14,5 millions d'euros : le prix du béton non conforme dans les bâtiments, sécurisés ou déconstruits, de Sigma INP Auvergne

Il aura fallu 13 M€ (TTC) pour sécuriser l’essentiel du bâtiment Sigma/INP, et sa sphère. Mais le coût était trop élevé pour deux bâtiments, qui sont en train de s’effacer dans une déconstruction à 1,5M€ (TTC) . Images et chronologie d'un grand gâchis...

1992. C’estait un geste architectural magistral. Avec ses bâtiments et passerelles vitrées convergeant dans une sphère tout en lumière. Le bâtiment de l’Institut français de mécanique avancée (Ifma, aujourd’hui Sigma/INP) devenait un marqueur visuel de l’excellence, reflétant le ciel sur le campus des Cézeaux, entre Clermont et Aubière. Aujourd'hui, on commence à déconstruire les espaces qu'il a fallu fermer en 2014 à cause du béton défectueux

2014. La désillusion est à la hauteur

On découvre l’affaissement d’une dalle. "Depuis un amphi", raconte Sophie Commereuc, directrice Générale de Clermont Auvergne INP. On s'interroge. On s'inquiète. Et le reste ?

Le 10 février 2015, le maire d’Aubière, Christian Sinsard, finit par déposer une requête au tribunal administratif dans le cadre d’un péril imminent. Une longue série d’expertises conclut à la non-conformité du béton.Dans la sphère, qui reste un espace de circulation, il n'y a plus de passages ni accès aux passerelles qui ont été condamnéesLa résistance de la structure tout entière n’est pas garantie. Sur plus de 20.000 m², 8.000 doivent être fermés. Huit ans de sécurisation !

2015-2023.  De lourds travaux de sécurisation engagés

Sur les 12.000 restants, la rénovation s’engage, étage par étage, en site occupé. On étaye, partout. Le coût de la rénovation est faramineux : 13 M€. Sophie Commereuc, directrice Générale de Clermont Auvergne INP, explique qu’il n’a pas été possible d’en faire porter la responsabilité sur une entreprise ou groupement d’entreprise. Il a fallu payer (un appel court).

 

2024. La rénovation de 12.000 m² achevée

Il a fallu consolider étage par étage, intégrer des structures sous plafonds surbaissés. Intégrer visuellement dans les espaces des étais et des tubes…Etayage bien intégré dans la sphère 

La sphère, carrefour entre les espaces de l’école, illustre ce remaniement, avec un encombrement à l’esthétique bien intégrée.

"Dans la sphère, les étais ont été bien intégrés. Aujourd’hui, on a l’impression qu’ils ont toujours été là."

L’État a pris en charge 62 % du budget de la sécurisation. Ce financement a été accordé sur des crédits exceptionnels de mise en sécurité, l’INP a assumé le reste en fonds propre.

Déconstruction pour 1,5 M€

L’heure est désormais à l’effacement des 8.000 m² condamnés qu’il aurait été trop coûteux de rénover. Sophie Commereuc explique que la décision a été prise dès 2018. "À l’époque, le prix était équivalent pour la reconstruction, avec l’avantage de permettre une adaptation aux nouveaux besoins et règles de conformités".

La déconstruction engagée en mars 2024, devait se prolonger jusqu’à la fin du mois d’août. Plus spectaculaire à partir du 8 juillet, avec le sciage, étage par étage, d’un escalier-tour. "On a besoin d’une vraie technicité", insiste Antoine Collange directeur immobilier de Clermont Auvergne INP. Il faut déconstruire tout en vérifiant en continu la solidité de ce qui reste. Sentiment d’un immense gâchis dans les beaux volumes de bâtiments au béton vérolé qui doivent tomber.  Ou avec la décision de ne conserver que l’une des deux passerelles de verre, qui devaient initialement être conservées

Ensuite : 7,5 M€ pour reconstruire moins grand

Ce sera l’occasion d’une mise à niveau nécessaire. À la fois sur le plan des besoins administratifs et d’enseignements d’une école qui regroupe aujourd’hui l’Isima, Sigma et Polytech Clermont. Et sur celui des normes : des pics de chaleur sont par exemple intenables sous des verrières dont l’isolation est financièrement inaccessible.

Mais il faudra attendre 2027. Date espérée pour la livraison d’un bâtiment de 2.500 m² de surface utile, pour lequel aucun appel à candidature n’est encore lancé.

Le financement est en revanche calé

Il a été trouvé dans le cadre d’un contrat de plan État-Région. Environ 7,5 M€ ont pu être réunis : 1,7 M€ État, 4,5 M€ Région, 1 M€ Clermont Auvergne métropole, et 500.000€ en fonds propre. 

Le chantier de déconstruction

Les engins lourds ont commencé depuis peu à rendre visible la déconstruction des bâtiments condamnés depuis 2014. C’est la partie émergée de l’iceberg, dans un chantier engagé en mars, et où le plus spectaculaire reste à venir.

La principale difficulté tient à la nécessité d’effacer cinq niveaux de bâtiments plus ou moins adossés à des sites occupés. Confié à Antinea Groupe (maîtrise d’œuvre) avec l’entreprise régionale Attac Béton, le chantier a commencé en mars.

Une première étape de « curage » intérieur a permis d’extraire et amener en recyclage ou valorisation ce qui pouvait l’être. À suivi la déconstruction des intérieurs.

La déconstruction des infrastructures et superstructures, a commencé en juin.

Une étape particulièrement délicate est prévue durant la semaine du 8 juillet : accolée à un bâtiment préservé, tour-escalier de verre devra être sciée étage par étage, et ses blocs de 3 à 4 tonnes enlevés un à un avec une grue. À l’ouest de l’entrée principale, elle est accolée à un bâtiment qui doit être maintenu. Chaque élément sera enlevé par une grue dont la flèche s’allonge à 43 M.

Pour limiter les nuisances, les bâtiments seront totalement fermés du 27 juillet au 18 août. Tout doit être fini fin août, pour laisser place au réengazonnement, en attendant la construction d’un nouveau bâtiment.

800 tonnes. C'est le volume de déchets à recycler ou valoriser. Mathieu Charvoin, chef de chantier "curage et démolition", explique qu’il est principalement constitué de placo, de laine de verre, de laine de roche, de carreaux et de béton à recycler en voirie ou accès de chantiers. 25 m de haut

 

Anne Bourgesanne.bourges@centrefrance.com