Assassinat du numéro 1 du Hamas : comment Israël a humilié l'Iran et l'oblige à répliquer
Après la tragédie de Majdal Shams, village druze du Golan annexé par Israël, endeuillé samedi par la mort de douze jeunes lors d’un match de football, Israël avait clairement pointé du doigt le Hezbollah.
La réplique de l’État hébreu était donc attendue. Son degré d’intensité, comme sa portée symbolique, n’en demeurent pas moins inédits et propulsent l’ensemble du Proche-Orient encore plus près du précipice.
"Leur vie est en sursis"En moins de douze heures, Tsahal a frappé Beyrouth et Téhéran, tuant coup sur coup Fouad Chokr, l’un des plus hauts dignitaires du Hezbollah, et Ismaïl Haniyeh, le chef du bureau politique du Hamas.
Alors qu’une opération militaire d’envergure au Liban était redoutée, ce double assassinat ressemble à une étape. « Comme il y a des deux côtés la volonté d’éviter un élargissement incontrôlable du conflit, la réponse israélienne passait par un ciblage de personnes, analyse David Rigoulet-Roze, rédacteur en chef de la revue Orients Stratégiques (L’Harmattan). Si frapper Téhéran est une surprise, la méthode ne l’est pas. Dès le 22 novembre, Netanyahu a annoncé avoir donné l’ordre au Mossad de cibler tous les chefs du Hamas, politiques comme militaires, “partout où ils se trouvent”. Yoav Gallant, son ministre de la défense, qui se tenait à ses côtés, avait ajouté : ”leur vie est en sursis”. Ce dernier avait même fait une allusion assez claire à Haniyeh, parlant de “ceux qui profitent d’avions de luxe pendant que leurs émissaires agissent contre femmes et enfants. Ces gens sont voués à la mort”. Or, on a souvent reproché à Haniyeh son train de vie fastueux et ses déplacements en première classe. »
"Le cas Hanieyh est sans précédent"Au-delà de reporter sine die toutes nouvelles négociations en vue d’un accord de trêve à Gaza et d’une libération des otages israéliens, l’assassinat d’Ismaïl Hanyieh, souvent présenté comme l’architecte du rapprochement avec la République islamique, représente surtout un défi direct à Téhéran.
« Parvenir à l’éliminer en visant l’étage d’un immeuble d’habitation appartenant aux Gardiens de la révolution dans le centre de la capitale, c’est un camouflet pour le régime iranien. Jusqu’à présent, ce type d’élimination avait été mené sur le sol syrien et/ou libanais. Le cas Haniyeh est donc sans précédent », souligne le chercheur à l’Iris (Institut de relations internationales et stratégiques).
« Le guide suprême, Ali Khamenei, poursuit-il, a bien pris la mesure de cette humiliation puisqu’il a déclaré : “il est de notre devoir de nous venger et de punir sévèrement l’entité sioniste pour cet assassinat en Iran car celui-ci a été commis sur notre sol”. Le problème de Khamenei n’est pas tant la personne d’Haniyeh en elle-même que l’affront subi. »
"Jusqu’où aller trop loin"Dans cette logique d’engrenage, reste à connaître la prochaine étape. « Les Israéliens ont sans doute eu le feu vert des Américains pour réaliser quelque chose de spectaculaire plutôt que de basculer dans un élargissement de la guerre à l’échelle régionale, analyse rédacteur en chef de la revue Orients Stratégiques. La réponse des Iraniens, qui sont des gens rationnels, sera probablement du même acabit. Téhéran peut tenter de frapper des lieux particuliers ou, eux aussi, cibler des personnes en Israël. Cela a déjà été le cas puisque Itamar Ben-Gvir, le ministre d’extrême droite de la sécurité nationale, aurait échappé à plusieurs attentats, dont une tentative déjouée en septembre 2023 qui était l’œuvre d’une cellule téléguidée par l’Iran. Des deux côtés, nous sommes dans un engrenage du type “jusqu’où aller trop loin” », conclut David Rigoulet-Roze.
Dominique Diogon