Festival de Cannes : ces femmes entrepreneures oeuvrent à réduire les inégalités dans l'industrie du divertissement grâce à la tech
L'essor de l'intelligence artificielle met en lumière certains dysfonctionnements de notre société, tels que des stéréotypes encore fortement ancrés dans l'imaginaire collectif. Demandez à un outil d'IA de générer une image avec le terme " CEO ", il est fort probable que le résultat ressemble à un homme blanc d'une quarantaine d'année, même en renouvelant l'expérience. A l'heure ou l'intelligence artificielle prend une place grandissante dans les secteurs des industries culturelles et créatives à tous niveaux de la chaine de valeur, permettant notamment de générer du contenu de manière très performante (texte, vidéo, image 3D, musique), il est nécessaire de sortir de ces représentations erronées pour éviter qu'elles ne se perpétuent.
Pour y parvenir, la complète appropriation des outils tech par les femmes, notamment d'intelligence artificielle, et globalement la pleine contribution des femmes aux avancées technologiques, semble plus que jamais nécessaire. C'est, entre autres, ce qui est ressorti de la conférence Her Tech Story : AI & gender biais in the film & TV industry, qui a lieu au coeur du Marché du Film à Cannes Next (un événement business dédié aux croisements entre la tech et le cinéma avec keynotes, tables rondes et remises de prix), partenaire de la French Touch, et pilotée par le collectif de startups technologiques CONNECT. Quelles actions mènent les intervenantes dans leur secteur, et comment l'entrepreneuriat peut aider à réduire les inégalités de genre ?
Marianne Carpentier, chief innovation officer chez Newen Studios
La directrice de l'innovation de la filiale de TF1, groupe de production et de distribution audiovisuelle et cinématographique européenne, est longuement revenue sur son parcours dans le secteur de l'IT au début des années 2000. " Je devais vraiment me battre, c'était très dur. Je me demandais à l'époque 'mais comment est-ce possible que ces hommes se comportent comme ça avec moi ?' Puis je suis partie. J'ai découvert l'univers des startups et c'était déjà différent, c'était plus jeune et il y avait plus de femmes. Chez Newen Studios nous sommes 63% de femmes, même dans le comité exécutif, nous nous sentons représentées mais nous devons toujours nous battre, pour la sororité et la diversité ".
Pour Marianne Carpentier, dans les industries culturelles et créatives l'utilisation de la technologie peut diriger la façon dont l'histoire est racontée et perçue, mais toute histoire ne sera pas orientée de la même manière selon la personne qui dirige cette technologie. Et ce, même dans les films où elle n'est pas directement perceptible (elle prend l'exemple du film Emilia Perez de Jacques Audiard, présenté au Festival de Cannes 2024), alors que selon l'intéressée " la tech intervient de plus en plus tôt dans la création des films et des histoires ". Il est donc indispensable que les femmes utilisent les outils tech pour, elles aussi, raconter les histoires de la manière dont elles les perçoivent et s'approprier leur propre représentation. Mais aussi que chacun prenne conscience de ses propres biais pour les identifier et les combattre au mieux.
Ayumi Moore Aoki, founder de Women In Tech Globlal
La lauréate du classement 40 Women Forbes 2023 a grandi à Johannesburg. D'origine brésilienne et chinoise, elle a connu des discriminations dans un pays encore en proie au classement des personnes selon leur couleur de peau et leur origine. A ces discriminations basées sur la race s'ajoutent celles qu'elle a subi en raison de son genre.
Pour Ayumi Moore Aoki, il est clair que la tech est un outil d'émancipation. L'émancipation des femmes, c'est ce qu'elle vise à travers Women In Tech Global, qui oeuvre à casser le plafond de verre et les contraintes sociétales qui limitent les ambitions des jeunes filles et des femmes, et les aider notamment à accéder à des carrières STEAM (Science, Technology, Engineering, Arts, Mathematics). Pour aider les femmes à s'approprier la technologie, et avoir un impact sur des millions de femmes, dans 54 pays et six continents, l'organisation Women In Tech Global repose sur quatre piliers : l'éducation, la formation dans les entreprises, l'inclusion numérique et le plaidoyer.
Dasha Timbush, founder & CEO de CastingForm
La fondatrice de CastingForm, marketplace spécialisée dans la promotion de talents pour l'industrie du cinéma et de l'entertainment, est elle-même passée par le management de talents, secteur dans lequel elle a constaté des disparités entre les personnes qu'elle représentait, ayant parfois du mal à décrocher aux profils féminins certains rôles réservés aux hommes, ou aux personnes racisées des rôles attribués exclusivement à des acteurs blancs. Pour elle, la technologie joue un rôle essentiel dans la correction des disparités, la promotion de l'inclusivité, et dans une représentation dénuée de stéréotypes dans le cinéma et la télévision. Elle en est persuadée, l'intelligence artificielle peut être utilisée dans ce sens, c'est pourquoi elle a annoncé lors de cette conférence de lancement de CastingForm AI, censée faciliter le matching entre scenarios et profils d'acteurs.
Perle Bagot, fondatrice et directrice générale du Hub Institute
L'experte en tech et intelligence artificielle Perle Bagot, qui a débuté sa carrière dans le secteur de la communication et de l'économie numérique, a également témoigné de sa lutte contre le déséquilibre entre les hommes et les femmes dans l'univers de la tech, et de son éducation entourée de femmes qui lui ont appris à " être indépendante, gagner son propre argent, ne pas dépendre d'un homme ".
Lors de cette conférence, Perle Bagot a rappelé que si les résultats fournis par les outils d'intelligence artificielle sont biaisés, c'est parce qu'ils sont le reflet de nos propres biais, dont personne n'est exempt. Et a pointé l'importance des données qui nourrissent les outils d'IA et de leur transparence, pour disséquer et atténuer les préjugés personnels et systémiques, et englober des questions sociétales plus larges de prise de conscience d'inclusion dans les processus créatifs et de décision.
Cet article a été publié initialement sur Big Média Festival de Cannes : ces femmes entrepreneures oeuvrent à réduire les inégalités dans l'industrie du divertissement grâce à la tech