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Sud-Ouest, Massif central, Savoie, Bretagne... Quels sont ces territoires qui résistent au Rassemblement national ?

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Sud-Ouest, Massif central, Savoie, Bretagne... Quels sont ces territoires qui résistent au Rassemblement national ?

Dans une partie du Sud-Ouest, dans le Massif central, du côté de la Savoie et sur le littoral breton, des personnalités locales et l’ancrage politique sont parvenus à endiguer la vague RN et son dégagisme à tout-va.

La tache d’huile RN qui a inondé la France aux européennes s’est estompée dans plusieurs régions au premier tour des législatives, laissant apparaître des zones de résistance à l’extrême droite. La preuve, s’il en est, que le scrutin, pour national qu’il soit, dépend encore (un peu) de l’ancrage politique et de la personnalité du candidat. Ce que confirme le démographe et historien Hervé Le Bras à la lecture des cartes.

« Les différences face au RN se font toutes sur la personnalité locale. Sur son implantation. On observe, dans l’Ouest, une très forte résistance de la droite et du camp présidentiel par rapport aux européennes. Avec un recentrage autour des partis traditionnels. Cela a beaucoup joué aussi pour la gauche dans le Sud-Ouest. Dans l’ancienne région Rhône-Alpes, également, en Savoie, en particulier, avec une bonne solidité du centre droit classique, qui reste perçu positivement socialement. »

Sud-Ouest : l'effet Carole Delga

Dans le détail, une personnalité comme Carole Delga a redonné des couleurs à la gauche socialiste en Occitanie avec « des candidats indépendants souvent plus performants que ceux du Front populaire, et qui sont en mesure de l’emporter dans un peu plus de circonscriptions que l’on ne le pensait », constate Hervé Le Bras. « Bien sûr, il y a une partie du Sud-Ouest, notamment la partie du Tarn-et-Garonne et du Lot-et-Garonne qui, elle, a basculé pour le Rassemblement national. Mais en Haute-Garonne, dans l’Ariège, le Gers ou dans les Pyrénées-Atlantiques, la gauche a bien contenu la montée du RN. »

Ouest : une digue au centre droit

Ce phénomène a moins joué en Bretagne, où la région s’était récemment tournée vers une gauche modérée, que « l’épouvantail LFI » a pu faire reculer. « Aux européennes, dans le Finistère, par exemple, la gauche de Raphaël Glucksmann avait dépassé les 20 %. Là, c’est plutôt la droite et les macronistes qui ont réussi à tirer leur épingle du jeu. Certes, le Nouveau Front populaire est devant dans quatre circonscriptions sur huit. Mais la majorité présidentielle a placé trois candidats en tête. Et trois aussi dans les cinq circonscriptions des Côtes-d’Armor où le LR Corentin Le Fur, fils du député sortant, arrive aussi en tête, marquant, là, l’enracinement local et politique d’une famille. »

Massif Central : candidats enracinés

Dans le Massif central, des bastions de la droite républicaine (Cantal, Haute-Loire) et des terres d’élection de la gauche (Lozère, Puy-de-Dôme, Haute-Vienne) sont parvenus à conserver une longueur d’avance sur le RN au soir du premier tour. « On se rend compte que les Républicains qui ont résisté à Éric Ciotti n’ont pas été pénalisés par les électeurs. Ils ont réalisé de bons scores et, là encore, leur ancrage local et leur personnalité ont joué en leur faveur. C’est vrai dans le Cantal, mais aussi pour Aurélien Pradié, en ballottage très favorable dans le Lot. »

Pour le Rassemblement national, on peut parler d’un raz-de-marée en zones rurales, comme dans les quatre circonscriptions de Dordogne et deux des trois circonscriptions des Landes, deux terres rurales historiquement ancrées à gauche, ainsi qu’en Creuse. Mais on assiste aussi à une forte poussée du parti de Jordan Bardella dans le périurbain conquis depuis plusieurs années par le camp présidentiel, avec quatre candidats en tête sur les cinq circonscriptions de Charente-Maritime et deux sur les quatre de la Vienne.

Front républicain : vers un rééquilibrage ?

Pour autant, toutes ces conquêtes du premier tour ne se transformeront pas automatiquement en victoire au soir du second tour. Le front républicain, finalement plus dynamique qu’on ne le supposait, avec plus de 210 désistements, dispose d’atouts dans la manche pour rebattre en partie les cartes.

« Cela pourrait avoir plus de résultats qu’on ne le pense, confirme Hervé Le Bras. Selon mes calculs, en supposant que la moitié des électeurs du candidat qui s’est désisté iront voter, cela devrait redonner des couleurs en particulier à la majorité présidentielle. » Pourquoi ? « La mécanique des reports avantage forcément ceux qui sont au centre de l’échiquier politique car ils peuvent prendre des voix des deux côtés. »

Le tripartisme ; hypothèse plausible

Pour le chercheur, l’hypothèse d’un tripartisme au sein de l’Assemblée nationale, « assez inenvisageable » au soir du premier tour, reprend donc de la consistance. « Trois groupes, si l’on associe Ensemble au LR canal historique, mais sans majorité absolue pour le RN, cela me semble aujourd’hui le scénario le plus probable. »D’ailleurs, poursuit Hervé Le Bras, « le Rassemblement national semble bien partager ce sentiment. On voit bien comment Marine Le Pen, depuis lundi, s’est mise à attaquer le désistement en dénonçant les accords mutuels entre la majorité sortante et le Nouveau Front populaire. Toujours dans cette rhétorique d’un “système” s’entendant pour l’écarter du pouvoir et contrecarrer la volonté populaire ».

La présidente du groupe RN à l’Assemblée nationale est même allée, mardi, jusqu’à évoquer une majorité relative de « 270 députés », complétée avec des soutiens, pour que Jordan Bardella accepte de diriger un gouvernement de cohabitation. Alors que jusque-là, c’était la majorité absolue de 289 députés ou rien.

 « Le Nouvel Ordre électoral. Tripartisme contre démocratie », par Hervé Le Bras. Éditions du Seuil (2016).

Nathalie Van Praagh