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Август
2024

Au Domaine de Baudry, une famille tombée dans la marmite de la confiture aux confins du Puy-de-Dôme

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D’un côté l’Allier, de l’autre le Puy-de-Dôme et à quelques encâblures, la Creuse. Et au milieu coule une rivière, le Boron, liée au destin du Domaine de Baudry, à Saint-Hilaire-près-Pionsat (Puy-de-Dôme). Une histoire de frontières, à plus d’un titre encore dans la famille de Vincent Bône, co-gérant avec son beau-frère Laurent Garcia de cette entreprise de confitures artisanales. Déjà, parce que les parents fondateurs, Anne-Marie et Jacques étaient respectivement originaires d’Évaux-les-Bains et de Commentry.

La saison des myrtilles est lancée en Creuse

C’est d’ailleurs dans cette dernière cité que Jacques créa une pisciculture avec son père, Aristide, sur d’anciens terrains miniers. Père et fils refirent de même, vers 1962, sur le site actuel du Domaine de Baudry.

Aux sources,  une pisciculture

« Les gens venaient en famille pêcher la truite sur le parcours de pêche, se souvient Vincent Bône. Il y avait des balançoires, des jeux. Ils livraient aussi des poissons dans les restaurants et faisaient du négoce de poissons d’étangs. »Une toute première aventure qui durera jusqu’en 2019 avant que le manque d’eau ne vienne tarir les espérances. Mais, entre-temps, la voie de la diversification s’est amorcée, de façon plutôt anodine au début. Les aïeux à la main verte - le père, Jacques, a même été médaillé du Mérite agricole - ont planté des framboisiers. Une culture aux abords du site qui représenta jusqu’à 15 ha !

« On en vendait en vrac aux gens qui venaient à la pisciculture », précise Vincent Bône. Le reste est transformé en confitures dans la cave de la maison avec les recettes de la grand-mère ainsi qu’en fruits à l’eau-de-vie dans les années 70.

Dans les zones touristiques d’Auvergne

Le démarrage viendra de la rencontre avec Patrice Belon. « Il nous a mis le pied à l’étrier et nous a introduits dans la vente aux professionnels dans les zones touristiques d’Auvergne », se souvient Vincent Bône. L’entreprise familiale se structure autour de la confiture, se diversifie avec un père précurseur dans les parfums tels que mûre sauvage, pissenlit, baies de sureau, églantine ou myrtilles, achetées par exemple à Courpière.

Un catalogue de 150 recettes de confituresDans l’un de ses chaudrons en cuivre, piloté électroniquement selon les recettes, le Domaine de Baudry prépare ses confitures pour des contenants en verre allant de 45 à 750 grammes et huit pots différents. Pas moins de 150 préparations sont proposées. Des recettes préparées « à l’écoute des souhaits des clients », imaginées en famille. « Tout le monde apporte ses idées », martèle Vincent Bône, qui travaille aussi avec un chef cuisinier, Frédéric Thévenet. De ce travail en commun sont ainsi nés, ces derniers mois, une confiture des quatre saisons (pêche, fraise, orange et pomme), un mélange pomme et poire façon tatin, de la pomme d’amour, une confiture façon forêt noire ou pina colada, quand elle n’est pas mariée avec des pralines roses ou des pétales de fleurs. Environ huit nouvelles recettes sont créées chaque année.

« On est vite arrivés à être nombreux. On était plus de 20 personnes à certaines époques », rappelle Vincent Bône. Le Domaine de Baudry participe à son 1er Salon de l’Agriculture où il vend tartes et confitures, nouant des relations commerciales avec des grossistes et revendeurs pour gagner ses galons à Paris.

Trois grands secteurs

En 1993, avec le décès de Jacques, Vincent Bône et Laurent Garcia reprennent l’entreprise. Passés tous les deux par les écoles de commerce, ils entreprennent d’abord la structuration de la partie commerciale avec trois piliers, encore présents aujourd’hui. Les revendeurs traditionnels (épiceries fines, magasins de produits régionaux, détaillants) ; les grossistes, et enfin, les marchés spéciaux (vente par correspondance, cadeaux d’affaire et d’entreprise). Un peu de grande distribution aussi (5 %) : « nous sommes peu présents mais ça n’a jamais été une volonté », sourit Vincent Bône.De quoi mener aussi un important « forcing commercial » dès 2000 grâce à des commerciaux multicartes et un exclusif pour les revendeurs ; Vincent Bône gère seul, quant à lui, les grossistes et les marchés spéciaux avec son co-gérant. De quoi comptabiliser un pôle de 450 clients actifs où les revendeurs sont prépondérants. L’autre grand chantier a aussi été de structurer la production et une remise aux normes « pour être dans la course et trouver de nouveaux clients ».

8.000 pots produits par jour

Un chantier conduit entre 2000 et 2010 avec une optimisation des machines, notamment des chaudrons. S’ils ont gagné en électronique, ils continuent d’être en cuivre et de fonctionner à la vapeur d’eau comme l’avait introduit Jacques, le fondateur. Idem pour le système d’étiquetage personnalisé selon le client, maîtrisé en interne.

De quoi produire 8.000 pots par jour « mais on peut aussi monter à 30.000 ou 40.000 pots de 45 grammes » avec entre 8 et 25 cuvées par jour. Les fruits, eux, viennent globalement de trois à quatre fournisseurs, aussi bien en Ardèche qu’en Espagne ou au Maroc, avec toujours des fruits marqués par leurs terroirs tels les abricots de Provence, les clémentines de Corse ou le cassis de Bourgogne. « Grâce à cela, on a de la régularité dans nos produits », estime Vincent Bône.

En chiffres2,5

En millions, le nombre de pots vendus par le Domaine de Baudry

3,8

En millions d’euros, le chiffre d’affaires de l’entreprise

Parmi les 150 recettes imaginées par le Domaine de Baudry (voir par ailleurs), la famille Bône propose des confitures traditionnelles avec 55 % de fruits, des marmelades, des gelées mais également des confitures allégées, d’autres bios, des compotes ainsi qu’une gamme en négoce de bonbons, de miel et de biscuits. « Nous fournisseurs sont aussi nos clients », rappelle Vincent Bône.

Une transmission  en famille

Et pour la suite, l’entreprise familiale de 17 salariés ne manque pas de projets. À commencer par un réaménagement de son site de production, et une mise à jour au niveau de la qualité, ou un travail sur la communication. Ceci « pour donner un outil en ordre de marche », précise Vincent Bône qui prépare sa succession. Elle restera familiale puisque c’est Valentin Garcia, 24 ans, fils de Laurent, qui va officier, ayant déjà en charge la production.

La ligne de conduite devrait rester la même avec toujours cette implantation très locale notamment « en labellisant une gamme hyper locale avec des partenaires locaux ». Tout cela dans un marché assez stable en 2023 et 2024 après une année record, en 2021 et des effets de l’inflation. Mais pas de quoi faire perdre le nord aux Bône et au Domaine de Baudry, farouchement attachés à leurs frontières, qui est d’ailleurs l’étymologie même de leur nom… 

François Jaulhac