"Je n'ai jamais vu autant d'ambiance" : quand la "Léon Marchand mania" s'empare de la Défense Arena
Il est en train de construire sa propre légende. Ce mercredi 31 juillet, Léon Marchand est entré dans l’histoire des Jeux olympiques en remportant, dans la même soirée, deux médailles d’or dans deux épreuves différentes, terminant le 200 mètres papillon en 1 minute et 57 secondes et 21 centièmes, et décrochant la première place du 200 mètres brasse, deux heures plus tard, en 2 minutes et cinq secondes 85. Avant lui, aucun nageur n’avait réussi une telle prouesse - même l’Américain Michael Phelps, légende de la natation et quintuple participant aux Jeux olympiques avec 28 médailles dont 23 en or, ne s’était jamais aligné sur deux finales individuelles aussi rapprochées. Au moment des remises des médailles, l’émotion des supporters dans le stade survolté de Paris La Défense Arena prend à la gorge. Leurs hurlements de joie, la Marseillaise chantée à tue-tête, les applaudissements longs de plusieurs minutes, les incessants "Léon" scandés à plein poumons et les larmes de certains fans témoignent du caractère historique de l’événement.
Dimanche 29 juillet, dans cette même arène et devant 15 000 spectateurs déchaînés, le champion remportait déjà sa première médaille d’or olympique dans l’épreuve du 400 mètres quatre nages, s’imposant avec un temps de 4 minutes et 2 secondes 95, loin devant ses concurrents. Surtout, le Français pulvérisait le record olympique de Michael Phelps, établi en 2008 aux JO de Pékin en un temps de 4:3:84. "Il nous fait rêver depuis dimanche. Et on vient encore de vivre un moment magnifique, j’étais à deux doigts de pleurer", résume Antonin à la sortie du stade. En deux heures, ce jeune nageur venu de Villeurbanne a même perdu sa voix à force d’hurler son admiration dans les gradins. "Honnêtement, je n’ai jamais vu autant d’ambiance dans un bassin", assure-t-il.
Dès 20h38, heure exacte de l’arrivée de Léon Marchand devant le bassin olympique, une énergie indescriptible a transcendé le stade. A l’unisson, les milliers de spectateurs hurlent le prénom du Toulousain, les drapeaux bleu-blanc-rouge s’agitent, le bruit des applaudissements est assourdissant. Ligne 5, le nageur reste concentré. Pour lui, l’enjeu est colossal. Le papillon n’est pas sa discipline de prédilection, et son adversaire principal, le Hongrois Kristof Milak, est redoutable - le champion olympique en titre de la discipline a battu le record du monde en 2022, avec un temps de 1:50:34. La tension est à son comble quand le signal de départ retentit. Léon Marchand plonge dans le silence - protocole oblige -, puis remonte à la surface sous les hourras. La course est serrée : deuxième derrière Kristof Milak jusqu’aux 25 derniers mètres, le Français accélère en fin de parcours, porté par un public en folie. Les tribunes tremblent lorsqu’il reprend finalement la première place, et pulvérise son record de France en 1:51:21, débloquant du même coup un nouveau record olympique. Léon Marchand vient de décrocher sa deuxième médaille d’or en trois jours, et le public exulte.
#Paris2024 | ???????????? LEON MARCHAND, TU ES UN ROI !
— francetvsport (@francetvsport) July 31, 2024
L'OR POUR LE FRANÇAIS !!!
MAIS QUELLE COURSE !!! QUEL FINISH !!!
ET QUEL RECORD OLYMPIQUE EN 1:51.21 !!!
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"Il a pris une nouvelle dimension"
La soirée, pourtant, est loin d’être terminée. Juste le temps pour les spectateurs d'enchaîner quelques demi-finales, et de savourer la superbe médaille d’argent de la nageuse française Anastasiia Kirpichnikova sur le final du 1 500 mètres nage libre chez les femmes, que Léon Marchand revient déjà pour sa deuxième finale de la soirée, sur le 200 mètres brasse. Il est 22h33, le public est en transe et l’euphorie générale n’est pas retombée depuis deux heures. Le nageur, lui, reste dans sa bulle. Réfléchi et précis, il ne se laisse pas distraire par les "Allez Léon" qui résonnent dans le stade. Au signal, il plonge de la ligne 4... Puis domine ses adversaires. Comme il est de coutume depuis le début de la compétition, le public rythme ses respirations d’encouragements, lâchant à l’unisson un puissant cri, mélange flou de "Ouais" et “Allez !” lorsqu'il reprend son souffle. Pendant 2 minutes, cinq secondes et 85 centièmes, il fait monter d'un cran, si c’était encore possible, les hurlements des supporters. Avec une seconde d'avance sur ses concurrents, il décroche l’or pour la deuxième fois de la soirée. En cette dernière nuit de juillet, 15 000 personnes entonnent le "Que je t'aime" de Johnny Hallyday, et une certitude plane sur le stade de Paris La Défense Arena : Léon Marchand est définitivement entré dans la cour des grands.
Cela fait quelques jours, déjà, que le jeune homme n’est plus “le petit prodige” présenté aux débuts de la compétition, reconnu chez les amateurs mais encore anonyme pour la plupart des Français. En trois épreuves, il est devenu une superstar des JO - de celles dont le portrait tapisse les Unes des magazines longtemps après leurs exploits, et dont le nom se scande en choeur chez tous les supporters des Bleus. Le travail a payé, et une carrière en or massif s’offre à lui. "On le suit déjà depuis quelques années, mais là, il a pris une nouvelle dimension”" commente Agathe, ancienne nageuse venue soutenir le jeune homme à la dernière minute. La veille au soir, cette Francilienne n’a pas hésité à débourser 150 euros pour assister à cet événement "historique". "Si vous m’aviez demandé de citer un grand nageur français il y a un an, j’aurais sûrement pensé à Florent Manaudou ou Maxime Grousset. Là, il n’y a plus de doute : Léon Marchand est le héros des JO !", confie-t-elle. Dorothée et Vincent, eux, ont accepté de débourser 500 euros, il y a une semaine, pour avoir la chance d'assister à ces finales, tandis qu’Antoine et Kevin avaient sorti leurs plus beaux costumes de coq pour venir soutenir le nageur.
Avant de rafler trois médailles d’or en quatre jours, Léon Marchand était déjà le Français le plus titré de l’histoire des mondiaux, avec cinq médailles d’or gagnées aux championnats du monde entre 2022 et 2023. Il est également le premier nageur à avoir raflé trois titres individuels dans les mêmes championnats, lors du mondial de Fukuoka, au Japon, en 2023. Compétition après compétition, le jeune homme éblouit, impressionnant le public autant que les plus fins observateurs.
A la sortie du stade, deux médailles d'or plus tard, Stéphane, lui, a encore des étoiles dans les yeux. "On a pris nos billets il y a un an, et on ne s’attendait pas à une telle apothéose. On racontera ce qu’on vient de voir à nos petits-enfants !", promet déjà ce Francilien, venu avec son épouse. Le couple suivra, évidemment, la suite de la carrière de Léon Marchand outre-Atlantique - car les performances époustouflantes du nageur ont rapidement attiré l’oeil des meilleurs entraîneurs du monde. Coaché par Nicolas Castel au sein du club toulousain des Dauphins du TOEC de Toulouse jusqu’en 2021, Léon Marchand s’entraîne depuis trois ans avec les Sun Devils d’Arizona State, aux Etats-Unis, où il a choisi d’étudier. S’il a gardé auprès de lui son entraîneur de toujours, il est également préparé depuis lors par Bob Bowman, le mentor d’un certain… Michael Phelps. Le parcours du nageur semble désormais tout tracé, et sa rapidité n’a pas fini de faire rêver les supporters. Vendredi 2 août, il devrait régner en maître sur le 200 mètres quatre nages - sa discipline de prédilection -, sur une distance pour laquelle il a déjà été sacré champion du monde à deux reprises. Et le 4 août, le Français est également attendu sur le relais 4 x 100 mètres quatre nages. "On n’a pas fini de rêver", conclut Stéphane en réajustant les lunettes bleu-blanc-rouge sur son nez. Derrière lui, des spectateurs sur le chemin du retour scandent encore le nom de "Léon".