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Июль
2024

Nos questions, leurs réponses : l'interview intégrale de Catherine Couturier, candidate NPF dans la Creuse

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La question que vous vous posez cette semaine 

Aurons-nous une majorité pour mettre en œuvre le programme de rupture qui est tant attendu par les citoyens de façon à permettre une réponse aux problématiques sociales, environnementales et de société ? Qui n'ont, je pense, jamais eu vraiment de réponses dans cette période de la macronie qui a mis les citoyens dans un niveau d’incompréhension totale de leur avenir. Et donc je me pose la question, notamment, de :

Est-ce que les citoyens vont prendre concrètement la mesure du choc qu'on est en train de vivre et du risque de voir l’extrême droite l’emporter dimanche soir ?

J’ose espérer qu’il y ait un réveil républicain pour ce deuxième tour et je le sens ce réveil. Une partie du vote RN était une forme de colère, pour dire un ras-le-bol mais quand on discute avec les gens, il y en a qu'on peut convaincre. La télé qui rabâche en permanence le discours de Bardella... Quand on leur explique les votes réels à l’Assemblée nationale...

D’ailleurs moi, j'invite les électeurs à bien lire la circulaire qu’ils vont recevoir, on a pointé un certain nombre de votes à l’Assemblée nationale où le RN a voté contre alors qu'ils prétendent répondre aux problématiques sociales : hausse des salaires, blocage des prix sur l’électricité, l’installation des médecins dans les déserts médicaux, au niveau de l'Europe aussi. Bardella et Bellamy aussi d’ailleurs ont voté pour les accords sur le Mercosur, le Ceta, ils ont voté contre cette fin de libre-échange, contre la taxation des super-profits. On a un électorat, sur le vote RN, qui regarde les gens qui ont encore moins qu'eux et qui disent : "On leur donne des prestations, ils gagnent presque autant que moi mais ils travaillent pas". Donc, oui, je pense qu’on peut encore inviter, convaincre des électeurs qui se sont abstenus. Je crois que ça a été un choc, dimanche soir sur les résultats. Les gens qui ont voté blanc sur cette circonscription, il y a pratiquement 1.500 électeurs qui se sont déplacés et qui ont voté blanc. Ces votes blancs, les abstentions, les nuls, ce sont des votes pour Bartolomé Lenoir. Il faut que chacun mesure.

Donc, si je cumule la réserve de voix que j'ai, petite mais que j'ai, avec les votes blancs, les nuls, les abstentions, je récupère pratiquement 4.000 voix. Et je pense que ma réserve de voix, elle est essentiellement dans l’électorat républicain qui a des valeurs humanistes, sociales, de solidarité, des valeurs de gauche, centre gauche.

Même à droite, je pense qu'il y a des républicains qui feront le choix de ne pas laisser passer le RN sur cette terre de la Creuse qui est une terre de résistance, une terre d'accueil...

Une terre qui a accueilli Bartolomé Lenoir...

Oui. Valérie Simonet a accueilli Bartolomé Lenoir. Elle a même fait campagne à ses côtés pour les Européennes. D'ailleurs, Bartolomé Lenoir dit qu'il n'a jamais été candidat, c'est faux, il l'a été sur la liste de Bellamy. Donc, on voit bien que c'est un usurpateur. Madame Simonet, quand elle l'a accueilli, elle a dû se dire : c'est la relève. Eh bien, aujourd'hui, je ne sais pas, c'est un concurrent pour elle ou un partenaire pour laisser passer le RN ? C'est ça la question à poser à Madame Simonet (La transition est toute trouvée pour la question suivante...)

La question que vous aimeriez poser à vos adversaires

Premièrement, à Monsieur Bartolomé Lenoir, je n'ai pas vraiment de questions à lui poser parce qu'il ne connaît pas ce département.

On sait que c'est un opportuniste qui sera aux côtés de Monsieur Bardella et de Monsieur Ciotti. Lui, c'est sa carrière politique qu'il joue.

Madame Simonet, moi, je me pose vraiment la question de : elle est aujourd'hui la présidente du Département, va-t-elle cumuler deux mandats et dans quel groupe elle siégera si elle devait être élue ? Certainement dans le groupe créé par le président de l'AMF.

Je me pose la question aussi de : est-ce qu'il n'y a pas une petite recherche de financement de parti, on sait que la droite est totalement explosée et qu'elle est en train de se reconstruire donc qu'est-ce qu'elle cherche ?  Elle a une responsabilité politique sur ce département et forcément, on sait que les LR se tourneront vers l’extrême droite pour pouvoir éventuellement créer une majorité à l’Assemblée. 

Madame Simonet, on voit déjà, localement, sa politique au niveau du Département. On ne peut pas dire que ce soit très serein, déjà dans le personnel. Il y a eu des problèmes.

Je sais que le personnel n'est pas toujours très bien traité. La souffrance au travail, les risques psycho-sociaux sont importants.  Et l'aide à l'enfance, l'ASE en particulier, c'est très, très compliqué : les moyens humains, les besoins ne sont pas à la hauteur.

Madame Simonet a axé essentiellement son image de présidente sur de la communication. L'Esprit Creuse... Mais concrètement, quelle politique en termes d'attractivité par exemple ? Pour ce département, elle a un rôle très important à jouer sur le développement économique, l'aménagement du territoire. Je n'ai pas le sentiment que son résultat soit très positif.

Les questions qu'on se pose

Regrettez-vous cette phrase malheureuse, à l'Assemblée nationale, sur les agriculteurs qui laissaient mourir leurs bêtes pour faire de la méthanisation ?

Je l’ai dit, d’ailleurs assez rapidement, que la tournure de phrase était peut-être assez maladroite. Je m'en suis expliquée, longuement d'ailleurs, auprès de vous comme auprès d'autres médias. J'ai même fait un communiqué.

C'était dans un moment où on avait siégé longtemps sur les énergies renouvelables, c’était tard dans la nuit, on défendait les derniers amendements sur la méthanisation. Et d'ailleurs, j'ai rencontré beaucoup d'agriculteurs ici en Creuse qui disent que la méthanisation n'est pas faite pour eux. Des petites structures de méthanisation sur leurs fermes, oui, mais des énormes projets qui mettent en danger l'élevage en Creuse, non.

À cette époque-là, on était en pleine sécheresse et les agriculteurs réclamaient leurs aides aux fourrages. Et moi, j'avais eu des informations sur des animaux en grande souffrance, donc, oui, moi je le dis. J'ai eu cette phrase un peu mal tournée mais j'avais des exemples très concrets.

Je ne pouvais pas me permettre de le dire publiquement mais j'ai mis un an à obtenir des services de l'État, des services sanitaires, la poursuite d'un paysan dont les bêtes crevaient dans les champs. Et en plus ce monsieur avait une responsabilité syndicale à cette époque-là. Je ne dirai pas le nom, chacun cherchera.

Avez-vous pensé un moment à vous retirer dans cette campagne du fait de votre faible réserve de voix et parce que vous êtes dans un mouchoir de poche avec Valérie Simonet  ?

Un mouchoir de poche… Plus de 800 voix d'écart, c'est pas trop un mouchoir de poche, déjà. Et deuxièmement, la règle républicaine veut que les deux premiers soient au deuxième tour et je constate d'ailleurs, à l'heure qu'il est, qu'il y a plus de 170, 180  circonscriptions – où c'est beaucoup de Nouveau front populaire – où les troisièmes ont retiré leur candidature quand il y avait le RN en tête et qu'il y avait un risque de contribuer à leur élection. D'ailleurs, même chez les ex-LR.

Je ne comprends pas cette attitude de Valérie Simonet de s'entêter. Nous, dès le dimanche soir, nos formations politiques (PS, Verts, LFI) l'ont annoncé très rapidement : pas une voix au RN, pas de maintien pour nos candidats qui risqueraient de laisser passer le RN. Ce barrage républicain, nous l'avons déjà fait au moment de la présidentielle. Et en plus là, cette élection, elle est particulière : d'habitude, une réalité locale peut jouer dans une triangulaire mais là, on est sur le devenir du pays.

Est-ce que le pays passe à l’extrême droite ou reste avec des valeurs de gauche, avec les candidats du Nouveau front populaire ? C’est ça la question. On n’est pas dans une situation qu’on a pu connaître les fois précédentes donc il faut bien mesurer le danger, le risque que représente l'élection du RN en France.

Madame Simonet ce n’est pas le barrage au RN, ce n'est pas la solution. Je l'ai déjà dit, elle siègera obligatoirement dans un groupe qui s'alliera avec Bardella. C'est une évidence, Monsieur Bellamy l'a annoncé. Donc, les électeurs, il ne faut pas qu'ils se trompent. J'aime bien l'expression bonnet blanc, blanc bonnet. C'est pareil, c'est la copie conforme. Si elle combattait vraiment les idées du RN, elle se serait retirée. Elle aurait eu le réflexe républicain.

On vous sent en colère...

Oui, je suis en colère parce que ce n'est pas respecter cette terre de gauche, ce n'est pas respecter les valeurs de solidarité, ce n'est pas respecter ses électeurs. Je sais qu'il y a des électeurs, j'en ai rencontrés, qui ont voté Valérie Simonet. Normal. Parce qu'ils sont gaullistes, parce qu'ils sont de droite, parce qu'ils sont républicains. Mais ils ne sont pas racistes, ils ne sont pas fascistes, ils ne sont pas xénophobes. Je ne comprends pas son attitude à Madame Simonet. Quand on n'a pas d'arguments, c'est que, en réalité, on partage les idées de l'extrême droite. Je trouve que c'est un jeu dangereux. Très dangereux. Elle est incapable de gagner. Je sais qu'il va y avoir une partie de ses électeurs qui ne courront pas le risque.

La question que nos lecteurs se posent

Comment considérez-vous la question de la laïcité en France et quelles mesures prônez-vous pour lutter contre l'entrisme religieux dans la société française et même au sein de l'État ? Êtes-vous encore Charlie ? (Chacun des candidats a tiré au sort une question parmi les quinze que nos lecteurs nous avaient fait parvenir, N.D.L.R.) 

Alors Charlie, oui, bien sûr. Ça a été un drame. Je trouve que Charlie, on a pu dire des choses derrière qui ont été dévoyées.

Je suis très attachée à cette question de la laïcité, à l'exercice dans l'espace public où qui que ce soit ne doit pas exercer sa religion. Moi, je considère qu'il y a la sphère publique et la sphère privée.

À partir du moment où on ne nuit pas à la liberté des uns et des autres, je suis très attachée à ce que chaque citoyen puisse faire le choix de sa religion et l'exercer librement. Ce que je condamne aujourd'hui, c'est ce matraquage qui consiste à dire que les musulmans vont nous imposer leur religion. Franchement... C'est archi faux.  Il y a eu aussi toute cette période de l'antisémitisme. Tout cela contribue à faire monter le Rassemblement national.

Vous savez, je suis une fonctionnaire, donc forcément, cette question de la laïcité... ça ne veut pas dire neutralité. Il manque quelque chose à l'école : on a abandonné l'idée de parler de l'histoire des religions. L'école doit être le lieu où on en parle, où on l'explique. Et quand je regarde les programmes... Ici, je ne ressens pas de stigmatisation particulière sur ce sujet de la religion. Par contre, j'en ressens  beaucoup plus sur la couleur de peau, les origines.

Au lendemain du 9, j'ai reçu cette femme : ça faisait quatre, cinq jours qu'en passant devant un café sur la place Bonnyaud, elle se faisait insulter : "Toi, sale race, dans quinze jours, on s'occupera de toi". Ce n'est pas acceptable.

Et tous ces médecins, ces dentistes qui exercent sur notre territoire et qui se disent : "Je vais quitter la France si le RN passe". C'est grave ! Parce qu’ils n'ont pas envie de subir ce que porte le RN sur ces sujets. Ici, à deux, trois reprises, des jeunes ont été suivis par des voitures qui s'arrêtent, on les menace, on leur jette des pétards dans les jambes. Et ceux qui entendent régulièrement : "Sale pédé, je vais te faire la peau". Non, tout ça n'est pas acceptable.

La question dont les Creusois connaissent la réponse

Pour tester la "Creusitude" des candidats, nous leur avons cité deux lignes de la Chanson des maçons de la Creuse : "Les travaux sont finis, en novembre, en décembre, on les voit réunis pour s'en aller ensemble". L'ont-ils reconnue ? Sinon, à quoi ces mots leur ont-ils fait penser ? La réponse en images :  

 

Recueillis par Séverine Perrier et Floris Bressy. Vidéo : Vincent Faure. Photos : Bruno Barlier