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Июль
2024

"Camera obscura", de Gwenaëlle Lenoir, la vérité des morts dans le viseur

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L’écriture est douce, poétique, mais le récit glaçant, les personnages pétris de tendresse et de beaux sentiments mais leurs états d’âme et les affres auxquels l’histoire les confronte d’une noirceur rapidement étouffante.

Journaliste de profession, spécialiste de l’Afrique orientale et du Proche et Moyen-Orient, Gwenaëlle Lenoir révèle dans Camera obscura, son premier roman, une plume d’une justesse saisissante, un propos d’une puissance universelle, inspiré des faits et gestes du photographe syrien César, dont les photos ont permis de prouver les exactions du régime de Bachar Al-Assad.

On ne sait pas exactement dans quel pays l’on se trouve, mais l’on devine l’époque, celle d’une dictature obscurantiste, qui envoie à la morgue ses opposants manifestant pacifiquement pour plus de liberté.

C’est dans ce local borgne, dirigé par d’une poigne de fer par des chefs corrompus et veules, coincé dans un hôpital militaire mystérieux et dépourvu d’humanité, qu’opère un photographe militaire. Un matin, on y amène quatre corps, affreusement torturés, classés comme accidentés. À lui la charge de les photographier et de transmettre leurs dossiers aux autorités compétentes.

Se révéler à soi-même

Jour après jour, les morts se font plus nombreux, les sévices plus violents et les raisons d’un tel carnage de moins en moins supportables. Lui, désormais, ne peut plus se cacher derrière l’objectif de son appareil photo, il ne peut plus se taire ; la terreur et l’arbitraire, qui gagnent l’ensemble de la société, gangrènent sa vie personnelle et son amour pour sa femme et ses enfants, le révélant à lui-même.

Lui qui a grandi sans faire de vague se mue en résistant, exfiltre ses photos et les informations tronquées qui les accompagnent pour les porter à la connaissance du monde entier.

Un cas de conscience, une prise de conscience qui le mène au bord du gouffre, l’angoisse chevillée au corps, l’esprit en ébullition. Jusqu’à quel point d’engagement résistera-t-il ? Quel est le prix à payer pour gagner la liberté et qu’éclate au grand jour, la vérité ? Pour rendre aux victimes des tortionnaires leur dignité, à l’espoir toute sa lumière ? À la vie sa force et à l’amour sa puissance ? Un roman bouleversant et inspirant. 

Camera obscura, de Gwenaëlle Lenoir (Julliard) ; 215 pages, 20 €.

La fin d'un cycle

Urushi est le vingtième roman de l’auteure japonaise, installée à Montréal depuis 1991 ; il clôt le cycle Une clochette sans battant. Quelques mois dans la vie de la jeune Suzuko Niré, qu’elle évoque avec une belle sensibilité.

À la mort de sa mère, son père s’est remarié et offert à sa fille un cocon où grandir en confiance. Mais à 15 ans, Suzuko rêve de l’amour de son demi-frère qui fait sa vie loin de la maison. Comment le retrouver, comment aimer, comment envisager l’avenir avec ce poids sur le cœur ? Un oisillon blessé qu’elle recueille pourrait l’aider à trouver sa place.

Roman initiatique, Urushi offre une entrée lumineuse dans le monde adulte et une plongée délicate dans la culture nippone.

Urushi, d’Aki Shimazaki (Actes Sud) ; 144 pages, 16 €. Simultanément en Babel, Sémi.

Blandine Hutin-Mercier