JO Paris 2024 : Toujours sans médaille, pourquoi l'athlétisme français galère aux Jeux olympiques ?
Rio 2016. La Fédération française d’athlétisme (FFA) se félicite de son bilan historique aux Jeux olympiques. Six médailles, un total plus atteint depuis les JO de Londres en 1948 (huit breloques). "On peut dire que nous obtenons nos meilleurs résultats de l’époque contemporaine. Je suis très fier de cette équipe de France, qui a été brillante", se réjouissait le président de l’époque, Bernard Amsalem. Oui, mais voilà, les médaillés de 2016 (*) sont maintenant à la retraite ou en fin de carrière, et la relève peine à pointer le bout de son nez.
À Tokyo en 2021, Kevin Mayer, à nouveau médaillé d’argent au décathlon, sauvait les meubles en s’offrant la seule médaille de la délégation. On pensait alors être en plein creux générationnel. "Il y a un trou qui s’annonce jusqu’en 2022", avançait le consultant de France Télévision, Stéphane Diagana, évoquant des "jeunes talentueux" qui émergeront dans un futur proche. "D’ici Paris, ils pourront prétendre au podium, peut-être", espérait-il.
Quelques satisfactions tout de mêmeNous y sommes et les prétendants manquent cruellement. Après neuf jours d’athlétisme au Stade de France, aucun Tricolore n’a été médaillé. Pour autant, cela ne ressemble pas à une mauvaise surprise. "On imagine toujours qu’il y en a un ou une qui va crever le plafond, mais il faut être réaliste. Les Français sont à leur place par rapport aux classements mondiaux", analysait Renaud Longuèvre, ancien entraîneur de Ladji Doucouré et manager des équipes de France, mercredi au micro de RMC.
En effet, aucun d’entre eux ne figurait en tête des bilans mondiaux de la saison avant le début des Jeux, et ceux qui y sont bien placés sont encore en lice (voir plus bas). Il y a toutefois quelques motifs de satisfaction, comme la quatrième place, agrémentée d’un record d’Europe (8’58’’67), de la steepleuse Alice Finot ou la finale de Louise Maraval sur 400 m haies, une première dans l’histoire de l’athlétisme français aux JO chez les femmes.
Le principal regret réside dans l’élimination, dès les qualifications, du perchiste Grenoblois Thibaut Collet. Lui visait le podium et son record porté à 5,95 m cette saison pouvait nourrir des espoirs (l’Américain Sam Kendricks est médaillé d’argent avec 5,95 m). "J’ai extrêmement honte de ma performance, je ne comprends pas", lâchait-il. Pour la première fois depuis les Jeux d’Athènes en 2004, il n’y avait aucun perchiste Français en finale olympique. Un échec auquel s’ajoutent de nombreuses éliminations avant les finales.
Pas de quoi surprendre les connaisseurs, mais suffisant pour décevoir le grand public qui s’était habitué à voir les Français tout rafler dans les autres sports au début des JO. Les bons résultats du championnat d’Europe de Rome, en juin (seize médailles, quatre en or), avaient donné envie d’y croire, mais le soufflé est vite retombé face à une concurrence planétaire.
"On se disait que l’équipe de France était dans une bonne dynamique, qu’elle arriverait à son pic de forme aux Jeux de Paris. On pensait que les Français seraient bien. Ce n’est pas vraiment le cas", a déclaré Marie-José Pérec dans les colonnes du Parisien. Mais la triple championne olympique a vite défendu la délégation, rappelant que l’athlétisme est "un sport universel, peut-être le plus universel de tous."
"Depuis 1900, seulement onze Français ont été sacrés champions olympiques dans ce sport. Et seulement huit depuis 1948."
Un argument très souvent dégainé par les athlètes, à l’image du demi-fondeur Jimmy Gressier. "Ne comparez pas l’athlétisme avec les autres sports. On est le sport n° 1, le plus concurrentiel au monde, le plus accessible. Dans le demi-fond, on a toute l’Afrique de l’Est. On n’a besoin de rien pour courir, juste de son cœur et de son envie. C’est pour ça que les résultats français ne sont peut-être pas à la hauteur des attentes de ceux qui ne connaissent pas l’athlétisme."
Un problème structurelRenaud Longuèvre n’y voit pas la seule explication. Pour lui, la Fédération française a sa part de responsabilité. "Après Rio, un nouveau président est arrivé (André Giraud). Il a voulu tout changer, au lieu de travailler dans la continuité de ce qu’avait construit Ghani Yalouz (ex-directeur technique national) pendant huit ans. Il a modifié l’organigramme, recruté un DTN (Patrice Gergès) qu’il a lui-même viré juste avant les JO de Tokyo. Il a ensuite pris Florian Rousseau comme directeur de la haute performance, qui cartonne aujourd’hui dans ce rôle dans le cyclisme. Florian en a eu marre, il est parti parce qu’il y a un malaise dans cette fédération. Il a fallu reconstruire, prendre un nouveau directeur de la haute performance (Romain Barras), arrivé deux ans et demi avant les JO de Paris. Qu’est-ce que vous voulez construire ?", interroge-t-il sur RMC.
Pas une flopée de médaillés, c’est certain, mais peut-être quelques-uns tout de même, pour ne pas finir bredouille. Ce qui n’est plus arrivé depuis les Jeux de Sydney en 2000.
(*) Kevin Mayer, en argent au décathlon ; Renaud Lavillenie, en argent à la perche ; Mélina Robert-Michon, en argent au disque ; Mahiedine Mekhissi, en bronze sur 3.000 m steeple ; Dimitri Bascou, en bronze sur 110 m haies et Christophe Lemaitre, en bronze sur 200 m.
Samba-Mayela et Tual, les espoirs de la nation S’il y en a bien deux qui peuvent éviter le zéro pointé à l’équipe de France, ce sont eux. Gabriel Tual, cinquième meilleur performeur mondial de tous les temps sur 800 m (1’41’’61) depuis le meeting de Paris, le 7 juillet, est dans la forme de sa vie à 26 ans. Ce vendredi 9 août, il a terminé deuxième de sa demi-finale et composté son billet pour la finale qu’il disputera ce samedi 10 août à 19 h 25. "Le plus dur est passé, le pic de stress aussi", livrait-il après sa course. C’est donc avec moins de pression qu’il se présentera aujourd’hui sur la piste mauve du Stade de France. "Je trace mon chemin. S’il y a la médaille, c'est cool et s’il n’y en a pas, je n’aurai pas de regrets. Dans tous les cas, j’aurais tenté." En revanche, Cyréna Samba-Mayela, troisième performeuse mondiale de la saison sur 100 m haies (12’’31), depuis sa victoire en finale du championnat d’Europe à Rome (comme Tual), ne parle que de médaille. Dans un couloir extérieur en raison de sa qualification au temps ce vendredi, après avoir touché la dernière haie, elle ne sera pas dans les meilleures conditions pour monter sur le podium. "J’ai fait une petite bêtise sur la fin, mais les jambes sont là. J’ai hâte d’être à demain (ce samedi à 19 h 45), je vais recommencer avec plus de maîtrise. Les cartes seront redistribuées, on va chercher la médaille", lançait-elle d’un air décidé.
Martin Lhôte