A la tête d’une boucherie-charcuterie de village, ils proposent l’un des meilleurs saucissons de France
Leur établissement est d’allure modeste, mais six ans après la reprise d’une boucherie-charcuterie de village, Stéphanie et Jonathan Gayton se sont fait un nom parmi les grands de la salaison. Et c’est peu dire que la Haute-Loire bénéficie d’une certaine émulation autour du saucisson. Première participation au Concours général agricole en 2024 et médaille de bronze à Paris pour le saucisson sec de la maison Gayton.
En semaine, la place de l’église de La Séauve-sur-Semène n’est pas encore congestionnée par des hordes d’amateurs de salaisons d’exception. « On voit quand même de nouveaux clients grâce à cette médaille », se félicite modestement Stéphanie Gayton.
Sans prétendre avoir la compétence du jury du Salon de l’agriculture, nous affirmons que ce saucisson sec mérite le détour. Qui peut d’ailleurs être bref, le bourg de La Séauve-sur-Semène ne se trouvant qu’à 3 km de la RN88, à 30 km au sud de Saint-Étienne.
Les viandes et charcuteries d'Auvergne médaillées au Salon de l'agriculture
Dans la pure tradition de ce pays des marches du Velay et du Forez, Jonathan Gayton fabrique un saucisson où le gras demande grâce. Le maigre a le dessus de bout en bout. C’est parfaitement séché (désormais sur place) et assaisonné.
Dans sa famille, « on tuait le cochon » Et ce jeune boucher-charcutier a choisi de saler à l’ancienne. Les nitrites sont bannis de son labo. « Il y a six ans, en reprenant la boucherie, j’ai essayé les sels nitrités, quand j’ai vu que je devais mettre un masque pour les utiliser, j’ai arrêté tout de suite », témoigne Jonathan. Ce choix du sel sans ajouts chimiques est ici étendu à tous les produits. « Pour notre jambon cuit, il a fallu expliquer à certains clients pourquoi il était moins rose », confie Stéphanie Gayton. Ces choix de qualité sont ataviques pour Jonathan. Dans sa famille, on tuait le cochon. « Nous étions nombreux à la maison », éclaire le jeune charcutier. Son père, Le Dr Gayton qui exerçait à La Séauve, peut en somme revendiquer une forme de paternité sur la recette du saucisson primé au Concours général.
Un retour au pays et une reconversion réussieParti très jeune dans la Drôme pour travailler dans l’arboriculture, Jonathan a ressenti à la trentaine l’appel de sa vallée. L’abricot n’étant pas la production phare dans le nord de la Haute-Loire, il s’est reconverti dans la boucherie-charcuterie. Après une paire d’années de salariat en grande surface, « il y a eu cette opportunité de reprendre la boucherie-charcuterie de La Séauve », retrace sa compagne, qui a quitté elle-même une carrière en crèche pour ce projet de vie exigeant. Le magasin est fermé le mercredi, Jonathan et Stéphanie ont quand même trouvé le temps de fonder une famille. À 750 mètres d’altitude, leur bourg partage cette identité avec d’autres communes du pays Loire-Semène : écrin très vert de moyenne montagne et âme laborieuse. La vallée de la Semène a une longue histoire industrielle, débutée au XIX e siècle à La Seauve par une fabrique de rubans. Les charmes des gorges et de la vallée ne suffisent pas aujourd’hui à générer une forte activité touristique. « Aujourd’hui, les gens partent en vacances plus loin », constate Stéphanie.
La boucherie-charcuterie de Stéphanie et Jonathan Gayton à La Séauve-sur-Semène La devanture de la boucherie-charcuterie n’est pas loin de la sortie de l’école, les autres commerces de proximité de la place de l’église ont été repris également par des jeunes couples. La Séauve compte 1.400 habitants et « beaucoup jouent le jeu » des courses au bourg, se félicite Stéphanie.
Côté bœuf, le choix de l'AOP Fin Gras du MezencL’équation économique est encore un peu ric-rac mais les clients ont validé les choix sans concessions du jeune couple. « À part les saucisses de Strasbourg, tout est fait-maison », tient à préciser la charcutière trentenaire. Saucisson, jambon, rosette mais aussi, coppa, bacon ou pâté en croûte et de campagne sont confectionnés à partir des cochons, élevés sur paille, du GAEC de la Pensée de Chazelles à Monistrol-sur-Loire. Ils poussent donc à 10 kilomètres.
Au rayon boucherie, c’est à l’avenant : Jonathan va choisir lui-même ses bêtes à la ferme. Exclusivement du bœuf Fin Gras du Mezenc AOP. Les Gayton proposent de la viande d’agneau élevé sous la mère de l’Aveyron (Allaitons). Loin des étals gargantuesques des prestigieuses maisons, Jonathan et Stéphanie jouent la carte d’une certaine simplicité. Ils prouvent qu’une boucherie-charcuterie de village peut viser l’excellence en maintenant des tarifs adaptés au niveau de vie moyen d’une vallée dure à la peine.
Les bouchers et charcutiers de Haute-Loire résistentDix-huit mille boucheries charcuteries artisanales subsistent en France. Ce sont les centres-villes qui concentrent l’essentiel de l’effectif (60 %) mais la baisse semble inexorable même dans les secteurs denses et à fort pouvoir d’achat : Paris intra-muros a perdu la moitié de ses boucheries charcuteries en vingt ans (passées de mille à cinq-cent). Les boucheries charcuteries qui ne peuvent pas compter sur des bassins de population importants et miser sur l’essor du plat cuisiné peuvent jouer sur la variable notoriété, à l’instar de la jeune maison Gayton. « Chaque établissement essaie de se distinguer et recherchant la reconnaissance sur les concours », élargit Christophe Vianes, président du syndicat des charcutiers de Haute-Loire.
Le pâtée en croûte bénéficie d'un regain d'intérêt.
Installé lui-même dans le bourg de Craponne-sur-Arzon, Christophe Vianes estime que son département résiste, avec une quarantaine d’établissements artisanaux, en boucherie et charcuterie, une partie d’entre eux s’étant spécialisés en salaisons. Si les reprises sont moins évidentes et que les vocations se font plus rares, le département dispose d’un solide centre de formation d’apprentis à Bains. Dans un contexte difficile, ce qui inquiète les bouchers-charcutiers de Haute-Loire, c’est la pluie. Elle n’empêche pas les saucissons de sécher mais a un fort impact sur le débit des chapelets de chipolatas et de merguez. « On n’a que des week-ends pourris depuis avril », bougonne Christophe Vianes. La saison des barbecues a vocation à requinquer les chiffres d’affaires trop maigres « de novembre à avril ».
Julien Rapegno