La chronique politique de Chloé Morin : "A quoi ressemblerait l’audiovisuel public si on l’inventait au 21e siècle ?
C’est une réforme à haut risque que les pouvoirs successifs se refilent comme une patate chaude : faut-il fusionner Radio France avec France Télévisions pour doter le pays d’une « BBC à la française » ?Rachida Dati veut aller vite en besogne, même si l’examen du texte a été repoussé en juin en raison d’un embouteillage parlementaire : création d’une holding en janvier 2025, fusion en 2026. L’INA fait partie du package qui pourrait aller jusqu’à France Médias Monde, France 24 et RFI. 16.000 salariés concernés, 4 milliards d’euros de budget. Les craintes de ceux qui se mobilisent contre le projet sont multiples : en quoi consiste précisément la réforme, faire des économies de budget et de personnels, synonyme de plan social massif ?
La radio absorbée par la télé ?La radio sera-t-elle absorbée par la télé ? À quoi va ressembler le nouveau groupe, comment le rendre compétitif dans un univers en plein bouleversement, dont le modèle mondial de référence s’appelle désormais Netflix ? Il y a la crainte manifestée par les grévistes cette semaine : Marine Le Pen menace de privatiser l’ensemble si elle accède au pouvoir en 2027.
Il serait beaucoup plus facile de partir d’une page blanche – à quoi ressemblerait l’audiovisuel public si on l’inventait au 21e siècle ? – que de reformer les structures existantes, avec les cultures et pratiques propres des différents médias concernés. Tant de réformes visant à rationaliser et moderniser ont abouti, in fine, à davantage de bureaucratie et de lourdeurs…
Polarisation extrême du débat politiqueMais la vraie question soulevée par l’enquête de l’institut Thomas More est sans doute celle du pluralisme. Face à la montée en puissance de groupes privés tel que ceux de Bernard Arnault, de Rodolphe Saadé ou de Vincent Bolloré, quel doit être le rôle des médias financés par le contribuable, si ce n’est garantir une information de qualité, certes, mais aussi et peut-être surtout respecter l’ensemble des sensibilités politiques ?
L’audiovisuel public ne peut ni ne devrait pas être le porte-voix d’une seule couleur politique.
Rachida Dati saura-t-elle s’attaquer à ce sujet épineux mais essentiel en vue d’une présidentielle 2027 qui s’annonce à haut risque, entre polarisation extrême du débat médiatique et risque de propagation massive de fake news sur fond de tentatives de déstabilisation par des puissances étrangères ? Nous serons bientôt fixés.
Chloé Morin