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Май
2024

Pourquoi il a fallu sept ans pour que cette exceptionnelle statue du XVe siècle retrouve le nord de la Creuse

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L’histoire commence en 2015, à la suite du courrier d’un administré demandant au maire de Moutier-Malcard (Creuse), Pierre Guyot, de rafraîchir et consolider la statue de saint Eutrope.

Le maire s’adresse à Annick Chemisier, conseillère municipale à l’époque et aujourd’hui adjointe, qui travaille à l’Unité départementale de l’architecture et du patrimoine de la Creuse. Sur ses conseils, la conservatrice des antiquités et objets d’art du département de la Creuse, Géraldine Thévenot, est invitée et demande un inventaire du patrimoine religieux de l’église Saint-Martin.

Lauréate du concours « Sauvez le patrimoine de votre commune »

C’est finalement la statue de sainte Barbe, dans un état de conservation plus dégradé et d’une valeur patrimoniale plus importante, qui retient l’attention. Dans la mesure où elle semble dater du XVe siècle, Annick Chemisier motive la municipalité à participer au concours national « Sauvez le patrimoine de votre commune » en annonçant que « jamais un objet d’art de la Creuse n’a été lauréat du concours ». Le défi est relevé et la commune le remporte en 2017.

Sainte Barbe, cette vierge martyre du IIIe siècle, est la sculpture la plus ancienne au sein de l’église (fin XVe, début XVIe) et semble être la seule du département datant de cette époque à avoir été conservée dans son intégrité.

Prise en charge par le Centre de l’énergie atomique (CEA), la statue de sainte Barbe est confiée à Karine Froment, la directrice d’ARC-Nucléart, l’atelier de recherche et de conservation qui, depuis 1970, met l’irradiation gamma (rayonnement électromagnétique) au service du patrimoine.

Sculptée dans du noyer

Florence Lelong, conservatrice-restauratrice, a expliqué les choix de restauration appliqués à sainte Barbe, ainsi que son histoire.

Elle a d’abord reçu une exposition au rayonnement gamma permettant une désinsectisation curative. S’en sont suivies des études pour comprendre le contexte et la datation de sa conception.

Ainsi, des éléments typiques de l’architecture du Moyen-Âge sont apparus (la présence des archères et canonnières). Les analyses ont permis d’identifier l’essence du bois (noyer) et de montrer la présence du cœur de l’arbre (qui est la tour), mais également de comprendre que la majorité de l’œuvre a été faite dans le même bloc.

Du bleu de Prusse postérieur au XVIIIe siècle

Les études de la polychromie, (avec des micro-prélèvements « de la taille d’un grain de sucre », a précisé Mme Lelong), ont permis de dater les différentes couches (quatre repeints). On sait, par exemple, que le troisième a dû être fait au XVIII siècle car il y a des pigments de bleu de Prusse et ceux-ci n’ont été découverts qu’en 1704.

Suite à ces expertises, une proposition de traitement de l’œuvre a été faite au propriétaire (la municipalité de Moutier-Malcard) et au CAOA (Conservateurs des antiquités et objets d’art) ; celle-ci a été validée.

Plus de 1.600 heures sous une binoculaire

Il a fallu consolider le bois et, pour ce faire, dégager les matériaux exogènes (au micro-burin), ainsi que la polychromie. Celle-ci a été ôtée au scalpel sous une binoculaire en plus de 1.600 heures de travail. Ensuite, le bois et la polychromie ont été nettoyés, les galeries d’insectes comblées (infiltration de résine à la seringue) et la statue a, à présent, une semelle en résine pour une meilleure stabilisation.Géraldine Thévenot, Valérie Simonet, Nicolas Simonnet (co-président de l'AMAC 23), Jean-Jacques Lozach (sénateur), Karine Froment, Guy Marsaleix (président des Portes de la Creuse en Marche), Florence Lelong et Pierre Guyot. 

Un travail de très longue haleine qui a été salué par Valérie Simonet, présidente du Département : « Sept ans ont été nécessaires, mais on vient de comprendre pourquoi ». Et le maire de Moutier-Malcard, Pierre Guyot, de conclure : « Moi qui suis bien souvent impatient, vous m’avez donné une belle leçon d’un autre rapport au temps qui s’écoule ».