“Hot Milk”, le roman sensible et mystérieux de Deborah Levy enfin traduit
Quand le livre commence, Sofia vient de casser l’écran de son ordi portable, qui contient toute sa vie. Un signe funeste ? Ou un portail technologique sur le réel qui se referme sur un monde coupé de tout ce qui pourrait faire sa vie ? Elle a 25 ans et accompagne sa mère invalide, Rose, dans le sud de l’Espagne. Car Rose a hypothéqué son appartement pour financer les soins du mystérieux Dr Gomez, dans sa non moins mystérieuse clinique, et louer un appartement sur la plage où les deux femmes peuvent rester.
Sofia est paralysée dans la paralysie de sa mère. Tout le roman se fait la métaphore de vies stagnantes, comme suspendues au-dessus du vide. Et même si quelques personnages rejoignent Sofia, qui devient l’amante d’une jeune Allemande et d’un jeune Espagnol, Deborah Levy dépeint un huis clos et renouvelle le roman gothique (l’enfermement de deux femmes, la menace qui rôde, la mort qui plane et transforme les vivants en fantômes…) en le situant sur une plage irradiée de soleil.
La fin, très belle, justifiera rétrospectivement l’ennui qu’on a éprouvé au milieu du texte (comme si soudain Levy ne savait plus quoi faire de ses personnages). La justesse inouïe des rapports mère-fille, la description si sensible de l’impact qu’a la maladie d’un être sur la vie de ses proches, la tristesse et la terreur sous-jacente du pire à venir en font un roman à lire absolument.
Hot Milk de Deborah Levy (Éditions du sous-sol/“Feuilleton Fiction”), traduit de l’anglais par Céline Leroy, 320 p., 22,50 €. En librairie le 10 mai.