La saga du micro-ordinateur T07 racontée par Michel Leduc, ancien ingénieur Thomson à Moulins
Non, le TO7 n’est pas le dernier Terminator. C’était un micro-ordinateur commercialisé par le groupe Thomson SA de novembre 1982 à juin 1984, qui a permis à toute une génération de faire ses premiers pas en informatique, notamment dans le cadre d’un plan destiné à équiper les écoles.
La première version s'est arrêtée rapidement, en 1984, mais la famille des produits TO/MO ne s'est arrêtée qu'en 1989 avec les différentes versions TO7-70, TO8, TO8D, TO9, T09+, MO5 (dont un MO5 Platini), MO6, MO6E avant de passer aux compatibles PC avec le TO16 et le CPC2 (qui ne sortira jamais chez Thomson, mais chez Daewoo).
L’aventure d’une petite équipeMichel Leduc, ingénieur qui a travaillé à l’usine Thomson de Moulins de 1974 à fin 1982, a été l’un de ses concepteurs, avec José Henrard, tous deux rejoints par Didier Roustide, ingénieur clermontois. Il vient de publier “Le Thomson T07, succès controversé de la micro-informatique française”, un livre paru début juin chez L-Écritoire, dans la collection Lignes de vie.
Le micro-ordinateur français Thomson T07 a été fabriqué de 1982 à 1984.
"Le TO7 est au Computer Museum de San Francisco, sur l’histoire de la micro-informatique. En fait, il est encore partout. J’ai découvert que beaucoup de gens vivaient encore dans l’environnement de la micro-informatique des années quatre-vingt. Il y a des blogs, des associations, c’est assez hallucinant", souligne-t-il."Les premiers ordinateurs dans les écoles dans les années quatre-vingt, le plan Informatique pour tous, les débuts de la micro-informatique française avec le TO7 de Thomson : c’est cette saga, commencée à Moulins, que j’ai voulu raconter dans ce livre. C’est une façon de la revivre de l’intérieur, d’en découvrir les aspects secrets et certaines réponses aux controverses", explique Michel Leduc, qui a "le sentiment d’avoir vécu quelque chose - l’aventure d’une petite équipe - différent de ce que la presse de l’époque a raconté".
DéfiIngénieur Eseo (École supérieure d’électronique de l’ouest), Michel Leduc avait débuté chez Thomson Grand Public à Moulins en 1974 pour travailler sur le vidéodisque. Cette activité ayant été transférée à la division professionnelle de Thomson, on lui a ensuite demandé de trouver un ordinateur domestique pour le grand public. Faute d’accord possible avec les pionniers américains Apple et Atari, il décidera d’en créer un : ce sera le T07.
"C’était ambitieux, mais avec le patron de l’activité vidéodisque, Lucien Lainez, on a dit à la direction de Thomson “on sait faire !”. J’étais OK pour le hardware et José Henrard a été embauché pour la partie logicielle", commente-t-il.
Plan informatique pour tous
Quels souvenirs garde-t-il de Thomson ? "C’était une grosse usine, la plus importante de Moulins, employant un millier de personnes à l’époque. J’étais jeune ingénieur, j’ai appris l’industrialisation d’un produit. J’ai tout appris à Moulins, avec un patron à l’ancienne qui m’a donné ma chance. Et j’ai rencontré ma femme chez Thomson".Les premiers ordinateurs ont donc été produits sur les chaînes de l’usine de Moulins, qui a fermé en 1986. Les suivants ont été faits à Angers. 700.000 T07 ont été vendus, uniquement en France, car le T07 a été un échec à l’étranger (Allemagne, Angleterre, Italie) en raison de son orientation éducative.Cette orientation lui a permis d’être choisi pour le plan Informatique pour tous - lancé, en janvier 1985, par le Premier ministre Laurent Fabius, amenant 100.000 ordinateurs, la plupart de Thomson, dans les écoles - mais elle l’a freiné sur le marché européen, plus orienté jeux.
Le Thomson T07 a permis à toute une génération d'aborder la révolution informatique.
"Quand la politique s’en mêle, cela devient compliqué. Il y a eu des problèmes de logistique, de fabrication. Pourtant, le T07 a été une découverte fantastique. Toute une génération a ainsi mieux abordé la révolution informatique".
Revaloriser les métiers techniquesMichel Leduc est pessimiste quant à la capacité de la France à suivre l’évolution technologique. Il avait cofondé Axyn Robotique, qui a créé le premier robot français de téléprésence.
"Mais la robotique en France, c’est tabou. On dit que ça va supprimer des emplois. Pourtant, les autres, au Japon, en Corée, en Chine, le font au moment où l’on parle de réindustrialiser notre pays ! Nous avons dû fermer notre activité et les robots chinois nous envahissent".Il s’interroge : "Qu’est-ce qu’on donne à nos enfants pour leur permettre d’aborder les nouvelles ruptures technologiques ?
L’intelligence artificielle, la robotique, ce sont vraiment des challenges, c’est puissant, on ne pourra pas passer à côté.
Alors que les écoles d’ingénieurs se vident, un travail important est à faire pour revaloriser les métiers techniques. Un poste d’informaticien dans une banque, avec un salaire monstrueux, intéresse davantage qu’une start-up. On perd notre créativité".
L'auteur. Michel Leduc, 73 ans, maintenant installé près d’Aix-en-Provence, avait quitté Moulins pour Angers en 1983. En 1990, il a quitté Thomson, qui a stoppé son activité informatique en 1989. Il est administrateur de la Neowave, start-up Neowave qu’il a confondée en 2008, qui propose des solutions d’accès sécurisé aux réseaux et aux PC sans mot de passe à base de clés USB. Il contribue aussi à Trust Innov qui offre des solutions sécurisées pour l’identité numérique. Les autres start-up auxquelles il a participé, comme Axyn Robotique, n’existent plus. Pratique. 360 pages illustrées, 35 euros. Disponible dans la collection Lignes de vie chez L-Ecritoire (www.lecritoire.fr) en format papier et numérique. Une distribution en librairie est prévue. Un nouveau livre est en préparation, sur la carte à puce.
Pascal Larcher