Y a-t-il trop de cyanobactéries dans le lac des Fades, au cœur du Puy-de-Dôme ?
C’est une véritable infection. L’été, à cause des fortes températures, les lacs sont remplis de petites bactéries de couleurs et de natures différentes : les cyanobactéries. Laurianne Paris, chercheuse au laboratoire Micro-organismes : Génome Environnement de l’Université Clermont Auvergne (UCA), et la doctorante Noémie Cheuvart, sont allés pêcher des données sur ces petites bactéries qui font grand bruit, chaque année, pendant la période estivale.
Des bactéries essentielles à la vieLes cyanobactéries sont des "petites boules collées entre elles", comme le décrit Laurianne Paris, "souvent vertes ou bleutées, elles se nourrissent de nutriments pour se reproduire et grossir. Elles ont toujours été présentes sur terre et sont d’ailleurs essentielles à la vie car elles produisent de l’oxygène en absorbant du dioxyde de carbone, par le procédé de la photosynthèse."
Ces éléments microscopiques sont "présents toute l’année dans les lacs.Au printemps et en automne, ils sont imperceptibles à l’œil nu, ce sont des picocyanobactéries", auxquelles le projet No Limit s’intéresse tout particulièrement.
Avec les fortes chaleurs et l’augmentation des activités humaines, autour des lacs, notamment liées à l’agriculture, l’été est la période où les cyanobactéries grossissent le plus. La production de nutriments, due aux déjections d'animaux, notamment les pâturages, sont une aubaine pour elles. Ainsi, on observe, comme au lac des Fades, des petites particules vertes flottant à la surface de l’eau.
Mieux connaître les cyanobactériesLaurianne Paris, chercheuse dans le cadre du projet No Limit, explique que toutes les cyanobactéries ne sont pas dangereuses : "Sans elles, il n’y a pas de vie". Néanmoins, certaines sont hépatotoxiques, neurotoxiques ou dermatotoxiques. Leurs symptômes vont de l’indigestion à la mort par destruction des cellules du foie. C’est cette étape qui permet de déterminer si ces "algues bleues" sont cyanotoxiques.
Une sonde fixe développée en partenariat avec Athos environnement fait des relevés réguliers sur les conditions de l'eau du lac.
Lancé il y a deux ans par l’UCA et financé en partenariat avec la région Auvergne-Rhône-Alpes, le programme No Limit étudie l’évolution des cyanobactéries, notamment au lac des Fades. Des calculs sur leur concentration et leur vitesse de reproduction sont réalisés sur le terrain. Pour connaître leur toxicité, des échantillons d’eau du lac sont prélevés et étudiés au laboratoire.
No Limit, un projet aux multiples acteursUne collaboration technique d’abord se met en place entre l’UCA, la Région et le groupe Athos environnement. Celle-ci vise à développer et partager les coûts du matériel de recherche, notamment les sondes qui font les calculs sur place. L’étude sur l’eau prélevée n’est publiée, elle, qu’un an plus tard. Cependant, les relevés des sondes permettent de prendre des mesures rapides et efficaces pour prévenir des risques au niveau politique comme la fermeture d’un lac à la baignade, comme ce fut le cas au lac Servières.
Les données de la sonde sont ensuite téléchargées sur un ordinateur pour avoir les premiers résultats sur la concentration des bactéries.
La collaboration est aussi politique. No Limit communique les relevés des sondes aux mairies et aux communautés de communes. Grâce à ce travail collectif, le lac des Fades a pu être fermé à la baignade, en août 2023, en raison de son exposition aux cyanobactéries. Cette coopération débouche aussi sur des aménagements comme au lac d’Aydat, où des plantes ont été mises sur les berges pour filtrer ces nutriments et agir comme une barrière.
Les chercheuses se félicitent de ce travail d’équipe stimulant : "On sait pourquoi on travaille", dit Noémie Cheuvart, qui fait une thèse sur les picocyanobactéries. Laurianne Paris aussi est satisfaite : "Le monde de la recherche va au contact du monde socioéconomique, ça c’est cool". Cette coopération de deux mondes est donc essentielle pour faire progresser la recherche sur les cyanobactéries et la prévention des risques sanitaires.
Mathias Bernouin