ru24.pro
World News in French
Май
2024

Sans eau ni électricité, il vit en ermite aux confins de la Haute-Loire (vidéo)

0
Sans eau ni électricité, il vit en ermite aux confins de la Haute-Loire (vidéo)

Sans eau ni électricité, sans frigo ni ordinateur, sans télévision ni téléphone, « Patou » est le seul habitant à l’année du village de Laval, à Saint-Pal-de-Mons, dans sa maisonnette isolée. Rencontre avec celui qui est le gardien des gorges de la Dunière, philosophe dans l’esprit et poète à ses heures. Un amoureux de la nature qui a choisi de vivre au calme, loin de l’agitation d’une société qu’il n’arrivait plus à supporter.

En ce jour de pèlerinage, le sentier qui passe devant sa maison ne désemplit pas. Les marcheurs se succèdent et regardent tous attentivement cette petite maison aux fenêtres bleues, accrochée à la colline. La boîte aux lettres dont la couleur s’accorde à celle des volets, n’est qu’un élément du décor sur son piquet en bois. Il y a bien longtemps que le facteur ne descend plus ici dans les gorges. Cette petite bâtisse construite en pierres est atypique. Ses dimensions sont modestes. Une chambre sous le toit surplombe l’unique pièce de vie équipée d’une cheminée. C’est ici que vit celui que tout le monde appelle « Patou », de son vrai nom Jean-François Terrat.Photo Lionel Ciochetto

Amoureux du lieu, un « coup de cœur »

À bientôt 60 ans, il a choisi de vivre là à l’année il y a maintenant six ans. Ce lieu, c’est d’abord « un coup de cœur. Quand j’étais gamin, Paulette Gaillard s’était occupée de moi. Elle avait cette maison et j’étais venu ici à la fin des années 1970. Je me suis dit qu’il fallait que je vienne vivre ici un jour?! », explique l’homme, un peu « bourru » au premier abord, mais doté d’une grande sensibilité dès lors que l’on prend le temps d’échanger avec lui.Patou sur la terrasse de sa maisonnette. Au début, lorsqu’il a acheté la maison à Yves Gaillard (le fils de Paulette) en 2011, il ne venait que les week-ends. « Ce qui m’attendait : c’était la bougie. Déjà chez moi, à Saint-Maurice-de-Lignon, j’avais un frigo, mais je ne mettais rien dedans. Ça m’a habitué. Du coup en arrivant ici, je ne cherchais plus les interrupteurs et les robinets », avoue l’homme en plaisantant.

Sans eau ni électricité

Car la jolie maisonnette n’a ni eau ni électricité. Il n’y a donc ni télévision, ni ordinateur ou téléphone et pas même un frigo pour conserver ses aliments.

Quand j’ai quelque chose de frais, je le consomme tout de suite. Pour l’eau, je vais remplir des bidons de cinq litres chez ma frangine, à Saint-Victor-Malescours.

Sur le toit, il y a un minuscule panneau solaire photovoltaïque. De quoi éclairer un peu l’intérieur sombre. « J’écoute un peu la musique avec le poste comme ça, mais je ne peux pas mettre la lumière en même temps, sinon ça grésille… » S’il a fait le choix de venir vivre ici, c’est un peu pour se mettre en rupture d’une société et d’un rythme de vie imposés avec lesquels il avait bien du mal. « Ici c’est ma bouée de sauvetage. J’ai tout quitté pour éviter de péter un câble », explique-t-il. Il a donc laissé son travail (il était aux espaces verts à la mairie de Saint-Maurice-de-Lignon) et son logement pour venir là. Assis sur une chaise à l’équilibre précaire devant sa terrasse, juste à côté du gîte de la Bambine, Patou ne connaît pas exactement l’origine de son surnom, que ses parents lui avaient donné dès son plus jeune âge. « Ils sont partis avec leur secret » dit-il.

Depuis six ans, Patou a fait le choix de vivre ici, coupé du monde, mais bien tranquille.  

« À Laval, c’est Patou?! Car c’est une bonne pâte », lâche son ami Nicolas, un San-Palou rencontré au café Convers (« le dernier vrai café ») il y a plus de 20 ans et qui apprécie autant les lieux que son unique résident. On pourrait penser que le temps est long dans ce coin isolé. Mais notre ermite des gorges de la Dunière s’adonne avec joie à un passe-temps tout indiqué en ce lieu : l’écriture. Inspiré par la beauté sauvage de cette pleine nature, Patou écrit « tous les jours ». « Qu’est-ce que tu veux faire ici, à part lire et écrire?! » Mais avec son caractère, l’homme n’est que rarement satisfait de sa prose. « Une bonne partie finit au feu, dans le fourneau, car je ne suis jamais content de ce que j’ai fait… » S’il n’a jamais été publié, il a retenu l’attention du festival des mots de Saint-Ilpize il y a plus de 15 ans, en obtenant le premier prix du jury. « J’écris des poèmes, de la prose, des histoires, un peu de slam… J’aime bien qu’il y ait une chute dans mes écrits. » En plus de manier le verbe, Patou fait aussi de la peinture, du dessin. « Et même de la sculpture aussi, mais ça m’a passé maintenant… » L’une des sources d’inspiration de notre poète a été Jean Giono, « un mec de la nature » dit-il. Un peu comme lui. Les amoureux des belles-lettres verront aussi dans le parcours de Patou une référence à Walden ou la vie dans les bois, un chef-d’œuvre de la littérature anglo-saxonne écrit par Henry David Thoreau au XIXe siècle. Car s’il est venu se perdre à Laval, « c’est juste pour être tranquille… »

Photo Lionel Ciochetto En hiver, les journées sont bien un peu longues parfois. Mais il y a toujours quelques marcheurs de passage devant la modeste maison, quelle que soit la saison. « Il m’est arrivé, à deux reprises, de passer une semaine complètement coupé du monde, avec la neige. Sinon, j’ai toujours des potes qui m’amènent de quoi manger. Et dans le placard, il y a des provisions ». Quant au contact avec les autres, « c’est à petite dose » confie-t-il. « Mais je ne fuis pas les gens non plus. Ici, ils me connaissent. Ma copine vient me voir aussi, et puis ma fille, avec son fils car je suis grand-père », dit-il avec un soupçon de fierté. « Il y a des pêcheurs qui passent me donner une truite à manger. Quand la pêche ferme, ce sont les chasseurs qui prennent le relais dans les chemins. J’en connais quelques-uns. » Loin de « l’intense » activité économique de Saint-Pal-de-Mons, fief de la plasturgie avec sa voisine Sainte-Sigolène, Patou poursuit son chemin paisible dans la vallée. « Avant, quand j’étais en forme, j’allais me balader dans les gorges, toujours sans carte. Je la regardais, mais en rentrant le soir, pour voir où je m’étais perdu. » Des balades qui l’ont amené à faire des rencontres insolites, comme lorsqu’il s’est retrouvé « en tête-à-tête avec un sanglier. Mais c’est lui qui a eu peur?! Vous pensez : un sanglier contre un ours », raconte-t-il en riant. La santé et le poids des années n’épargnent pas le seul habitant du village. Même s’il fait le chemin en 4x4, la difficulté pour accéder au lieu est une réalité. Jusqu’à quand viendra-t-il à Laval?? « C’est au jour le jour. Tant que je peux venir, je viens », conclut Patou.

 

Lionel Ciochetto