En Haute-Loire, deux duels inédits à venir entre LR et le RN pour le second tour des législatives
Une petite tache bleue dans une carte de France à majorité couleur RN. La Haute-Loire a marqué une fois encore sa singularité lors de ce premier tour des législatives en plaçant en tête de ses deux circonscriptions des barons de la droite locale : Laurent Wauquiez et le sortant Jean-Pierre Vigier.
Il ne faut pourtant pas se méprendre : ce résultat est en trompe-l’œil et marque une forme de rupture politique dans un territoire où les législatives ont souvent pris l’apparence de formalité. D’abord, les deux représentants LR ont été chahutés dimanche par un Rassemblement national qui a confirmé ses dernières percées sur le département. Malgré des candidats de l’ombre et une campagne locale bien modeste, le RN franchit pour la première fois le premier tour en capitalisant sur l’enjeu national pour convaincre les électeurs sur des thématiques comme le pouvoir d’achat, l’agriculture ou l’immigration. Alexandre Heuzey et Suzanne Fourets ambitionnent désormais de transformer l’essai. Ensuite, le Nouveau Front populaire, arrivé troisième sur les deux circonscriptions, est parvenu à se qualifier pour le second tour avant de se désister dans une logique de front républicain. Inédites pour ce scrutin dans le département, les triangulaires ne verront donc pas le jour. Avant ce second tour, tour d’horizon des enjeux.
1ere circoDimanche soir, le discours de Laurent Wauquiez (LR) se voulait optimiste à l’annonce des résultats définitifs. « Nos habitants ont montré leur attachement à tout ce que nous construisons ensemble ». Pourtant, avec 36,80 % des voix, le triomphe de l’ancien député est bien modeste, bousculé par le candidat du Rassemblement national qui termine juste derrière avec 34,18 % pour moins de 2.000 voix… Alexandre Heuzey, candidat parachuté (assumé), qui n’a pas été épargné par le président de la Région, se montrait satisfait dimanche soir et se tournait déjà vers le second tour en espérant profiter de la « dynamique nationale ». Célline Gacon (Nouveau Front populaire), qui a annoncé son désistement lundi, n’a pas appelé à voter Laurent Wauquiez. Une guerre d’égo après la déclaration de l’ancien maire du Puy qui n’évoquait pas la qualification de la candidate de l’union des gauches pour une triangulaire. « Jamais je n’appellerai à voter pour Monsieur Wauquiez. Vu le peu de considération qu’il a pour ces 13.694 personnes, ainsi que la façon dont il traite les personnes et les sujets politiques qui ne vont pas dans l’objectif d’assouvir ses ambitions personnelles.
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Durant cette période, il doit s’engager à se distinguer à l’Assemblée nationale des positions de l’extrême droite. » Ambiance… Cécile Gallien (Ensemble), avec ses 9,44 %, a appelé elle à ce que « les valeurs humanistes s’expriment au second tour » sans en dire plus. Laurent Wauquiez sait qu’il bénéficiera de l’effet du report de voix, mais ce deuxième tour n’est pas pris à la légère pour lui qui entend jouer un rôle dans le futur groupe (resserré) LR de l’Assemblée nationale pour viser ensuite la présidentielle de 2027. Son score sera scruté de près face à un RN qui n’a rien à perdre.
2e circoS’il a l’habitude de la prudence, le député sortant, Jean-Pierre Vigier, s’est bien gardé de tout effet de joie superflu, dimanche soir, alors qu’il est arrivé en tête de la seconde circonscription avec 38,69 % des suffrages exprimés. Et là où Laurent Wauquiez, poussé dans ses retranchements, joue la carte de l’offensive, soulignant l’aspect « parachuté » de son adversaire RN, son collègue au sein des Républicains non ciotistes préfère « ne pas faire de commentaire sur son adversaire du deuxième tour. » Comme pour ne pas attirer le mauvais œil…Sur le papier, les feux semblent pourtant au vert pour le sortant qui, malgré un pourcentage de suffrages moindre qu’en 2022 (il avait fait 45,68 % au premier tour), a bénéficié de l’impressionnante hausse de participation (21.573 voix pour 18.850 en 2022). À cela s’ajoute le retrait du représentant d‘André Chapaveire (10.898 voix) de la possible triangulaire de ce second tour, qui a décidé d’appeler à voter pour le « candidat républicain » arrivé en tête, face à la « vague Rassemblement national sans précédent qui fait peser une menace sur la démocratie. » Les électeurs du candidat du Nouveau Front populaire qui choisiront de voter pour le « front républicain », devraient renforcer le résultat de Jean-Pierre Vigier. Et il ne faut pas oublier les 4.607 voix obtenues par Patricia Gire-Joubert, candidate de la majorité présidentielle, qui sont peut-être encore plus enclines à grossir les suffrages en faveur du sortant.
Reste que ce dernier, affichant un air grave, ne se prive pas d’appeler à « une mobilisation générale des électeurs » autour de sa candidature et de celle de sa suppléante, Corinne Bringer. Car comme beaucoup, il ne pouvait rester de marbre, dimanche soir, devant le résultat obtenu par la candidate du Rassemblement national, Suzanne Fourets. La septuagénaire, retraitée de la fonction publique, basée à l’est du département, a en effet fait exploser les compteurs : elle a obtenu 17.884 voix là où Thierry Perez en avait récolté 5.618 en 2022…
Ce dimanche, le scrutin opposera deux candidats très différents. Le premier, homme de terrain bien connu des Altiligériens, ayant déjà passé douze ans « à arpenter chaque centimètre carré de la circonscription » et souhaitant porter la voix du département à l’Assemblée. Mais, qui, s’il est élu, rejoindra un groupe parlementaire LR au poids invariablement réduit à l’échelon national. Et la deuxième, peu connue sur la circonscription, discrète pendant la campagne, n’ayant aucun bilan local, mais qui espère bien être actrice d’un important groupe RN à l’Assemblée nationale, pour permettre à Jordan Bardella de devenir Premier ministre et mettre en place son projet politique.Si, de loin, la partie semble pliée, les dernières semaines ont montré que rien n’est immuable. Les deux candidats le savent : tout se jouera dans les urnes.
Christophe Darne et Pierre Hébrard