Trop vieux pour jouer ? Certainement pas ! Rencontre en Creuse avec des passionnés
Il y avait du monde à l’ouverture des portes. Près de 300 personnes ont participé le week-end dernier aux 24H du jeu, organisées à La Souterraine par l’association Fairy Play. Le principe est simple : jouer pendant 24 heures, sans interruption, “nuit comprise” tient à préciser Maxime Loviton, le président de l’association.
À l’intérieur de la salle, les joueurs prennent place sur la trentaine de tables installées. Au pied de la scène, les fans de jeux vidéo attendent le “go”. Ça discute, ça conseille, ça négocie, ça échange, et puis, ça joue.
50 millions de personnes pratiquent le jeu de rôleLe jeu de société est un secteur culturel bouillonnant en France, avec de nombreuses références qui sortent chaque semaine. Il est loin le temps du jeu de l’oie, des p’tits chevaux, du Monopoly. Quoique. « Je suis née dans une famille de joueurs, j’ai toujours baigné dans cet univers, raconte Christelle Orange, du collectif “La Maison d’à côté”. J’ai longtemps joué aux classiques, à la belote aussi, et puis j’ai découvert les jeux modernes dans les années 1990 », explique-t-elle. « Moi, je suis tombé dans le jeu quand j’étais au collège avec mes potes », avoue, pour sa part, Benjamin qui fête ses 20 ans de carrière dans le jeu. Lui, c’était Donjons et Dragons : « J’y ai longtemps joué avec mes cousins ».
C’était le premier jeu de rôle au monde, né il y a pile 50 ans, dans un coin paumé du Wisconsin, aux États-Unis, par un passionné de “wargames” et “d’heroic fantasy”. À l’époque, très peu de personnes auraient compris cette phrase. Aujourd’hui, la pop culture geek, dont on entend souvent parler, s’est largement diffusée à travers le monde. Plus de 50 millions de personnes pratiquent le jeu de rôle. Et parmi eux, certains se sont donné rendez-vous le week-end dernier à La Souterraine.
Au programme : des initiations, des tournois de jeux de cartes à collectionner, de jeux vidéo aussi, un atelier de peinture de figurines à collectionner, et puis surtout des parties géantes. L’occasion de se retrouver à plusieurs. « Je joue pour me divertir, pour penser à autre chose après le boulot, estime le président de l’association Fairy Play. Le côté sociable me plaît beaucoup aussi. Et puis, bon, il y a une certaine excitation à remporter une partie », glisse-t-il, avant de donner le coup d’envoi officiel des 24 heures du jeu.
Jouer permet de rencontrer des gens vers lesquels nous ne serions peut-être pas forcément allés
En discutant avec des joueurs, la relation aux autres est l’un des arguments qui revient le plus quand on évoque les bienfaits du jeu. « Jouer permet de rencontrer des gens vers lesquels nous ne serions peut-être pas forcément allés, » avoue Christelle Orange, membre du collectif “La maison d’à côté”, un lieu participatif dont l’ambition est de faire se rencontrer des personnes qui n’auraient aucune raison de se croiser. Et d’ajouter : « Ce qui m’intéresse, c’est que le plus grand nombre de personnes jouent. ».
Les jeux séduisent un nouveau publicLe collectif joue sur plusieurs volets. Il y a une partie ludothèque, qui s’est mise progressivement en place, avec un stock de jeux qui se garnit de plus en plus. La cotisation est de cinq euros à l’année, puis l’emprunt d’un jeu coûte 2 euros pour deux semaines. Ensuite, il y a un volet “ventes”. Le collectif est présent au marché de La Sout’une à deux fois par mois. « Les gens sont intrigués, ils sont curieux, » juge Christelle, rappelant que la vente sur le marché permet de sensibiliser un nouveau public. « On peut les conseiller. Quand des grands-parents viennent nous voir pour trouver le bon jeu pour leurs petits-enfants, on les aiguille, et on essaye de faire comprendre aux gens que le jeu peut permettre de changer les équilibres, selon les âges, dans une fratrie par exemple, » conclut-elle.
À Guéret, dans sa boutique “La Boîte à geek”, Yoann Dubreuil organise des parties. « On se retrouve les vendredis soir, on se connaît tous, c’est vraiment ça le jeu pour moi, c’est le plaisir de jouer avec les autres. On décide ensemble d’un jeu, on le teste, on adapte les règles, on s’amuse quoi, » raconte celui qui a commencé par le jeu Magic il y a une trentaine d’années.
Des jeux qui laissent davantage de place aux interactions et à la personnalité des joueurs. « Quand je joue, je me lâche. C’est l’occasion pour moi de pouvoir m’exprimer différemment, » note Christelle Orange.
La foire aux clichés, stop. Trop longtemps associé à un monde de “nerds” et à des parties jouées dans des sous-sols mal éclairés, le jeu continue de séduire un nouveau public. « On dit que le jeu c’est que pour les enfants, mais pas du tout, regrette Maxime Loviton, de l’association Fairy Play. C’est un peu vexant, ceux qui pensent ça, je leur propose de venir redécouvrir le plaisir de jouer », conclut le président de l’association Fairy Play. Au vu de l’affluence des 24 heures du jeu, le loisir a de beaux jours devant lui.