Comment éviter que le RN ne décide de la prochaine présidence du CNC ?
Alors que le cinéma est encore à la fête (la manifestation s’achève aujourd’hui et aura enregistré un démarrage record avec 1,4 million de spectateur·rices pour son premier jour, du jamais-vu depuis vingt ans), le secteur a été agité par une profonde inquiétude liée à la démission de Dominique Boutonnat à la présidence du Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) vendredi dernier, démission faisant suite à sa condamnation à trois ans de prison, dont un ferme, pour agression sexuelle sur son filleul.
Éviter le pire
Si l’on se réjouit autant de cette condamnation que de cette démission, cette dernière arrive dans le pire des contextes. On peut légitimement, comme Judith Godrèche ne s’en est pas privée sur les réseaux sociaux dès l’annonce du verdict, reprocher à Emmanuel Macron et son gouvernement d’avoir trop tardé et trop longtemps soutenu Dominique Boutonnat. Brandissant la présomption d’innocence et malgré les accusations de son filleul et sa mise en examen, ils et elles l’avaient même reconduit à la tête du CNC il y a tout juste deux ans.
Le résultat est qu’à moins que son ou sa remplaçant·e ne soit nommé·e ce mercredi matin lors du dernier Conseil des ministres avant le second tour des élections législatives, ce sera à la charge du nouveau gouvernement de le faire. Rappelons que la présidence du CNC est confiée par le président de la République, sur une proposition du ou de la ministre de la Culture.
Donc si, après les résultats de dimanche, une personnalité d’extrême droite se retrouve à la tête de la Culture, nous pourrions avoir dès la semaine prochaine un·e membre du Rassemblement national à la tête du CNC. Évidemment, en cas de victoire de ce dernier, des menaces bien plus grandes se dresseront devant nous, mais il est encore possible d’éviter celle-ci, au moins pour trois ans (la durée d’un mandat à la tête du CNC).
Casting
Les candidat·es ne manquent pas, et les rumeurs circulent. D’après un article d’Écran total paru vendredi dernier, son remplaçant par intérim, Olivier Henrard, numéro 2 de l’établissement publique depuis plus de cinq ans, serait apprécié par la profession, mais n’aurait pas les faveurs de l’Élysée. En revanche, Rachida Dati et Emmanuel Macron auraient chacun·e un·e candidat·e.
Christophe Tardieu, PDG par intérim de TV5 Monde, ancien directeur général délégué du CNC de 2014 à 2019 et déjà pressenti pour sa présidence il y a cinq ans, serait celui de la ministre. Tandis que Florence Philbert serait celle du président : cette énarque et ancienne camarade de promo de ce dernier a dirigé l’IFCIC (Institut pour le financement du cinéma et des industries culturelles) de 2015 à 2020, puis officié en tant que conseillère culture du Premier ministre Jean Castex, avant de prendre la tête de la DGMIC (Direction générale des médias et des industries culturelles) au sein du ministère de la Culture.
On imagine bien que le Conseil des ministres aura d’autres priorités que celle-ci, et on redoute la stratégie pyromane du président, qui consiste à vouloir prouver, par la pratique, que l’extrême droite est inapte à diriger le pays. Mais on croise les doigts. Le Conseil de ce 26 juin a permis à l’Élysée de nommer ou reconduire un grand nombre de hauts fonctionnaires, stratégie – courante pour un gouvernement en fin de règne, mais qualifiée de “coup d’État administratif” par Marine Le Pen hier – visant à mettre des bâtons dans les roues du gouvernement qui sortira des urnes dimanche. Espérons que la présidence du CNC fasse partie du lot. Ce serait aussi l’occasion pour Rachida Dati de prouver que son passage express aura servi à autre chose qu’à être une rampe de lancement pour la Mairie de Paris.
Édito initialement paru dans la newsletter Cinéma du 3 juillet 2024. Pour vous abonner gratuitement aux newsletters des Inrocks, c’est ici !