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Май
2024

Sénégal : le Premier ministre revendique une homophobie africaine, Mélenchon lui répond

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Têtu 

Le nouveau Premier ministre du Sénégal, Ousmane Sonko, a repris fièrement le flambeau de l'homophobie d'État porté par l'ancien président Macky Sall, prévenant que le sujet pouvait devenir un "nouveau casus belli" entre l'Occident et les pays africains. Invité sur place, le leader de La France insoumise, Jean-Luc Mélenchon, a contesté cette lecture relativiste des droits humains.

"Les velléités extérieures de nous imposer l'importation de modes de vie et de pensée contraires à nos valeurs risquent de constituer un nouveau casus belli." Lors d'un discours devant des étudiants à Dakar consacré aux relations entre l'Afrique et l'Europe, ce jeudi 16 mai, le nouveau Premier ministre du Sénégal, Ousmane Sonko, a adressé cet avertissement aux Occidentaux au sujet des droits des homosexuels et des minorités sexuelles. Énième signe du basculement en Afrique où, après avoir été importée dans les législations par la colonisation, l'homophobie d'État est devenue une revendication culturelle opposée à l'Occident. Le chef du gouvernement a d'ailleurs ajouté que la défense de ces minorités pouvait, davantage que les divergences politiques, nourrir un "sentiment anti-occidental dans beaucoup de parties du monde".

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Remarquant que "la question du genre revient régulièrement dans les programmes de la majorité des institutions internationales et dans les rapports bilatéraux, même souvent comme une conditionnalité pour différents partenariats financiers", Ousmane Sonko a affirmé respecter le fait que la défense des minorités sexuelles soit "érigée en débat prioritaire au sein des opinions occidentales", mais argué que dans des pays comme le sien, cela soulève "énormément de tensions et d'incompréhensions tant elle met face à face des cultures, des civilisations et des systèmes politiques à la vision diamétralement opposée".

Mélenchon répond à Ousmane Sonko

L'homosexualité est largement considérée comme une déviance au Sénégal, où la loi réprime d'un emprisonnement d'un à cinq ans les actes dits "contre nature avec un individu de son sexe". Des manifestations se produisent régulièrement à Dakar pour appeler à durcir encore la répression anti-LGBT, à l'appel notamment des organisations islamistes. Contrairement à ce que prétend le Premier ministre sénégalais – "Il n'y a jamais eu de persécution de ces communautés" –, les homosexuels au Sénégal sont persécutés vivants ou morts, comme l'a de nouveau montré en octobre 2023 le cas de Cheikh Fall, dont le cadavre a été déterré pour être brûlé sur la place publique au motif de son homosexualité.

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Le leader de La France insoumise (LFI), Jean-Luc Mélenchon, était invité à co-animer ce débat avec le Premier ministre, six semaines après l'élection à la présidence de Bassirou Diomaye Faye – le parti Pastef l'avait désigné candidat en remplacement d'Ousmane Sonko, son leader, donné favori mais empêché de concourir après avoir été emprisonné plusieurs mois. Après la diatribe homophobe du chef du gouvernement, l'Insoumis a voulu reprendre le micro pour assumer leur désaccord, sous les huées de l'assistance : "Je suis un homme absolument et radicalement engagé sur un point, (…) je suis le premier législateur français qui ai déposé un texte de loi à propos de la possibilité du mariage homosexuel. (…) Et c'est pourquoi je vous dis, les yeux dans les yeux, que j'assume la position politique que j'ai voulue, et je ne chercherai pas à vous l'imposer, mais il est inutile de parer cette divergence d'une divergence qui viendrait entre les nations." Et de rappeler qu'en France, ce sont "les pires réactionnaires et les pires racistes qui se sont opposés à cette disposition légale". La tirade n'a pas gagné les cœurs présents, mais au moins a-t-elle contesté ceux qui, sous prétexte que les législations homophobes ont été importées par les colons, relativisent l'homophobie en Afrique comme si, pour reprendre le mot attribué à François Mitterrand au sujet du génocide au Rwanda, "dans ces pays-là" ce n'était "pas important".

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Crédit photo : SEYLLOU / AFP

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