Brul Cul, Coupe-Gorge... Ces villages aux noms insolites attirent les curieux
"Mon père m’a dit un jour qu’au temps des chevaux et des calèches, l’une serait arrivée avant l’autre, et le cocher aurait dit : “Je t’ai brûlé le cul !”" Simone Gidon est âgée de 89 ans. Elle a vécu toute sa vie dans le petit hameau de Brul Cul, commune de Sugères. Une origine qui n’a pas toujours été simple d’assumer.
Lorsque j’étais jeune, j’étais pensionnaire à Sauxillanges et je n’osais pas dire que j’habitais ici
, sourit-elle aujourd’hui. Sa maison se trouve à quelques dizaines de mètres seulement de l’entrée du bourg, signalée par un panneau en bois.Il ne ressemble en rien à ceux habituellement installés par les services communaux. Et pour cause. "Il a été volé deux fois. Depuis, on en a mis en bois. Mais, celui-ci aussi, il est parti !", commente l’agricultrice à la retraite.On imagine aisément les raisons de l’acte de vandalisme. Blague potache ou souvenir exhibé tel un trophée, le panneau fait sourire.Le panneau de Brul Cul est désormais artisanal. Les anciens ont été volés.
Surprise et souriresÀ l’autre bout du village vivent Fabienne et Jean-Luc Brault. Il y a 22 ans, le couple du Loir-et-Cher est tombé sous le charme de cette petite maison devenue leur résidence secondaire. Bien évidemment, au tout début, le nom du lieu-dit les a intrigués. "On cherchait une maison dans ce secteur et le nom de Brul Cul nous a interpellés. Ça fait rire les gens quand on leur dit où nous habitons", s’amuse Jean-Luc.
Lui aussi a entendu différentes histoires sur la provenance du nom. Mais la légende la plus probable, selon lui, serait celle d’un évêque qui, un été et par de fortes chaleurs, aurait fait une pause malheureuse dans le bourg.À Brul Cul Fabienne et Jean-Luc ont acheté une maison il y a plus de 20 ans.
C’était un relais pour les voyageurs à une époque. L’évêque se serait assis sur un rocher chauffé par les rayons du soleil et se serait brûlé les fesses !
Des selfies sous tous les anglesDe nos jours, les automobilistes et promeneurs ont, eux aussi, pour habitude de faire une halte sur le massif. Mais la raison est tout autre. « Ils font un selfie devant le panneau. » Rien de surprenant à cela. Fabienne et Jean-Luc se souviennent toutefois d’une anecdote plus cocasse. "Un été, un couple s’est arrêté près du panneau. La femme a levé sa jupe et montré son postérieure pendant que son mari prenait la photo. Ça nous a beaucoup fait rire !"
La commune de Sugères est vernie. Brul Cul n’est pas l’unique hameau à être affublé d’un nom surprenant. De l’autre côté du vallon, celui de Branlequeue est occupé par deux maisons. Marie, 23 ans, en a acheté une il y a un an. "Mes parents habitent Sugères, je connaissais le lieu-dit, ça ne m’a pas choqué. Par contre, mes amis me demandent encore où ils sont allés chercher un nom pareil !"
Introuvable, même avec un GPSPour s’y rendre, le GPS ne suffit pas. Aucun panneau ne signale la petite localité. Là aussi, la signalétique a disparu. "Il n’y en a plus depuis déjà 7 ou 8 ans", indiquent André et Michaël. Père et fils, les deux agriculteurs s’affairent sur une machine.Ils résident au lieu-dit Le Grun, juste en face de Branlequeue où les deux uniques maisons sont en cours de rénovation.Cela fait presque 8 ans que le panneau de Branlequeue a disparu.
Autrefois, racontent-ils, pour les enterrements de vie de jeune fille ou de garçon, ils se faisaient photographier devant le panneau de Branlequeue.
Quant à l’origine de cette dénomination, aussi surprenante que cela paraisse, l’allusion à la sexualité serait très éloignée de la réalité. C’est un petit oiseau, la Bergeronnette grise, dite à longue queue, qui aurait inspiré les anciens. Le gracieux passereau noir et blanc, lorsqu’arrive le printemps et le moment pour les paysans de travailler la terre, profite de l’aubaine pour picorer les insectes et autres vers de terre. "Et elle agite tout le temps sa longue queue de droite à gauche", décrit André. Ce comportement, les locaux l’observent encore régulièrement lorsque reviennent les beaux jours.
Sale temps pour les moinesPlus au sud, c’est à La Chapelle-sur-Usson qu’il faut se rendre afin de poursuivre la découverte des noms de bourgs insolites. Plus exactement à Coupe-Gorge. L’origine semble ici plus accessible. Mais deux versions s’opposent. L’une fait référence au point de passage entre deux gorges. Le relief montagneux s’y prête. La seconde hypothèse est rapportée par le maire Éric Trilleaud.
Il y a plusieurs siècles, les moines de l’abbaye de La Chaise-Dieu empruntaient ce chemin pour se rendre dans la vallée. C’est là qu’ils se faisaient probablement détrousser par des bandits
, avance l’édile. Coupe-Gorge, une appellation comme celle-ci suppose que les voleurs pouvaient faire bien plus si les religieux se montraient récalcitrants à l’idée de se faire déposséder de leur argent et marchandises. L’issue pouvait être clairement dramatique et les moines de rejoindre leur créateur plus vite que prévu.
Trouver la tranquillité à Coupe-GorgeAlexandre a trouvé la tranquillité à Coupe-Gorge.Depuis, la réputation de Coupe-Gorge s’est apaisée. Et, à la différence de Branlequeue et Brul Cul, la signalétique est encore présente aux entrées du village. En venant de Bansat, les voyageurs (sans craindre l’attaque de bandits de grand chemin donc) passent à côté de la maison d’Alexandre. Originaire de la région parisienne, le trentenaire voulait s’éloigner du tumulte de la ville.
La tranquillité, il l’a trouvée dans cette demeure du XIXe siècle qu’il rénove depuis 2017. "Quand j’ai dit à mes amis que j’allais habiter à Coupe-Gorge, certaines ont ri et d’autres ont pensé que c’était faux." Lui aussi assiste régulièrement à des séances de selfie. Et ce n’est pas près de s’arrêter.
David Allignon