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Май
2024

La chronique du temps présent d'Emma Becker : "Plus loin, plus haut, plus fort"

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On en voit des conneries, sur Twitter, et c’est à chaque nouvelle connerie plus compliqué de déterminer si on lit là une vraie info ou un canular qui ne passionnerait que les initiés. Le hashtag #jechiedanslaseinele23juin fait partie de ces cocasseries qu’on croirait sorties de l’imagination d’un oncle un peu ivre à Noël, voire de la mienne lorsque le RER me recrache après une heure de tribulations parce que la station Concorde est fermée, plus d’un mois avant les JO (mais je vous jure, c’est pas moi).

Dans la Seine le 23 juin

Un coup d’œil sur Twitter permet de constater l’ampleur prise en quelques jours : si le corps du hashtag n’était pas assez explicite, il s’agit de rassembler le plus de gens possible pour baisser culotte dans la Seine, le 23 juin, jour où la maire de Paris, et peut-être notre Président, s’iront couler une brasse pour prouver que l’être humain n’est pas soluble dans le fleuve.

Du reste, ayant pratiqué le ski nautique en Seine, je suis la preuve vivante qu’on peut tout à fait s’ébattre au milieu des silures et exposer au monde, des années plus tard, une santé de fer qui me permet de défendre, avec la fougue que l’on sait, des sujets d’actualité brûlants dans cette colonne.

Et, à moins d’une mobilisation massive, je ne suis pas persuadée que quelques déchets humains flottant autour de l’île Saint-Louis sauront entacher la baignade du Roy et de la reine.

Une "cause"

Mais quand même, on a le droit d’espérer que pour une fois, les Français s’uniront autour d’une même cause. Le slogan de ce hashtag est d’une limpidité, d’une subtilité, pourtant, propres à ravir l’aphoriste sommeillant en chacun de nous :

Ils nous ont plongés dans la merde, à leur tour de plonger dans notre merde.

Quant à notre révolutionnaire intérieur, il frémit tel l’oiseau en cage : faire popo du haut du Pont Marie, quand on a raccourci un monarque, ça devrait être dans nos cordes.

Dans un de ses affluents...

Et déjà, devant l’engouement virtuel, on pense aux grands emportements populaires, dont nous fixions rêveusement les représentations dans nos manuels d’histoire géo en entendant la cavalcade du cœur d’un peuple ne faisant plus qu’un, vibrant de la même fronde, de Lille à Roncevaux, de Brest au Mont-Cenis : « même si la Seine ne passe pas par chez vous, vous pouvez toujours chier dans un de ses affluents », note un internaute en joignant aimablement une carte du pays. Un autre suggère de s’organiser entre non-Parisiens pour récupérer les excréments.

Le Français a des idées, mais souvent les divulgâche par fanfaronnade. Partant du principe que Macron a eu vent du hashtag, mais que, pour une raison occulte, il ne lit pas ma chronique, je suggère de faire profil bas jusqu’au jour où nous aurons un listing exhaustif des participants à la fantaisie aquatique.Alors, Français, il sera temps d’être héroïque.

Emma Becker

Les chroniques du temps présent s'inscrivent dans la tradition créée par Alexandre Vialatte.