"Je me sens toujours un peu jeune" : à 91 ans, ce médecin continue de recevoir des patients dans son cabinet
« Je ne comprends pas vraiment pourquoi vous êtes venu me voir. Ma vie n’est pas si extraordinaire. » Pourtant, à bientôt 92 ans, Louis Herdt est un personnage singulier.
Installé depuis 1970 dans son cabinet de Saint-Agrève (Ardèche), sa commune d’origine, le médecin n’a toujours pas rangé le stéthoscope et continue à recevoir ses patients, voire à se déplacer chez eux, avec la même envie qu’au premier jour.
« Je me sens toujours un peu jeune et j’ai cette volonté de travailler. Je ne veux pas redevenir chômeur », confie avec humour le généraliste, qui concède : « Quand je ne fais rien pendant une semaine, je m’ennuie. »Sans ordinateur, Louis Herdt garde les dossiers de ses patients dans son bureau.
Une relation spéciale avec l’AfriqueSa carrière a démarré loin de l’Ardèche, à Timimoun pour être précis, en pleine guerre d’Algérie. C’est là, au cœur du Sahara, que le docteur a commencé d’exercer. Une expérience qui l’a marqué à vie. « Cette période a été pleine de contradictions entre ce que l’on me demandait de faire en tant que militaire et mon intégrité de médecin », relate Louis Herdt. Une protestation qui va avoir de lourdes conséquences puisqu’il est envoyé à la Légion étrangère par mesure disciplinaire.
De cet épisode, il garde un lien fort avec l’Afrique. Un continent dans lequel il retourne plusieurs fois, que ce soit au Sénégal ou au Maroc. « J’ai toujours eu cette idée d’aller aider dans les pays sous-médicalisés. Alors, dès que je pouvais, j’y retournais », précise Louis Herdt qui affiche fièrement de nombreuses sculptures et décorations africaines dans son cabinet, témoins de son attachement pour cette région du monde.
Lorsqu’il revient chez lui, et s’installe professionnellement en Ardèche, il ne compte pas rester. « Trois ou quatre mois maximum, pour me reposer, et au final j’y suis depuis 50 ans », s’amuse-t-il.
En plus de son activité de médecin à Saint-Agrève, ce père de famille a aussi été maire de la commune pendant 18 ans, entre 1977 et 1995, ainsi que conseiller général, de 1976 à 1982. Une vie bien remplie au service des habitants et de ses patients, qui le reste encore aujourd’hui, même s’il a ralenti le rythme de son cabinet. « Avant je recevais peut-être 15 personnes par jour, aujourd’hui c’est la moitié. C’est juste ce qu’il me faut pour être heureux », apprécie Louis Herdt.
L’informatique, un vrai problèmeUne situation « agréable » pour le praticien qui en profite pour passer plus de temps avec chacun de ses visiteurs. « Les personnes qui continuent de venir me voir, c’est parce qu’elles m’aiment bien. On mélange un peu l’amitié et la profession », sourit Louis Herdt qui a noué des relations fortes au sein de sa patientèle. « Je reçois des gens qui me disent que c’est moi qui les ai accouchés, c’est assez amusant. »La table d’auscultation n’a pas bougé depuis près de 50 ans.
Si aujourd’hui, il ne travaille plus qu’avec les patients de son cabinet, le médecin a toujours eu de nombreuses activités, que ce soit à l’hôpital ou encore récemment à l’Ehpad de Moze, qu’il a quitté il y a un mois pour une raison un peu particulière : son niveau en informatique. En effet, le docteur Herdt n’a jamais été formé au maniement d’un ordinateur ou tout autre objet numérique. « On devait me l’apprendre il y a trente ans, mais à ce moment-là, j'étais proche de la retraite, alors on m’a dit que ce n’était pas nécessaire de m’y mettre ». Un manque qu’il ressent aujourd’hui. « Avec mes oreilles, c’est mon deuxième handicap. Aujourd’hui tout passe par Internet, alors ne pas y être formé… »
C’est donc avec regret qu’il a été contraint de quitter la maison de retraite. Un lieu où il a parfois vécu des situations cocasses. « Il m’est arrivé qu’on me prenne pour un résident?! On me demandait ma chambre », se rappelle le Saint-Agrèvois, qui a eu le droit à une belle fête pour son départ. Un départ qui ne sonne pas l’heure de la retraite pour autant. Au cabinet du docteur Herdt, les choses n’ont pas vraiment bougé avec le temps. Les dossiers de ses patients sont rangés dans une étagère, la table d’auscultation est la même qu’à son arrivée et son bureau date d’une trentaine d’années. « Je l’ai acheté dans une brocante à Saint-Étienne », se souvient le médecin.
Et il n’est pas près d’être déménagé. Car, si Louis Herdt avance en âge, il ne compte pas arrêter tout de suite. Que ce soit les consultations au cabinet ou les visites à domicile. Et justement la conversation ne doit pas trop s’éterniser, car la journée du docteur Herdt n’est pas finie avec encore deux visites chez des patients…
Guillaume Chorin