j’aille l’embrasser. » Alors qu’il nous expliquait comment cette équipe de France était passée en quelques années de l’ombre à la lumière, des tréfonds aux sommets, Laurent Tillie s’est soudainement interrompu. L’ancien sélectionneur des Bleus (2012-2021), l’un des hommes clés de la folle ascension du volley français, a esquissé quelques pas de côté, puis il est tombé dans les bras d’Earvin Ngapeth, le personnage central de cette bande de joyeux drilles, le taulier de cette escouade depuis plus d’une décennie. Une image forte, émouvante, comme on en a vu des dizaines défiler sous nos yeux, ce samedi après-midi, dans la foulée de ce moment historique et jubilatoire pour le volley français.

À la fin du match, j’ai demandé aux gars quelle heure il était tellement c’est allé vite. C’est un truc de malade ! Même dans mes plus beaux rêves, un truc comme ça, ça n’existe pas. 

Heureusement que les célébrations ont charrié un flot d’émotions énorme, dans une ambiance complètement dingue. Que la Marseillaise a été vibrante, que la communion avec les 13.000 chanceux de l’Arena Paris Sud a été totale. Car on aurait presque pu leur en vouloir d’avoir expédié cette finale aussi froidement, sans une once de suspense, sans que jamais le moindre frisson, le moindre doute, ne parcoure les tribunes. Ce samedi, les volleyeurs français ont écrabouillé la Pologne, pourtant championne d’Europe en titre (25-19, 25-20, 25-23), comme ils avaient déjà éparpillé les champions du monde italiens trois jours plus tôt en demi-finale (25-20, 25-21, 25-21). Un récital, une démonstration. « On leur a roulé dessus », imageait Quentin Jouffroy, dont les services canon ont fini de faire plier la Pologne.

Un doublé rarissime

« À la fin du match, j’ai demandé aux gars quelle heure il était tellement c’est allé vite, se marrait Jenia Grebennikov, l’un des plus capés du groupe, médaille d’or autour du cou. C’est un truc de malade ! Même dans mes plus beaux rêves, un truc comme ça, ça n’existe pas. » Le truc en question, c’est un doublé olympique rarissime, trois ans après le sacre de Tokyo. Une performance majuscule que plus aucune équipe n’avait réussie depuis l’URSS (1964, 1968) et les États-Unis (1984-1988). « On était une petite nation du volley, on est devenue une grande nation », savourait Laurent Tillie.

Lui n’a pas oublié, évidemment, d’où vient le volley tricolore. Qu’avant les triomphes, il y a eu les périodes de vaches maigres et un très long anonymat. Que pendant des décennies, c’est à la télé que les Français regardaient les Jeux Olympiques. Pensez donc, de 1962 à 2012, les Bleus ne s’étaient qualifiés que trois fois aux Jeux, avec pour meilleur résultat un huitième place à Séoul, en 1988. C’est dire le chemin parcouru depuis…

Comment les Français sont-il parvenus au sommet ? Difficile de ne pas évoquer Earvin Ngapeth, le Mozart de cette équipe, le détonateur de l’aventure, un leader d’exception, à l’image d’un Tony Parker au basket ou d’un Nikola Karabatic au handball. Mais on ne joue au pas au volley tout seul, et les Bleus ont vu émerger au fil des années des lieutenants de grand talent, les Jean Patry, Trevor Clevenot, Barthelemy Chinenyeze, Jenia Grebennikov…

On aime passer du temps ensemble, on aime souffrir ensemble, on aime aller au bout de la terre pour jouer au volley ensemble.

Il y a le terrain, et puis tout ce qui fait la force d’un collectif, les relations humaines, l’envie de se battre l’un pour l’autre. Earvin Ngapeth en parle magnifiquement bien : « Ce groupe a quelque chose de spécial. On aime passer du temps ensemble, on aime souffrir ensemble, on aime aller au bout de la terre pour jouer au volley ensemble. En finale, il n’y avait plus plan de match, de tactique, de technique… On voulait juste prendre plaisir à jouer comme on aime, à la française. »

Ensemble. C’est un mot que tous les joueurs n’ont cessé de répéter dans leur joyeuse pérégrination en zone mixte. Et il faut comprendre que leur succès s’est aussi construit sur un cadre de vie plus strict que par le passé. « S’ils avaient toujours été aussi sérieux, je ne te dis pas le nombre de médailles qu’on aurait ramené », souriait Laurent Tillie, l’ex sélectionneur.

Adulés comme des Beattles

« On s’est mis des règles, ça a été la force de l’équipe, soulignait son fils, Kévin. On voyait toutes les autres équipes qui ramenaient leur famille, qui allaient se balader dans Paris. Nous, on est resté concentré, au village, et ça paye derrière. » Et Grebennikov de prolonger l’explication : « À Tokyo, par la force des choses, avec le covid, on était resté dans notre bulle. Alors on a reproduit ce qui avait marché. Même quand on se baladait dans le village, on est toujours restés unis. » 

Unis jusque sur la plus haute marche du podium, adulés comme des Beattles. « On a vu que les gens nous aimaient, confie Ngapeth. Ça nous a donné beaucoup de courage, beaucoup de force. On ne se rend pas encore bien compte, mais on sait qu’on a fait quelque chose de grand. » D’historique !

Romain Léger