Choisi par les parents, porté par l'enfant, le prénom, « un tatouage social » à assumer
Louise, Ambre, Alba et Jade pour les filles, Gabriel, Raphaël, Léo et Louis pour les garçons : tels sont les prénoms les plus donnés en 2023 selon l’Insee (Institut national de la statistique et des études économiques).Mais la tendance à varier la graphie brouille le classement. Ainsi Anna, avec toutes ses variantes orthographiques (Hanna, Ana, Hana, Hannah, Hanaa, Anah….), serait en fait le prénom féminin le plus donné, suivi de Mia, 13e selon l’Insee, qui se hisse au deuxième rang avec ses variantes (Mÿa, Miyah, Miah…), a calculé le service data du Figaro.
50 prénoms au XIXe siècleAvant 1993, « l’officier d’état-civil pouvait corriger l’orthographe des prénoms, mais depuis il doit l’inscrire dans la graphie demandée par les parents », explique le sociologue Baptiste Coulmont, professeur à l’École Normale Supérieure Paris Saclay.« Aujourd’hui plus de 12.000 prénoms sont répertoriés dans le Fichier des prénoms.»
Au XIXe siècle, 50 prénoms suffisaient à nommer 75 % des garçons ou des filles.
« Aujourd’hui, le plus donné ne l’est qu’à 1 % des filles nées dans l’année, explique l’auteur de Sociologie des prénoms.»
Une mesure du niveau d'individualismeLe choix de la singularité s’explique par le fait que le prénom sert aujourd’hui à identifier quelqu’un dans un groupe : une classe, le milieu du travail, où les gens étaient appelés par leur nom de famille jusqu’aux années 70, ajoute le sociologue.À cette diversité s’ajoute de plus en plus une variété des graphies : Alya passe du 40e au 7e rang si on ajoute 22 graphies différentes (Aliyah, Alliah..). Elio (Elyo, Helio…) se hisse du 31e au 9e rang, selon le Figaro.« Le nombre de prénoms en usage est un indicateur utilisé pour mesurer le niveau d’individualisme d’un pays. Les gens veulent un prénom unique et différent pour leur enfant, qu’ils voient comme un individu unique », explique Jean-François Amadieu, professeur à l’université Paris 1 Panthéon Sorbonne.Susciter un rejet
Les parents veulent bien faire, mais...Pour sa part, Baptiste Coulmont relève que « l’idée que l’orthographe, c’est sacré, c’est important chez les personnes très diplômées. Une partie des gens y attachent moins d’importance et écrivent le prénom comme ils l’entendent ».
L’originalité ne va pas sans risque. « Les parents veulent bien faire mais des études scientifiques ont montré que des prénoms avec des graphies non conventionnelles peuvent susciter du rejet chez les autres, car le cerveau humain n’aime pas ce qui est compliqué », estime de son côté Anne-Laure Sellier, professeure de sciences comportementales à HEC.« Les parents pensent que le choix du prénom est leur affaire. Or c’est l’enfant qui va le porter et les autres qui vont l’utiliser. Le prénom est un tatouage social », relève A-L. Sellier, autrice de La Science des prénoms.
AFP