ru24.pro
World News in French
Июль
2024

Il envoie l’objectif dans la lucarne

0

Le regard juvénile d’Anna semble parti ailleurs. Là où elle se retrouve seule, face à elle-même et à un adversaire que l’on devine déterminé. Nill, lui, préfère fermer les yeux. Ne pas voir pour ne pas être submergé. Ça, c’est juste avant la frappe. Que l’on soit en finale du Mondial ou en séries départementales, la pression est la même. Un penalty reste un penalty.

Christophe Darbelet, photographe vichyssois, est allé à la rencontre d’une quinzaine de clubs de foot de l’agglomération de Vichy et a choisi de poser son objectif proche de tous ces visages de joueurs. Ce n’est d’ailleurs pas tant ces derniers que l’on voit et devine, mais ce qui se passe à l’intérieur de ces têtes qui ont accepté le défi.

« Peu importe la technique, derrière l’appareil, il y a un œil »

Son challenge à lui, Christophe Darbelet l’a relevé l’automne dernier quand Vichy Culture lui a proposé une résidence pour l’édition 2024 de Portrait(s). La thématique : le sport et la Montagne bourbonnaise. « Le risque était de tomber dans un catalogue touristique. » Parce que le foot, il connaît un peu, mais fouiller les âmes, c’est le fil rouge de son travail photographique.

Dans son livre, Le pompon , Christophe Darbelet a figé des dizaines de visages en quête du cadeau qui va tomber d’un des véhicules publicitaires de caravane du Tour de France. Tel un don du ciel. Le moment ultime après des heures d’attente. « Les yeux disent tant de choses. » Mais revenons aux six cubes géants posés sur le parvis de l’église Saint-Louis où des visages expriment une autre attente. « Les portraits sont pris en contre-plongée ce qui laisse voir peu de choses du terrain. » Alors tant qu’à faire, il les a imaginées ces aires de jeu. « Un rectangle déboisé et vert au milieu des bois sombres. La porte bien cadenassée d’un garage qui figure une cage. Suggérer plutôt qu’imposer. »

Loin d’être formaté, ce photographe. Son regard conserve quelque chose d’enfantin, d’authentique.

« Les anonymes offrent leur visage en cadeau »

La photographie, il l’a découverte adolescent, au Club photo de Saint-Germain-des-Fossés, mais c’est un bac-pro d’électromécanicien qui a d’abord fourni l’alimentaire. Mais peut-être qu’un jour le fil rouge accroché malencontreusement au fil bleu a fait jaillir cette étincelle qui l’a définitivement amené à la photographie. Alors, il a suivi les méandres qui guettent tout autodidacte.

Le petit labo de développement (1 x1 m avec point d’eau dans les toilettes), la mise à l’étrier par Pierre Soissons, photographe cantalien reconnu, le premier studio à Vichy et les travaux de commande ou en free-lance, les premières expositions, les nombreuses médiations dans le cadre de Portrait(s) avec des écoliers ou des étudiants.

Christophe Darbelet aime à coup sûr l’humain. « Les enfants insufflent toujours quelque chose de nouveau. Les anonymes offrent leur visage en cadeau. L’appareil n’est pas une barrière entre le sujet et l’artiste, mais une main tendue. » Il redécouvre l’argentique avec la venue au monde toute récente de son fils Swann. « La pellicule permet de surseoir. C’est bon ! » Il a eu sa parenthèse Polaroïd, puis affronté la révolution du numérique. « Mais peu importe la technique, derrière l’appareil, il y a un œil. » Et l’œuvre d’un artiste qui, chaque fois offre sa vision de ce monde, son imaginaire. « La crainte existe de n’être pas compris. » Sur le parvis de l’église Saint-Louis, les dés géants sont jetés.