Livraisons d’armes à Israël : la menace de Joe Biden
Pour la première fois depuis le début de l’offensive israélienne dans la bande de Gaza, les Etats-Unis, premier soutien militaire d’Israël, posent des conditions à la livraison d’armes. Joe Biden a prévenu, mercredi 8 mai : il ne livrera plus les armes utilisées précédemment contre les villes, si Tsahal poursuit sa volonté de pénétrer dans les centres de population de Rafah, au sud de la bande de Gaza. Une menace qualifiée de "décevante" par Israël.
Les infos à retenir
⇒ Joe Biden menace Israël de cesser l’envoi de certaines armes en cas d’offensive d’ampleur à Rafah
⇒ Des tirs d’obus sur certains quartiers de Rafah continuent de faire des victimes
⇒ Les négociations en vue d’une pause dans les combats ont repris mercredi
Israël estime "très décevante" la menace des Etats-Unis sur les livraisons d’armes
"C’est une déclaration très dure à entendre et décevante de la part d’un président envers qui nous avons été reconnaissants depuis le début de la guerre". Jeudi 9 mai, l’ambassadeur israélien à l'ONU, Gilad Erdan, a fustigé la menace du chef d’Etat américain Joe Biden de cesser la livraison de certaines armes à Tsahal, si l’armée israélienne poursuivait son offensive contre le centre de la ville de Rafah, dans le sud de la bande de Gaza, où s’entassent 1,4 million de Palestiniens, dont plus d’un million de déplacés.
"Il est assez clair que n’importe quelle pression sur Israël, n’importe quelle restriction qui lui est imposée, même de la part d’alliés proches soucieux de nos intérêts, est interprétée par nos ennemis" et "leur donne espoir", a ajouté Gilad Erdan, dans une intervention à la radio publique israélienne. Le Premier ministre israélien, Benyamin Netanyahou, martèle depuis des mois être déterminé à lancer une offensive terrestre d’ampleur contre la ville de Rafah où, affirme-t-il, se cachent les derniers bataillons du Hamas.
"Si Israël est empêché d’entrer dans une zone aussi importante que le centre de Rafah, où il y a des milliers de terroristes, d’otages et les dirigeants du Hamas, comment l’objectif d’anéantir le Hamas est-il censé être atteint ?", a interrogé l’ambassadeur israélien. "Finalement, l’Etat d’Israël fera ce qu’il pense doit être fait pour la sécurité de ses citoyens", a-t-il affirmé.
Biden ne livrera plus "les armes et obus" utilisés contre les villes
Pour la première fois depuis le début de l’offensive israélienne dans la bande de Gaza, les Etats-Unis, premier soutien militaire et allié diplomatique d’Israël, ont posé mercredi soir des conditions à la livraison d’armes à Israël. Si les soldats israéliens "entrent à Rafah, je ne leur livrerai pas les armes qui ont toujours été utilisées […] contre des villes", a déclaré Joe Biden dans un entretien avec la chaîne CNN, citant notamment des "obus d’artillerie".
"Nous ne livrerons pas les armes et les obus d’artillerie qui ont été utilisés" jusque-là contre les villes. "Des civils ont été tués à Gaza à cause de ces bombes […] C’est mal". Selon un haut responsable américain, les Etats-Unis ont suspendu la semaine dernière la livraison d’une cargaison composée "de 1 800 bombes de 2 000 livres (907 kilos) et de 1 700 bombes de 500 livres (226 kilos)", alors que l’armée israélienne se préparait à lancer une offensive "limitée" selon elle à Rafah, que d’aucuns craignent comme étant le prélude à un assaut d’ampleur.
Interrogé sur les opérations en cours à Rafah, où l’armée israélienne a déployé des chars et pris le contrôle d’un point de passage frontalier, Joe Biden a dit qu’elle ne touchait pas des "centres de population", laissant entendre que, pour Washington, il ne s’agit pas de l’opération à grande échelle tant redoutée. "Je l’ai dit clairement à Bibi (le Premier ministre Benyamin Netanyahou) et au cabinet de guerre, ils n’auront pas notre soutien s’ils entrent vraiment dans les centres de population", a encore affirmé le président américain.
Cette annonce intervient à un moment délicat pour l’administration Biden, qui doit soumettre cette semaine un rappo très attendu au Congrès sur la question de savoir si l’utilisation par Israël d’armes américaines est conforme au droit international et, par là, respecte la loi américaine. Les appels se font quant à eux de plus en plus nombreux aux Etats-Unis pour conditionner l’aide militaire américaine. Qui plus est en pleine année électorale aux Etats-Unis, et alors que des manifestations propalestiniennes secouent de nombreux campus américains.
A Rafah, "des tirs d’obus à l’aveugle" sur certains quartiers
Dans la nuit de mercredi à jeudi, une équipe de l’AFP a fait état de nombreux tirs d’artillerie à Rafah, à la pointe sud de la bande de Gaza. L’armée israélienne a elle annoncé des frappes contre des "positions du Hamas" dans le centre du territoire palestinien ravagé par sept mois de guerre.
Plus tôt cette semaine, l’armée israélienne a déployé des chars dans Rafah et pris le contrôle du passage frontalier avec l’Egypte, coupant la principale porte d’entrée pour les convois d’aide humanitaire vers le territoire palestinien assiégé. L’autre point de passage proche de Rafah, Kerem Shalom côté israélien, fermé dimanche après des tirs revendiqués par le Hamas, a été visé mercredi par des tirs de roquettes peu après sa réouverture, selon l’armée.
"Nous avons très peur. L’armée d’occupation continue de tirer à l’aveugle des obus sur des quartiers de l’est de Rafah, en plus d’une intensification des frappes aériennes", a raconté à l’AFP un habitant de la ville, Mouhanad Ahmad Qishta. "Même les zones présentées comme sûres par l’armée israélienne sont bombardées", a-t-il ajouté. "Il y a des tirs d’artillerie israéliens ininterrompus et aveugles sur l’est et le centre de Rafah, qui ont fait de nombreux morts et blessés et visent les étages supérieurs d’immeubles d’habitation", a déclaré à l’AFP Ahmed Radwan, un responsable de la Défense civile à Gaza.
La fermeture des points de passage et les opérations militaires à Rafah font craindre une aggravation de la crise humanitaire dans le territoire palestinien. Il ne restait mercredi que "trois jours de carburant" aux hôpitaux du sud de Gaza, "ce qui signifie qu’ils pourraient bientôt cesser de fonctionner", a averti le directeur général de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), Tedros Adhanom Ghebreyesus.
Négociations toujours en cours en vue d’une trêve
Au Caire, les négociations indirectes entre Israël et le Hamas, via des pays médiateurs (Qatar, Egypte et Etats-Unis), ont repris mercredi pour tenter de parvenir à un compromis sur une trêve et éviter un assaut à Rafah. Le média Al-Qahera News, proche du renseignement égyptien, a fait état d’une "convergence" de vues sur certains points.
A Jérusalem, Benyamin Netanyahou a rencontré mercredi le directeur de la CIA, William Burns, pour discuter d’une possible "pause" dans les opérations militaires dans le sud de la bande de Gaza en échange de libérations d’otages, selon un responsable israélien. Lundi, quelques heures avant le déploiement de troupes israéliennes à Rafah, le Hamas avait donné son feu vert à une proposition présentée par les médiateurs. Israël a répondu que cette proposition était "loin de ses exigences" et répété son opposition à un cessez-le-feu définitif, tant que le Hamas ne serait pas vaincu.