Journée mondiale du baiser : les applications de rencontre, véritable eldorado ?
En 1995, un ovni vient révolutionner les rencontres amoureuses : Match.com. Jusqu'alors, les célibataires les plus déterminés (et courageux) avaient recours aux petites annonces des journaux pour forcer le destin et peut-être rencontrer l'âme soeur. Une démarche qui vaudra à plus d'un de belles frayeurs et de mauvaises surprises... C'est justement dans le but de transposer sur Internet ces annonces amoureuses que Gary Kremen, ingénieur de formation, imagine Match.com, le premier site de rencontre pour célibataires. Devenu numéro 1 mondial du secteur, avec sous son giron des entreprises comme OkCupid, Tinder et Meetic, Match.com ouvre la voie à une armada de sites qui fleuriront au cours des années 2000.
Près de 30 ans plus tard, le marché des applications de rencontre dénombre plus de 72,7 millions d'utilisateurs en Europe en 2020 et un revenu global de 7,9 milliards de dollars sur la même année. Si les Etats-Unis restent le marché principal avec plus d'1,7 milliard de dollars généré en 2020, l'Europe et la Chine, restent des marchés importants avec respectivement 1,6 milliard et 1,1 milliard de dollars de recettes.
Les enjeux de sécurité des applications de rencontreAujourd'hui, près d'une relation sur trois se crée grâce aux sites de rencontre, selon Match.com, et on recense plus de 8 000 sites et applications de " dating " dans le monde, dont 2 000 en France. A travers eux, on peut en savoir beaucoup sur son crush avant même de l'avoir rencontré ou sans même l'avoir matché. Le profil d'un utilisateur nous permet de connaitre son prénom ou son pseudo, sa géolocalisation, sa profession et bien plus, sans même qu'il en ait conscience. En détournant ces informations, on peut avoir accès en quelques clics à son profil Facebook, Instagram ou LinkedIn, et donc connaitre sa véritable identité, ses amis, son lieu de travail et même son adresse mail dans certains cas. Une dérive largement exploitée par le très torturé Joe Goldberg dans la série à succès " You ", qui souligne la fragilité de certaines applications et réseaux sociaux face au stalking (ou " traque furtive " qui est une forme de harcèlement névrotique qui peut inclure le fait de suivre ou surveiller des victimes). En emmagasinant un nombre important de données sur ses utilisateurs, les applications de rencontre les exposent, de fait, à de nombreux prédateurs. En 2017, l'entreprise de solutions de cybersécurité Kaspersky a mis en lumière ces failles à travers une étude démontrant, preuves à l'appui, que de nombreuses applications de rencontre ne géraient pas de façon suffisamment prudente les données sensibles de leurs utilisateurs. Si dans la majorité des cas, les failles ont été traitées et résolues depuis, la RGPD reste un sujet fondamental pour nombre d'applications, comme l'explique Karima Ben Abdelmalek, CEO et Présidente de l'application de rencontre Happn, qui a fait de la RGPD un de ses atouts. " Le dating révèle l'intimité des personnes et, à cet égard, revêt un caractère particulièrement sensible pour les utilisateurs. Ils sont donc particulièrement vigilants quant au traitement des données qu'ils nous confient ". Une préoccupation grandissante de leur clientèle qui les a encouragés à développer " un meilleur niveau de sécurité sur toutes les données quelles qu'elles soient ".
En permettant à chacun d'entrer dans l'intimité de l'autre en quelques messages, les applications de rencontre sont devenues le témoin d'échanges intimes et de leurs dérives. Dans la vraie vie, il ne nous viendrait jamais à l'idée de donner notre numéro de carte bleue à un inconnu. On nous a éduqué à nous méfier des autres et à ne pas partager d'informations personnelles. Pourtant, cette évidence semble plus floue de nos jours. Nous montons dans la voiture d'un inconnu via notre application Uber, nous donnons notre adresse et notre code d'entrée à un livreur Deliveroo et nous parlons à des inconnus sur Tinder ou Bumble... " L'écran qui nous sépare de l'autre nous donne parfois plus d'assurance, on se permet alors d'envoyer des photos ou des moments intimes. Mais il ne faut pas oublier qu'une fois envoyés, il nous est impossible de maitriser ce qu'il adviendra de ces contenus. Certes, ça alimente le jeu de séduction, s'il est réciproque, pourtant je pense que les applications doivent éduquer leurs utilisateurs, et les prévenir des risques de ce type d'échanges ", note Sarah Zerbib, plaisirologue et psychologue et fondatrice d'Âme Fauve, un programme d'accompagnement et de philosophie de vie. C'est le cas de l'application Bumble qui a pris le parti d'empêcher les utilisateurs d'envoyer des photos, évitant ainsi aux jeunes femmes de recevoir des photos à caractère sexuel non consenti. L'entreprise Happn a quant à elle dédié des équipes à la sécurité de ses utilisateurs. " Les applications de rencontre doivent faire en sorte que leur plateforme soit un lieu d'échanges sûr. Chez Happn nous y accordons beaucoup d'importance. Nous avons un code de conduite qui nous permet d'exclure certaines personnes de l'application si elles transgressent les règles. Nous proposons également des contenus pédagogiques sur la manière de faire des rencontres via les applications ", ajoute Karima Ben Abdelmalek. Pour la plaisirologue et psychologue Sarah Zerbib, l'enjeu pour les applications est d'apprendre à leurs utilisateurs à se comporter avec la même intégrité en physique qu'en virtuel.
Slow dating, revenge dating, métavers : quelles tendances en matière de rencontre ?" Aujourd'hui, un Français sur deux utilise les app de dating. Ce qui montre bien que le secteur a un bel avenir devant lui ", note Karima Ben Abdelmalek, CEO et Présidente de l'application de rencontre Happn. Pourtant, le secteur n'en reste pas moins dépendant des humeurs de ses utilisateurs. L'une des tendances qui prime depuis ces dernières années, est le slow dating, un concept qui consiste à prendre davantage son temps dans sa découverte de l'autre. Ralentir le rythme des matchs permet ainsi aux célibataires de mieux découvrir la personnalité de leurs prétendants potentiels, et donc faire des rencontres de qualité plus que de quantité. Une tendance exploitée par l'application Once qui ne propose à ses utilisateurs qu'un seul profil par jour. Post-pandémie, les équipes d'Happn ont également observé que certains de leurs utilisateurs avaient peur de se relancer dans une relation, " et c'est bien normal, après deux ans confinés, on perd un peu l'habitude de rencontrer de nouvelles personnes ", ajoute Karima Ben Abdelmalek. Une tendance qui ne semble heureusement pas toucher tous les célibataires puisque le site de rencontre français a récemment révélé une étude qui notait que post-confinement, un Français sur deux avait envie de prendre sa " revanche amoureuse ". C'est ce qu'on appelle le revenge dating. " Il s'agit de toutes celles et ceux qui n'ont pas pu dater pendant deux ans et qui ont soif de rencontrer de nouvelles personnes et de prendre leur revanche sentimentale ", précise la CEO et Présidente d'Happn.
" On le voit bien, les tendances en matière de dating évoluent. Les célibataires n'ont plus envie de perdre leur temps ", affirme la CEO et Présidente d'Happn. " C'est pour cela que nous avons intégré à l'application l'option vidéo afin que nos utilisateurs puissent "vérifier" que l'intérêt pour leur crush est bien réel avant d'organiser une rencontre dans la vraie vie ". Une option également développée chez Match.com qui a décidé d'aller plus loin en s'ouvrant au métavers. Récemment, le groupe américain a révélé son envie de mettre à disposition de ses utilisateurs un monde virtuel composé de jeux, de divertissements et d'expériences partagées, dans le but de rencontrer de nouvelles personnes " comme dans la vraie vie ". Une expérience qui est déjà possible avec Nevermet, une application qui permet à chacun de trouver l'âme soeur (ou des amis) dans un monde virtuel, via un avatar. " En tant qu'entreprise Tech, on se doit d'observer toutes les tendances et de n'en exclure aucune. C'est important de laisser toutes les portes ouvertes. Il faut seulement garder en tête que ça doit avant tout bénéficier à l'utilisateur. On pourrait par exemple imaginer utiliser le métavers pour créer une relation de confiance entre les personnes et ainsi permettre à nos utilisateurs de révéler leur personnalité dans un monde virtuel ", précise Karima Ben Abdelmalek.
Des technologies au service (ou pas) des utilisateursAnalyse du QI, notation et suggestion des profils... En 2019, la journaliste Judith Duportail dévoilait les travers de l'algorithme développé par l'entreprise Tinder. Prénommé Elo Score, ce mystérieux algorithme nous attribuait une note de désirabilité à notre insu. Le résultat ? " Quand votre profil est montré à quelqu'un, vous êtes matché contre quelqu'un d'autre. Si la personne contre vous a une cote haute et vous like, vous gagnez des points. Si elle a une cote basse et vous ignore... vous en perdez ", résume la journaliste dans son livre L'Amour sous algorithme. En analysant à la loupe un brevet de 27 pages déposé par deux des cofondateurs de Tinder, intitulé " US 2018/0150205A1 ", Judith Duportail découvre que l'algorithme développé par l'application est capable de trouver des points communs entre deux utilisateurs à travers leurs photos, leur biographie et toute donnée partagée dans le but de favoriser les matchs. Son procédé ? L'application scanne simplement vos photos, vos réseaux sociaux ou vos passions pour déterminer un profil et vous présenter des célibataires qui présentent les mêmes similitudes. Lors de la création de votre profil, vous avez opté pour une photo de vous en pleine randonnée ? Vous serez donc classé dans la catégorie " randonneur " par l'algorithme de Tinder et donc susceptible de rencontrer des fans d'escapades montagnardes, mais jamais des afficionados de cuisine...
Pire encore, le document stipule que les hommes et les femmes ne sont pas évalués de la même façon. Les femmes ont par exemple des points malus si elles ont fait des études, alors que ce critère fait gagner des points aux hommes. De plus, le système de matching privilégie un modèle dans lequel l'homme doit avoir le dessus sur la femme : être plus éduqué, plus riche, plus âgé. Ce système de score de désirabilité aurait ainsi un impact négatif sur la confiance en soi. " Être soumis à la validation de l'autre fait naitre chez beaucoup de jeunes femmes, notamment, une perte de confiance en elles " souligne la plaisirologue et psychologue Sarah Zerbib. Pour certaines, l'absence de matchs est vécue comme un rejet, une façon de leur signifier qu'elles ne sont pas assez séduisantes et par extension, que personne ne pense à elle. " Avant, si on voulait être un peu plus désirable, on allait faire du shopping ou on changeait de coupe de cheveux. Aujourd'hui, on change simplement de photo de profil pour recevoir des likes ou faire plus de matchs sur les applications ".
Pourtant, la plaisirologue et psychologue rappelle que malgré ces dérives, il est important de ne pas diaboliser les applications de rencontre. " C'est un outil qui offre une ouverture considérable sur le monde. Mais comme tout outil, tout dépend de la manière dont on l'utilise ".
Je swipe donc je suis" Quand Tinder a débarqué j'ai trouvé ça absolument dingue, tant au niveau de l'ergonomie que dans la simplicité avec laquelle ça nous permettait de faire des rencontres. Mais après deux ans d'usage, j'avais un peu l'impression de m'être fait lobotomiser le cerveau. J'étais devenu accro ", déclare Antoine Géraud, fondateur de l'agence matrimoniale Abricot. Un comportement souvent pointé du doigt par des utilisateurs. Un like, un message ou un match provoque instantanément une sorte de satisfaction à court terme, un shot d'endorphine. C'est cette sensation qui nous pousse à nous reconnecter et à swiper encore et encore.
Le jeune homme est un millennial, une génération en quête de solutions et d'explications. Il cherche à comprendre comment il en est arrivé là. En s'intéressant aux mécanismes et au business model des applications de rencontre, Antoine Géraud se rend compte qu'elles ont les mêmes objectifs que les réseaux sociaux. " C'est-à-dire qu'ils gagnent de l'argent au temps d'écran. Leur objectif est de nous faire rester le plus longtemps possible sur l'application car, dans la majorité des cas, il s'agit d'applications gratuites, donc soumises aux pubs pour être rentables ". Rapidement, il se rend compte que les applications telles que Tinder mettent en place des " dark pattern ", autrement dit, des techniques pour nous rendre accro, comme ce qui est utilisé sur les réseaux sociaux afin de nous pousser à " consommer " via un circuit de récompenses : une méthode utilisée chez Uber et Instagram notamment. " Finalement, j'étais plus accro au fait d'avoir des matchs qu'à celui de faire des rencontres. C'était rentré dans un circuit de solitude connectée. "
Pour la plaisirologue et psychologue et fondatrice du podcast Âme Fauve, Sarah Zerbib, ce comportement est en grande partie dû au fait que nous baignons dans une société capitaliste qui nous pousse à " consommer ". Qu'il s'agisse de nourriture, de vêtements, de voyage ou de personne. " On se dit qu'il y a toujours mieux après, qu'il y a peut-être une meilleure affaire qui nous attend cinq swipes plus loin. De fait, il y a une sorte d'augmentation de notre exigence amoureuse. "
Fort de ces analyses, Antoine Géraud souhaite proposer à ses utilisateurs un service différent, quoi que... pas tout à fait au début. " Lorsque j'ai lancé Abricot, c'était une app de dating. Mais très vite, je me suis rendu compte que ce n'était pas la bonne idée. Lorsqu'on crée une application, on est toujours confronté, de près ou de loin, à cette notion de rétention, en l'occurrence, la rétention d'utilisateurs. Ce n'était pas ce que je voulais ". L'entrepreneur se tourne alors vers le modèle de l'agence matrimoniale traditionnelle auquel il injecte de la technologie afin de proposer des profils plus pertinents à ses utilisateurs. S'il s'éloigne rapidement du modèle des applications de rencontre, Antoine Géraud garde cependant un de leurs " fondamentaux " : la quantité et la diversité de profils. " A la différence des agences traditionnelles qui ne font que du " match-making " entre clients payants, on a décidé d'ouvrir Abricot à des membres gratuits afin d'offrir plus de choix à nos utilisateurs qui auraient été frustrés par un modèle plus restreint. Ouvrir notre plateforme à des profils gratuits nous permet de piocher dans un vivier qui représente à lui seul des dizaines de milliers de profils " ajoute le fondateur d'Abricot. Cependant, à la différence des applications de rencontre, ce sont les équipes d'Abricot qui sourcent les profils et n'en présentent qu'une poignée à leurs utilisateurs payants. " Parfois on pourrait présenter davantage de profils à nos clients, mais on ne le fait pas pour ne pas leur donner de mauvaises habitudes ", ajoute l'entrepreneur.
Pourquoi une journée internationale du baiser ?Apparue au Royaume-Uni au début des années 2000, la journée mondiale du baiser a rapidement été adoptée dans le monde entier. Elle est même devenue une fête officielle, célébrée chaque année le 6 juillet. Cette journée met en avant l'importance du baiser dans les relations humaines, que ce soit un baiser romantique, familial ou amical. Le baiser a une signification culturelle et symbolique forte dans de nombreuses traditions à travers le monde, représentant l'amour, l'affection, la paix et la camaraderie.
Partout dans le monde, les gens marquent cette journée en échangeant des baisers, en participant à des concours de baisers ou en partageant des moments intimes avec leurs proches. Car embrasser a des effets positifs sur la santé, comme la réduction du stress, le renforcement du système immunitaire et l'augmentation du niveau de bonheur grâce à la libération d'endorphines. Le baiser favorise la libération de neurotransmetteurs comme la dopamine et l'ocytocine, qui augmentent les sentiments de bonheur et de connexion. Embrasser réduit également le niveau de cortisol, l'hormone du stress, et favorise la détente. Enfin, échanger des bactéries inoffensives par le baiser peut être source de renforcement du système immunitaire.
Des tentatives de record du monde de la plus longue chaine de baisers ou du plus long baiser sont souvent organisées pour marquer cette journée. Le record du plus long baiser enregistré est d'ailleurs détenu par un couple thailandais qui s'est embrassé pendant 58 heures, 35 minutes et 58 secondes en 2013.
Cet article a été publié initialement sur Big Média Journée mondiale du baiser : les applications de rencontre, véritable eldorado ?