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Июль
2024

Pourquoi le secteur des jeux vidéo est sous pression, par Robin Rivaton

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La parenthèse Covid se termine dans de nombreuses industries. La livraison à domicile a été évoquée dans cette chronique il y a quelques semaines, et c’est maintenant au tour du jeu vidéo de comprendre qu’il a mangé son pain blanc. Le sentiment de crise qui règne dans le secteur après deux années de baisse contraste avec la croissance enregistrée pendant la pandémie, qui a poussé de nombreux consommateurs confinés à consacrer de leur temps et de leur épargne forcée aux jeux. Ce pic a marqué l’aboutissement d’un cycle inauguré par la sortie de la première PlayStation en décembre 1994, amenant l’industrie à près de 200 milliards de dollars de revenus.

Désormais, l’engouement pour le matériel diminue. Du côté des consoles, Sony a réduit ses prévisions de ventes sur la PlayStation 5. Celles-ci ont atteint 59 millions d’unités depuis le lancement, dont 21 millions l’année dernière contre 25 millions attendues. Elles se situent à 18 millions cette année. Pour atteindre ces chiffres, Sony a consenti de larges rabais, rognant sa marge.

La Switch de Nintendo, troisième plus gros carton de l’histoire des consoles, est entrée dans sa septième année de commercialisation, et ses ventes chutent elles aussi rapidement. La sortie de la prochaine édition ne se fera pas avant mars 2025. Quant à la Xbox de Microsoft, elle n’a pas d’héritière, et les ventes sont atones. Qui dit moins de consoles dit moins de jeux à venir. Dans le mobile, les dépenses de consommation consacrées aux jeux ont diminué de 2 % l’année dernière, à 107 milliards de dollars selon Data.ai.

L’échec d’un seul jeu devient mortel

En parallèle, les coûts de fabrication de ces mêmes jeux ont explosé, mettant sous pression les développeurs, qui ont annoncé 4 000 licenciements cette année, après avoir déjà supprimé près de 10 000 emplois l’année dernière. Le très attendu GTA 6 aurait coûté entre 1 et 2 milliards de dollars. Avec de tels investissements, l’échec devient mortel. Les maux constatés dans le cinéma, à savoir une concentration autour de quelques franchises usées jusqu’à la corde, se retrouvent.

Les puissants effets de réseau des jeux multijoueurs, comme Call of Duty, rendent également plus difficile la réussite des nouveaux venus. La stratégie de réserver certains jeux à certaines consoles afin de les rendre plus attractives a échoué, car elle revient à restreindre l’audience potentielle. Microsoft, dont la Xbox est reléguée à la troisième place, a d’ailleurs annoncé qu’il cherchait à vendre davantage de ses propres jeux sur des consoles concurrentes, pour amortir les 75 milliards de dollars déboursés pour s’offrir Activision Blizzard l’année dernière.

Disney et Netflix dans la danse

Dans le même temps, la pression concurrentielle a augmenté. L’immense popularité des jeux en ligne gratuits, avec des achats inclus, comme Fortnite ou Roblox, consomme des heures d’amusement qui étaient auparavant dédiées à des titres payants. Craignant de voir leurs fans avalés par les jeux, les plateformes de divertissement, films et séries, ont investi massivement dans cette industrie. En février dernier, Disney a mis 1,5 milliard de dollars dans le créateur de Fortnite, Epic Games. En 2022, Netflix s’est lancé dans le jeu pour conserver ses abonnés entre deux saisons de leurs séries préférées. L’investissement, principalement des rachats de jeux PC portés sur mobile, dépasse aujourd’hui le milliard. Et les résultats sont moyens. A ce jour, le catalogue de jeux de Netflix a généré un total de 326 millions d’installations. Soit un taux médian de 1,3 million d’installations par titre.

Vous l’ignorez sans doute, mais Amazon s’est aussi lancé dans la bataille, il y a huit ans déjà, avec une stratégie de développement interne de jeux premium. Las, le géant de Seattle est toujours à la recherche de son premier blockbuster, et il n’hésite pas à offrir une quinzaine de jeux bricolés ou anciens en échange d’un abonnement à son service Prime.

L’occasion de rappeler l’aventure de Google avec Stadia, son service de cloud gaming annoncé en novembre 2019. Une innovation présentée à l’époque comme un concurrent révolutionnaire des plateformes similaires proposées par Xbox ou Sony. Pour en développer le contenu, l’entreprise avait embauché des légendes du secteur. Trois ans plus tard, Google a fermé le service et remboursé tous les achats, à la fois matériels et logiciels.

Robin Rivaton est directeur général de Stonal et membre du conseil scientifique de la Fondation pour l’innovation politique (Fondapol)