À Vichy, les fouilles préventives de l'hôtel Mercure se poursuivent
Depuis le 17 juin, les curieux sont nombreux à s’arrêter, surpris, devant l’impressionnante fosse creusée dans la cour de l’hôtel Mercure Vichy Thermalia. Jusqu’au 21 août, l’INRAP (lire ci-dessous) y mène un chantier de fouilles archéologiques préventives, avant les travaux de construction d’un bain extérieur en lieu et place.
Cet espace n’ayant jamais fait l’objet de fouilles, c’est une nouvelle pièce qui vient compléter le puzzle de l’histoire vichyssoise. Sébastien Gaime, directeur adjoint scientifique et technique à l’INRAP Auvergne, se réjouit de cette « nouvelle fenêtre ouverte pour comprendre l’évolution de la ville. C’est une cartographie que l’on reconstitue, et sur laquelle on ne peut avancer qu’au gré des fouilles préventives, et donc des chantiers. »
Étudier le site avant sa destructionLa leçon du professeur est claire : la mission des archéologues n’est pas de préserver, mais bien d’étudier, avant destruction complète du site. Tout en sachant qu’une étude exhaustive est humainement et matériellement impossible. Mais pas de frustration du côté des chercheurs, rompus à l’exercice.« Nous devons faire un choix scientifique assumé, pour comprendre cette zone, au regard de ce que nous savons d’elle via les écrits historiques notamment, explique Elsa Roux, mandatée pour conduire les fouilles. Pour le moment, nous collectons un maximum de mobilier archéologique. » Comprendre fragments d’objets, d’ossements, prélèvements de terre, empreintes…Elsa Roux, responsable scientifique des fouilles, montre les traces de découpe sur un os de bœuf collecté.
« On enregistre tout, et on formule des hypothèses, qui seront ensuite validées ou non après analyse des objets collectés par les spécialistes. » Et tout y passe, jusqu’aux types de graines présentes dans la terre, qui peuvent par exemple renseigner les chercheurs sur l’économie et la consommation des Vichyssois du Moyen Âge. Quand Vichy n’était pas encore Vichy.
Petites découvertes pour grande HistoireAprès bientôt deux mois de fouilles, les trouvailles sont déjà au rendez-vous. « On a des vestiges qui vont de l'Antiquité à l’époque moderne, en passant par le médiéval, précise Elsa Roux. On a notamment retrouvé un plaquage décoratif de colonne en marbre antique. »Sur le sceau d’un artisan potier du IIe siècle, on devine l’inscription « Malledor ».
Au Ier siècle après J-C, le long du bâtiment Nord, dans le même axe que le boulevard des États-Unis, une artère de circulation séparait un quartier artisanal et d’habitation, de l’espace thermal (actuel parc des Sources). Au fond du fossé qui bordait cette voie, des découvertes sont venues attester de l’occupation des lieux. Comme un étonnant morceau de céramique, estampillé du sceau d’un potier, dont on dirait qu’il sort tout droit des années 1970… Alors qu’il date du milieu du IIe siècle. Moins impressionnant mais tout aussi parlant, un os de bœuf, comportant des traces de découpe, valide la présence d’une boucherie, toujours dans l’Antiquité.
L’archéologie s’intéresse également aux bâtisses de l’ère moderne, notamment pour confronter les plans à la réalité
Au Moyen Âge, la zone fait tampon entre les quartiers d’habitation, localisés dans le vieux Vichy, et l’église Saint-Christophe, aujourd’hui disparue, et située sous les actuels thermes Callou. À partir de 1850, la zone n’échappe pas à l’essor de construction lié à l’ère industrielle, et elle voit tour à tour l’élévation puis la destruction d’un édifice d’extraction des sels minéraux ; d’une blanchisserie ; d’un « bain des pauvres » (noté ainsi sur les plans de construction) à l’angle Sud du bâtiment actuel ; des thermes des Dômes en 1900 ; et enfin, en 1976, la destruction de la partie centrale, et la reconstruction de l’hôtel Mercure.
« L’archéologie s’intéresse également aux bâtisses de l’ère moderne, notamment pour confronter les plans à la réalité ; explique Sébastien Gaime. Cela nous permet de prendre de la hauteur pour reconstituer la grande Histoire. »Le résultat complet des fouilles fera l’objet d’un rapport, qui sera rendu public au plus tard d’ici deux ans.
L'Institut national de recherches archéologiques préventives mène une mission de service public« Si un promoteur entreprend un chantier qui nécessite la destruction du sol, il a l’obligation de financer des fouilles préalables », explique Sébastien Gaime, directeur adjoint scientifique et technique à l’INRAP Auvergne. « Il lance alors un appel à la concurrence, qui peut également être remporté par des opérateurs privés, même si ces fouilles sont prescrites par l’État à l’aménageur. » Se présente alors, pour les chercheurs, une occasion inespérée d’aller étudier des sites qui auraient gardé leurs secrets en l’absence de travaux. L’archéologie préventive représente aujourd’hui 90 % des fouilles réalisées en France.
Texte Sandrine Gras
Photos François-Xavier Gutton