Agnès Jaoui et les Bonitzer : “Ce qui nous plaît lui aurait sûrement plu”
Réalisé avec la conscience que son état de santé faiblissait, c’est aussi un film qui cri avec autant de force que de peur. “J’existe. Me voilà.” selon les notes écrites autour du film par la cinéaste.
“Quand j’ai vu le film, je ne me suis pas reconnue. J’ai vu Sophie. Enfin, une autre Sophie ou une autre moi. Quelqu’un entre nous deux. ” confesse Agnès Jaoui avant de commenter tout le processus mis en place par la cinéaste pour opérer un fondu entre les deux êtres. “J’étais habillée comme elle. Le matin, elle me donnait ses bijoux que je lui rendais chez elle. Nous tournions chez elle. C’est son psy qui apparaît dans le film. D’ailleurs, c’est ses chaussures que je porte actuellement. À l’époque, elles étaient neuves. Elle m’avait dit que c’était plus confortable. C’est vrai que ça change tout à la gestuelle de marcher avec des tennis.”
Sa fille, Agathe Bonitzer, reconnaît qu’il y a toujours eu un travail sur la ressemblance entre les actrices choisies dans ses films et la cinéaste. Souvent les gens disaient : “C’est fou comme Emmanuelle Devos a pris ça de toi. Après Un chat, Un chat, beaucoup évoquait la ressemblance entre Chiara Mastroianni et ma mère.” Adam Bonitzer, son fils, poursuit : ”C’est étonnant parce que Devos, Mastroianni et Jaoui sont des actrices très différentes, mais je pense que oui, à chaque fois, il y a un truc qui les réunit. Un effet de mimétisme.” Sur Ma vie ma gueule, Agathe Bonitzer confesse qu’il y a une couche supplémentaire qui emporte le film vers l’autobiographie. “C’est tellement son langage à elle. Il y a quelque chose d’elle qui transparaît ne serait-ce que dans les dialogues, les mots choisis.”
Une mission
Avant sa mort et sentant qu’elle ne pourra mener la postproduction du film jusqu’à son terme, c’est justement à ses deux enfants, Agathe et Adam que la cinéaste confie la tâche de superviser le montage du film accompagné par François Quiquer. “À partir du moment où elle nous l’a demandé, c’était vraiment comme une mission. Je ne dis pas que c’était facile, mais c’était une évidence” confie sa fille Agathe Bonitzer. Adam, son frère, ajoute sur les choix artistiques qui ont dû être faits : “Ce qui nous plaît lui aurait sûrement plu. Je crois que c’est comme ça qu’on devait aussi le penser. Pourtant c’est vraiment son film à 100 %. Je pense que ça se voit quand on découvre le film.” Agnès Jaoui se souvient pour sa part de cet élan si particulier qui guidait chaque jour la fabrication du film. ” Tout le monde a fait ce film par amour du cinéma et pour Sophie. Parce qu’on y croit tous. Ça crée toujours quelque chose de particulier.”
Un plan post-générique d’un arc-en-ciel rend d’autant plus bouleversante la question de la transmission et de l’héritage déjà au cœur du film, tant par la trajectoire du personnage de Barberie accompagné dans le film par ses enfants, que par le choix de la cinéaste de confier la finalisation du film à Agathe et Adam. ” C’est un plan qui a été tourné un peu comme ça, qui n’était pas forcément prévu, mais il y a eu cet arc-en-ciel. Je pense que même au moment du tournage, c’était comme un signe. C’est un signe que l’on a gardé.” Agathe Bonitzer ajoute : ” Pour nous, c’est une sorte de clin d’œil, une pensée pour elle. Et elle qui pense à nous.” Un dialogue par les images qui ne connaît pas la mort.