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Май
2024

"Quand il est challengé…" : après son débat raté, Jordan Bardella veut tourner la page

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Qu’y a-t-il de moins agréable qu’une gueule de bois en terrain hostile ? Jordan Bardella s’en serait probablement bien passé, ce vendredi 24 mai. La veille, déjà, il n’a pas passé le meilleur moment de sa vie sur le plateau de France 2. La tête de liste du Rassemblement national pour les élections européennes a été fortement malmenée par le Premier ministre, Gabriel Attal, pendant l’heure et quart qu’aura duré leur débat. Ce jour, c’est à Hénin-Beaumont, fief du maire RN Steeve Briois et du député Bruno Bilde, que Jordan Bardella est attendu pour son meeting avec Marine Le Pen.

Ses relations avec le duo n’ont pas toujours été chaleureuses. Pour arriver jusqu’au gymnase où se tient l’événement, l’eurodéputé a d’ailleurs dû passer devant la mairie "de merde" (sic) sur laquelle il avait promis "de rouler en char Leclerc", après une dispute avec les deux proches de la patronne, en marge de son accession à la présidence du parti il y a deux ans. Le Pas-de-Calais a bonne mémoire. "Je lui demanderai où sont garés ses chars", raille un Héninois.

Plus de 3000 personnes se pressent ce vendredi à l’espace François Mitterrand, le gymnase de la ville qui accueille le meeting. A domicile, Steeve Briois se permet même de mentionner son conflit avec le président de parti. "Personne ici n’ignore que j’ai fait valoir mes divergences". Mais précise tout de même : "Dans les tempêtes nous devons tous être sur le pont derrière nos chefs". Jordan Bardella appréciera.

Car depuis jeudi soir, les oreilles du candidat d’extrême droite sifflent. La faute à sa performance face à Gabriel Attal, jugée pas au niveau par nombre de ses camarades, qui estiment que le Premier ministre a corrigé la tête de liste sur le fond comme sur la forme. "Ça montre que quand il est challengé et doit aller au-delà de ses formules toutes faites ça devient chaud…", commente un cadre. Un passage en particulier est raillé en interne : la difficulté de Jordan Bardella à défendre la mise en place d’une double frontière, mesure défendue par son parti. "On a fini par se demander si l’idée était mauvaise dès le départ ou si Bardella l’avait juste mal défendue", s’amuse un frontiste.

"La posture de l’arrogance vieillit mal quand c’est lui qui se retrouve mis en difficulté "

Autre motif d’agacement : l’arrogance dont certains en interne taxent Jordan Bardella. Récemment, l’eurodéputé, qui nourrit un intérêt répulsif pour la Macronie et s’attelle à singer l’attitude de certains d’entre eux, a même réutilisé contre Valérie Hayer (la tête de liste Renaissance) les éléments de langage d’Emmanuel Macron lors du débat de second tour de 2017. "C’est sûr que la posture de l’arrogance vieillit mal quand c’est lui qui se retrouve mis en difficulté", grimace un élu. Chez les militants, aussi, pointe une certaine déception. "On avait l’habitude de le voir toujours au top, là il était très décevant", regrette Thomas, 21 ans, qui a tout de même fait le déplacement.

"On a vu les limites du personnage quand il était face à plus fort que lui", ajoute Charles, 19 ans. A Hénin-Beaumont, ce vendredi, la plupart sont d’ailleurs venus d’abord, forcément, "pour Marine Le Pen".

Au parti, on serre les rangs. Pas question, à deux semaines de l’élection, de désavouer son champion. Ni même d’admettre qu’il aurait pu sous-performer dans un débat. "Gabriel Attal a parlé du RN, Jordan a parlé des Français", se bornent à répéter publiquement les élus. Prière de passer à un autre sujet. Tous rivalisent de mauvaise foi pour trouver le meilleur superlatif à même de qualifier leur chef. Marine Le Pen elle-même est intervenue sur les boucles d’élus pour rappeler que Jordan Bardella avait fait preuve de "hauteur, de dignité" et décliné sa "vision". "Bon, ça sonnait quand même faux", commente un élu.

Jordan Bardella, lui, a tout de même tenu à s'expliquer, ce vendredi, à Hénin-Beaumont. "J'ai fait face en essayant de défendre la vérité, a-t-il déclaré. Et ça n’a pas été simple, j'ai fait face au premier menteur de France : Monsieur Attal." Applaudissements dans la salle. L'honneur est sauf. Les sondages aussi. Dans le rolling Ifop de jeudi, le parti d'extrême droite caracole en tête, avec 33% des intentions de vote. Ce vendredi, un nouvel élément vient rassurer les frontistes : un sondage Odoxa pour Le Figaro indiquant que 40% des Français exposés au débat et interrogés par l’institut considèrent que la performance de Jordan Bardella renforce leur volonté de voter RN lors du scrutin du 9 juin. Le fichier est directement transféré aux journalistes, assorti d'un commentaire fleuri d'un député : "Bisous les pisse froids". Note pour plus tard : Au RN, l'erreur est humaine tant qu'elle reste sans conséquence. Dans le gymnase d'Hénin-Beaumont, un militant abonde : "Mais les débats on s'en moque, nous on vote pour Jordan parce qu'on sait qu'il a raison."