Thierry la Fronde a bien vieilli : il devient Jaurès et Hugo, dans l'Allier, pour le festival Théâtres de Bourbon
Des huit châteaux qui accueilleront la sixième édition du festival Théâtres de Bourbon, du vendredi 2 au jeudi 15 août, trois recevront Jean-Claude Drouot : l’Ermitage Saint-Sébastien à Charroux, le Manoir des Noix à Veauce et le Château de Charnes à Marigny.
Que voir au festival Théâtres de Bourbon, chaque jour, du 2 au 15 août, dans huit châteaux de l'Allier
Jean-Claude Drouot vient jouer deux spectacles, des seul-en-scène : L’Art d’être grand-père d’après un recueil qu’avait écrit Hugo en 1877 et Jaurès, que le comédien belge a imaginé d’après des textes du grand socialiste.
C’était un vendredi 31 juillet 1914, à 21 h 40, dans un café. Jean Jaurès, figure emblématique du pacifisme, est assassiné, trois jours avant le début de la Première guerre mondiale. Même après sa mort, l’icône du socialisme continue d’incarner une philosophie morale et républicaine.
Vous incarnez Jean Jaurès depuis 2005, pourquoi ce personnage est plus fort que tous ceux que vous avez pu jouer en 60 ans de carrière ? « Je préfère dire homme que personnage. En 2005, on m’a fait un grand cadeau en me proposant de l’interpréter dans le film La Séparation, avec Pierre Arditi en Aristide Briand, Michael Lonsdale en Paul Doumer… J’en avais une connaissance générale. Ce film qui raconte la séparation de l’État et l’Église m’a permis de découvrir un grand orateur, animé par une profonde conviction, un homme de paix, d’une intégrité absolue. Ce n’est pas un personnage justement. L’historien de l’Assemblée nationale, Bruno Fuligni, a ensuite écrit une pièce à mon intention, La Valise de Jaurès. »
Quelles idées de Jean Jaurès défendez-vous aujourd’hui ?« Dans le spectacle que je vais présenter dans l’Allier, j’incarne deux de ses textes : son discours à la jeunesse, marqué par des mots très forts sur le courage, et son discours contre la peine de mort, pour contrer son adversaire le plus absolu à ce sujet, Maurice Barrès.Pour interpréter Jaurès, il s’agit d’adhérer à sa vision, coller à l’expression de sa pensée, d’être au cœur de sa conviction. »
Au festival Théâtres de Bourbon, vous interpréterez aussi un autre très grand intellectuel français, Victor Hugo. Voyez-vous des points communs entre eux ?« L’Art d’être grand-père est le moment où il est un dieu vaincu. Son épouse et ses deux fils meurent à deux ans d’intervalle. Il voudrait vivre dans la solitude et le silence. Le désert le tente. Sans ses deux petits-enfants pour tempérer son chagrin, il repartirait en exil.L’Art d’être grand-père n’est pas une prose distillant des conseils, c’est un recueil de poèmes. Tout est poésie chez Hugo, il est d’une complexité extraordinaire. »
Vous travaillez avec votre fils, Emmanuel Drouot, qui crée les lumières et les décors sonores de vos pièces. Pensez-vous ressembler en cela à Hugo qui entretenait un lien avec sa descendance ? « Nous avons eu quatre enfants avec mon épouse. J’ai sept petits-enfants et trois arrière-petits-enfants. Aucun n’est comédien comme Claire [son épouse] et moi, mais beaucoup ont l’art pour métier : mon aîné est chef opérateur dans le cinéma, mon dernier fils, professeur de chant lyrique, ma fille, scénographe. L’aîné de mes petits-fils, Arthur Pelloquet, est musicien. Je suis très fier de ma tribu. »
Pourquoi vous sentez-vous autant d’affinités avec des figures franches comme Jaurès, Hugo… ou Thierry la Fronde ? « Thierry la Fronde est une icône, mais je suis un homme de théâtre, c’est là où je m’exprime le plus complètement, j’ai besoin de mettre l’âme à nu face à un public. Vous savez, je suis né en Belgique. En mai 1940, j’avais 18 mois, j’ai connu l’exode. Ça a imprégné en moi le refus de la violence et de la guerre. »
Avez-vous connu Jean Vilar ?« Si j’ai choisi à 20 ans d’être comédien, c’est parce que j’ai vu ses pièces. J’étais alors étudiant en droit. J’ai eu l’occasion de lui dire combien je regrettais de n’avoir pas travaillé avec lui. Il m’a rassuré et m’a dit “Vous vous débrouillez très bien sans moi” ! »
Propos receuillis par Stéphanie Ména
Plus de renseignements sur le site : theatresdebourbon.com